— L'heure de la vengeance a sonné.
Quand Samuel relève la tête du livre qu'il est en train de lire (Marche ou crève, de Stephen King, trouvé entre deux livres de socio écornés), Alex se tient dans l'embrasure de la porte de la salle de bain, juste vêtu d'une serviette de bain autour de la taille. Il tient une boîte de capotes dans une main et une bouteille de lubrifiant dans l'autre. Et ce n'est pas que Samuel soit contre l'idée, mais il ne s'attendait pas vraiment à une telle entrée en matière.
Il repose le livre sans trop regarder, ses yeux fixés sur Alex. Sa mèche assombrie par l'humidité qui rebique sur son front, ses lèvres brillantes, ses épaules larges, son torse tout doux et quasi imberbe, son ventre un petit peu rond qui ne demande qu'à être mordu.
— Sam...
Le jeune homme relève la tête. Le visage d'Alex est sérieux cette fois-ci.
— Est-ce que tu souhaites qu'on couche ensemble aujourd'hui ?
Samuel ne comprend pas tout de suite pourquoi il lui pose la question. Ça se voit non ? Mais l'autre ne bouge pas. Et d'un coup il se rend compte que s'il refuse, Alex rangera ses petites affaires, et ils se regarderont un film en se faisant quelques câlins, sans plus. Et que cela ne l'emmerdera absolument pas.
— Oui.
— Est-ce que tu permets que je te fasse une fellation ?
— Oui.
Réponse beaucoup plus rapide cette fois. Samuel sent le rouge lui monter jusqu'à la racine des cheveux quand il remarque le petit sourire d'Alex.
— Est-ce que tu veux me pénétrer ?
Oh, il aurait cru que ce serait le contraire. Samuel hoche la tête, puis finit par verbaliser devant le silence d'Alex.
— Enfin, est-ce que je peux te contrôler, juste le minimum ?
— Comment ?
— Par exemple je pourrai te demander de te déshabiller, là, tout de suite.
L'ordre induit provoque un mélange étrange de honte et de plaisir au fond de son ventre. Il se retrouve à enlever son tee-shirt sans y réfléchir.
— Ta réponse, Sam.
— Ou... Oui.
— D'accord. Avant de continuer, si tu as la moindre gêne, le moindre doute, ou même si tu n'as plus envie, tu me le dis. Ok ?
— Ok.
— Bien. Lève-toi et continue de te déshabiller.
Les mains de Samuel tremblent mais quand il se retrouve nu devant Alexandre, il est déjà bien excité. Son amant a abandonné sa serviette de bain par terre et s'approche doucement de lui. Quand il l'embrasse, Samuel se sent complètement fondre. Et presque aussitôt il est de nouveau tendu, sauf que là il ne s'agit plus d'appréhension, mais bien d'impatience.
Il se laisse guider pour se retrouver allongé sur le lit, Alexandre à quatre pattes au-dessus de lui, qui le regarde longuement.
— Tu es tellement beau.
— Tu l'es plus.
— C'est moi qui ai raison.
Et il l'embrasse à nouveau pour l'empêcher de répliquer, tout en lui ramenant les bras au-dessus de la tête.
— Interdit de bouger, d'accord ?
— Ok.
Purée de verbalisation à la con ! Purée qu'est-ce qu'il l'énerve, ça se voit non ? Bon sang... Les nerfs de Samuel ne s'apaisent pas du tout, et encore moins alors que les lèvres d'Alex prennent leur temps pour descendre le long de son torse et qu'une de ses mains le prend presque délicatement. L'autre main s'amuse à tordre un téton tellement fort que Samuel ne sait pas s'il doit gémir ou râler.
Pourtant, il ne bouge pas d'un pouce.
Il serre les poings, s'accroche à l'oreiller, se dit même que purée ce lit devrait avoir une vraie tête à laquelle se tenir, mais jamais il ne rabaisse les bras pour empoigner Alex, même quand celui-ci le prend en bouche, et qu'il s'arrête beaucoup trop tôt au goût de Sam.
— Regarde-moi Sam.
Ce dernier se rend compte qu'Alex le contrôle peut-être, mais qu'il a l'air aussi agité que lui. Alex lui demande de nouveau si ça va. Il couvre sa main de lubrifiant et commence à se doigter.
— Ça t'excite ?
— Oui.
— Tu voudrais le faire toi-même ?
— Oui.
— Tu voudrais que je te le fasse à toi ?
— Oui.
Alex sourit. Sans s'arrêter, il se penche vers Sam et l'embrasse tendrement : — La prochaine fois mon cœur.
Il se redresse et doucement descend sur son érection.
C'est serré, c'est chaud, ce n'est pas tout de suite confortable, Samuel a la trouille qu'il se passe un truc, n'importe quoi, et tout d'un coup, tout prend une autre dimension.
Il n'a toujours pas bougé les bras.
Alex bouge au-dessus de lui, de plus en plus profondément, de plus en plus vite, ses mains s'accrochant en arrière sur ses cuisses, il est beau, il est si beau, et Sam ne bouge toujours pas ses bras. Il n'a plus qu'une seule sensation, qui se diffuse partout, et elle n'est que là, qu'à la jonction entre son corps et celui d'Alex. À la fois diffuse et hyper concentrée.
— Ça va toujours ?
— Oui, fait-il dans un souffle.
— Bien.
Alex se penche à nouveau en avant, ils s'embrassent alors qu'il ralentit très légèrement ses mouvements. Sam a l'impression qu'il va exploser d'un moment à l'autre. Son amant prend ses bras, l'un après l'autre, et les passent sur ses épaules, comme s'il était une poupée.
Et soudain il les bascule sur le côté et Sam se retrouve au-dessus, déboussolé.
La main d'Alex vient lui caresser le visage.
— Vas-y.
Et son bassin se met à se mouvoir. D'abord avec un peu d'hésitation puis, voyant à quel point Alex apprécie, de plus en plus fort. Un va-et-vient erratique, irrégulier, jusqu'à l'orgasme.
Sam n'attend pas d'ordre ou de conseil ensuite, alors qu'il se désengage, encore sonné. Il prend en bouche son amant pour la deuxième fois de la journée. Il se rend compte qu'il n'y a pas de capote mais tant pis, il continue, c'est comme s'il crevait de soif et qu'il n'y avait que là qu'il pouvait se sustenter.
Les mecs avec lesquels il a passé une bonne partie de sa vie, toujours ils disaient qu'il n'y avait rien de pire et de plus dégradant qu'avoir une bite dans la bouche ou dans le cul mais vraiment, ils ne savent pas ce qu'ils perdent. Et quand Alex jouit enfin, il avale sans même y faire attention, presque par désespoir.
— Eh, viens par ici.
Les doigts d'Alex sur son visage, qui lui essuie la bouche. Puis un baiser et un autre. Une main qui vient ôter le préservatif oublié. Une serviette passée qui lui tire une grimace, puis une excuse. Et les couvertures qui les couvrent.
— Comment ça va ?
Pas de question sur la performance, sur les maladresses, sur la façon dont Samuel s'est comporté sur la fin.
— Je suis super fier de toi, mon cœur.
— C'est toi le plus beau.
— Si tu le dis.
Alex lui caresse les bras. Ils sont tout endoloris d'être resté immobiles de force. Samuel ne s'en était pas rendu compte.
— C'était dingue, commence Sam, une fois qu'il a repris un peu ses esprits.
Ils ont renfilé leurs tee-shirts, et comme l'activité creuse, Alex est allé chercher un paquet de gâteaux dans l'armoire du coin cuisine.
— J'ai toujours cru qu'il n'y avait que deux catégories : celui qui prend et celui qui se fait prendre.
— Ouais, les pornos c'est de la merde.
— Mais c'est pas que les pornos : tout le monde pense ça !
— Ben, tout le monde c'est de la merde.
Alex tente vainement de ne pas mettre des miettes dans le lit. Comme aucun des deux n'a remis de caleçon, la moindre miette pourrait leur coûter leur nuit de sommeil.
— Alex ?
— Hm ?
— Non, rien.
(Je t'aime)