— T occupé ?
Alexandre se rend compte qu’il observe son téléphone depuis dix minutes sans avoir la moindre idée de quoi répondre. Mais Samuel le rappelle à la réalité.
— Non, je ne savais juste pas comment commencer la conversation.
— Tu écris tjrs comme ça dans tes texto ?
— Réflexe d’intello. Je ne supporte pas les fautes de frappe et les abréviations.
— Je vais faire un effort alors ;)
— Merci pour ton indulgence.
— Essaie quand même que j’ai pas besoin d’aller chercher dans un dico tous les quatre mots, hein.
— OK.
Dans des circonstances normales, ils se seraient sans doute donner rendez-vous dans un bar ou en boîte, et ça aurait très certainement fini aux chiottes ou carrément dans son studio. Tout aurait été beaucoup plus direct, sans sous-entendu ; parce que tous les deux se seraient attendu à un coup d’un soir, comme ça, pour le fun.
Ici le portable et la distance sont plus compliquées à aborder. Et Alexandre semble deviner que Samuel n’est pas forcément un habitué des applications. En vingt minutes de textos échangés il n’y a eu ni dickpic, ni abdo, rien du tout. Pas une photo. C’est un peu dommage, mais Alexandre ne va pas commencer ; il a envie que ça continue un peu normalement. Samuel est le premier individu avec qui il discute depuis le début du confinement qui ne soit ni un collègue de fac ni un membre de sa famille. Ni la caissière du Carrefour où il va faire ses courses et qui est la seule et unique personne physique avec laquelle il a une interaction réelle. Même si cela se limite à bonjour et merci et au revoir.
— C'est vraiment pas ma façon de flirter. Désolé si j'ai du mal à lancer la conversation, finit-il par écrire.
Trois petits points s'affichent puis disparaissent, pendant de très longues secondes. Alexandre a l'impression d'avoir un date et de se retrouver avec un mec incapable de lever les yeux de son verre de rhum-coca. Ou c'est lui qui est tellement ennuyeux ?
— J'ai pas l'habitude de la drague, du tout. Tu fais comment d'habitude ?
Pas de clope, plus d'alcool, rien à grignoter, on est dimanche en fin d'après-midi, Alexandre n'a rien pour enfoncer ses quelques doutes au plus profond de son inconscient.
— Dis, tu as un compte discord ? Ce sera plus pratique.
Le temps d'allumer son ordinateur, de s'installer à son mini bureau, vu sur le ciel parisien, et finalement il s'est un peu calmé. Il y a un nouveau profil sur son discord, la vignette représente un personnage de manga ?
— Salut. C'est qui le perso sur ta pp ?
— Jojo, Jonathan Joestar. Je le trouve cool et c'est la meilleure série du monde.
— J'avoue j'ai jamais été très manga. J'ai du arrêté à Pokemon avant le collège.
— Tu regardes quoi pour te divertir alors ?
— Des séries policières, j'en parle avec ma mère après, commence à écrire Alex. Non il ne va pas parler de sa mère tout de suite. Il efface. Puis reprend : — Des séries policières surtout, et Game of Thrones comme tout le monde. Et Sense 8 comme genre 120 % de la population gay.
— J'aime trop pas, je me suis endormi.
— On va devoir arrêter la conversation ici.
— J'admets quand même Lito a un beau cul.
— Bon ça va.
La conversation part sur leurs occupations plus ou moins culturelles, comme deux mecs qui se rencontrent dans une soirée chez un pote font connaissance. C'est plutôt agréable. Ils finissent par s'échanger des titres à regarder, même si Samuel avoue qu'il ne peut regarder que sur son téléphone et qu'il doit faire gaffe à son forfait.
— Mon pote m'appelle pour manger. A+
Alexandre finit par éteindre son ordinateur avec un grand sourire sur le visage. Jusqu'à ce qu'il se rende compte qu'il n'a rien à manger à part le pain d'épice arrivé la veille.
— Breakfast for diner ce sera.
Il déteste le pain d'épice, mais il faut bien avouer qu'il a un goût de maison.
"Dans des circonstances normales, ils se seraient sans doute donner rendez-vous dans un bar ou en boîte, et ça aurait très certainement fini aux chiottes"
Ces petits riens font de cette lecture un vrai plaisir.
Je me fonde sur les expériences de certains de mes potes, mais il est toujours compliqué de savoir si on touche juste ou si on s'effondre dans la fétichisation (ou si on a juste raté le coche)
Ça sent toujours le réalisme et la gêne de seconde-main. J'approuve.
(Je suis cette fille qui écrit très peu en abrégé aussi, haha...)
J'écris des romans dans les sms aussi ^^