L'appel d'anniversaire des parents et du frère d'Alex est beaucoup plus sympathique que celui de sa grand-mère, et aussi beaucoup plus long. Et même si Alex leur promet un apéro zoom plus tard, ils s'en tiennent à une conversation simple, ce qui arrange bien Samuel.
Le repas attend sagement dans le mini four, Samuel attend sagement sur le lit, Alexandre est assis en tailleur par terre, deux colis devant lui et portable coincé entre l'épaule et l'oreille.
Samuel essaie de ne pas trop écouter la conversation ; ça le gêne un peu. Et puis, ça l'embête qu'Alexandre ait décidé de rester à Paris alors qu'il aura sans doute la possibilité de rentrer chez lui dimanche ou lundi. En Alsace il a ses parents, son frère, une grande maison, un jardin, et pas besoin de vérifier trois fois son compte en banque à chaque fois qu'il fait un achat.
Quand il voit le visage enjoué d'Alex alors qu'il ouvre son colis et découvre les petites attentions de sa famille, quelque part ça lui fait mal au cœur. Il observe les paquets s'aligner un à un sur le parquet : un paquet de pâtes aux œufs (encore !), une boîte de mini bretzels, une petite bouteille de vin blanc soigneusement protégée par trois tonnes de papier Sopalin, une boîte de foie gras, et deux conserves de haricots verts. Samuel sent qu'il y a une blague derrière mais il n'arrive pas à savoir quoi. Enfin une bouteille de lubrifiant à la fraise et des préservatifs au chanvre.
Hors de question qu'il mette ça dans sa bouche ou dans un quelconque autre orifice de son corps.
— Maman, dis à Mathieu que je n'ai pas besoin de tout ça... Oui ça va... Non t'inquiète pas... J'ai ce qui faut et puis il va recommencer à faire chaud... Non... Ça avance, je vous expliquerai ça par mail... OK... Au chocolat... Oui ben y'avait que ça à la supérette. Allez, merci encore. Je vous embrasse.
— Ils sont tellement cools.
Samuel pose sa tête sur celle d'Alex, adossé au lit.
— Mais j'ai un veto sur les capotes.
— Je jure, il doit faire une razzia de trucs bizarres une fois l'an dans un sexshop allemand et après il m'en offre un à chaque occasion.
— Tu devrais rentrer, tu sais.
Alexandre penche la tête en arrière. Il est toujours en pyjama. Deux des boutons du haut sont défaits, laissant voir les deux taches sombres de ses mamelons. Samuel a de nouveau envie de se jeter sur lui.
— Je vais pas te laisser tout seul.
Avant que Samuel ait pu protester il ajoute : — On ne sait même pas si les trajets seront autorisés. La région est encore hyper dangereuse, et c'est pas mieux chez eux.
— Mais si tu avais la possibilité ?
— On verra si la situation se présente. Maintenant j'ai envie de vraiment fêter mon anniversaire.
Comme il fait beau dehors, ils décident de manger les mezze avec la bière achetée par Sam dans le studio, et de déguster le gâteau en extérieur, ce qui pousse enfin Alex à aller s'habiller. Le temps de remplir une nouvelle attestation, ils remontent la rue vers la placette, s'installent sur le muret, et se partagent une espèce de cake au chocolat bourré de crème pâtissière et surmonté d'un Oréo ramolli.
— Ça ne méritait pas une bougie, franchement, fait Alex en avalant un morceau.
— Me faudra au moins deux cafés pour digérer.
Ils ont à peine le temps de profiter du soleil que trois quarts d'heure sont passés ; Samuel commence à être nerveux. Et s'ils croisaient les mêmes flics que ce matin et qu'ils le reconnaissent ? Ce serait vraiment la poisse.
La main d'Alex se pose sur son genou.
— On rentre à la maison ?
— Ok.