Les deux jours suivants passent sans qu'Alexandre mette le nez dehors. Il a remplacé le café par un fond de thé noir assez dégueulasse, mais suffisamment fort pour le maintenir éveillé.
Son article envoyé deux minutes avant la date limite, il se retrouve à nouveau accoudé à sa fenêtre, à fumer sa cigarette en attendant que ses nouilles soient prêtes. Finalement, cela ne change pas tant de choses par rapport à sa vie d'avant. Même si travailler en bibliothèque lui manque : les pauses café au distributeur, les discussions sans fin, toujours un peu lourdes, avec d'autres étudiants, la traversée de l'arrondissement, voire de Paris, pour trouver le burger ou le kebab à la fois bon et abordable.
La sonnerie du téléphone l'interrompt dans ses pensées légèrement mélancoliques.
— Mon chéri, tu vas bien ?
Ah. L'appel hebdomadaire à ses parents s'est transformé en un appel tous les deux jours. Bientôt il sait que ce sera tous les jours. Il ne se passe pas grand-chose dans la campagne alsacienne, et maintenant que les centres commerciaux et les winstubs sont fermées, c'est encore plus mort que mort.
— Tu ne veux pas revenir ici ? On a internet tu sais !
C'est son père.
Alexandre a une vision très claire de la petite maison mitoyenne qu'habitent ses parents. Forcément, il y a vécu presque quinze ans avant de s'installer à Paris pour ses études. Deux étages plus une grande chambre sous les toits, le domaine de son frère, rempli d'instruments de musique. Sa chambre à lui donnait sur la rue, où il pouvait observer les rares passants. Il a toujours aimé ça, observer. Et maintenant il finit un mémoire de sociologie qui le mènera, selon les mauvaises langues, au chômage.
— Non, pas encore. J'ai des trucs à régler ici.
— Ils parlent d'interdire les déplacements entre régions. On peut te payer le billet de train.
— Vraiment papa, ça va. Mais vous pouvez m'envoyer un colis si vous voulez !
Ils faisaient ça pour ses deux premières années en chambre universitaire : pain d'épice, pâtes aux œufs, et même une fois malheureuse deux bouteilles de bière. Elles s'étaient cassées pendant le transport.
— Pas de problème mon chéri ! Et surtout n'utilise pas Amazon hein ! Préfère les circuits courts ! Envoie-moi ta liste.
Alexandre plaint le facteur qui devra faire les six étages à pied pour lui délivrer le colis. Ou alors il faudra passer au bureau de poste, plus logiquement.
Quand l'appel finit, Alexandre reste un peu sur son portable. Il n'a pas d'applications de jeux dessus, ni vraiment grand-chose. Enfin sauf le petit logo Grindr.
— Y'a encore des gens dessus ?
Bah, ça peut l'occuper un peu. Il en a marre de lire les messages déprimés de ses camarades de fac sur leurs groupe dédié. Grindr lui changera les idées.
Ça méritera un futur mémoire de sociologie (je vais le proposer à mon personnage ^o^)
Si seulement les applis de rencontre ça avait fonctionné pendant ce confinement… enfin, vu la catégorie de l’histoire, j’espère bien que ça mènera quelque part.
Toujours aussi sympathique, qui distille plein de petits bouts de vie quotidienne. J’adore.
Laissons faire le hasard et la magie de l'auteur qui peut faire ce qu'il veut ^^
C'était une période vraiment étrange, surtout quand tu vis seul·e ^^