Lui - Scène 7

Alexandre décide de passer son week-end à se remettre de sa gueule de bois. Avant même d'ouvrir le colis, c'est ménage à fond du studio, rangement du linge propre, toujours dans le panier de la laverie, mise de côté du sale, aération et changement des draps du lit.

Il ne se pose que pour finir un plat de lasagnes réchauffé au micro-onde.

Il prend même la peine de passer la poussière sur son minuscule bureau et de nettoyer l'écran de son ordinateur. Il aurait bien fait les vitres et le miroir de la salle de bain mais, manque de bol, il n'a pas le produit adéquate chez lui.

Quand son portable sonne, il est déjà presque seize heures.

— Maman angoisse beaucoup trop.

Même pas un bonjour. Mathieu a vingt-et-un ans et pas un centimètre de respect fraternel dans les veines.

— C'est-à-dire ?

Alexandre s'accoude à sa fenêtre, comme tous les jours depuis qu'il est à Paris, se rendant compte qu'il n'a pas fumé une seule fois de toute la journée. Il saisit son paquet ; il lui reste trois clopes. Il s'en allume une rapidement pendant que son frère lui explique la situation.

— C'est uniquement parce qu'elle a peur que tu le choppes dans le train qu'elle ne t'a pas encore envoyé de billet pour rentrer. Mais elle a aéré ta chambre et tout, tu devrais l'appeler.

— J'allais le faire, j'ai reçu le colis aujourd'hui. Comment elle a fait pour trouver du pain d'épice en plein mois de mars ?

— Surtout que tu détestes ça, répond Mathieu en rigolant. C'est une vieille blague entre eux. Quoiqu'il arrive, la tradition régionale aura toujours le pas sur leurs goûts respectifs : dégoût du pain d'épice pour Alexandre, écœurement du Riesling pour Mathieu (alors qu'il est très à l'aise avec l'alcool, surtout la mauvaise bière)

— Sans rire, tu sais que quand papa revient des courses, elle l'oblige à tout laisser à la cave pendant vingt-quatre heures et ensuite elle nettoie tous les emballages ? Et elle porte un masque tout le temps, dès qu'elle ouvre une fenêtre, alors qu'il paraît que ça sert à rien.

— Crois pas ce que tu vois à la télé, Mat. Ça sert les masques, mets-en un quand tu sors.

Alexandre s'approche du bureau où se trouve encore le colis, toujours pas ouvert. D'un coup d'opinel il l'ouvre. Oui, il y a bien un pain d'épice dedans. Au moins il est au chocolat.

— Cool, j'ai des masques !

— Je dis pas que tu viens juste d'ouvrir le paquet !

— Si. J'ai fait le ménage aujourd'hui, j'ai pas eu le temps. Mais c'est cool, impossible d'en trouver à Paris."

— De quoi ?

— Des masques.

Le reste du colis est à l'image de ses parents et de son frère : un paquet de pâtes, un roman policier déjà un peu corné, deux boîtes de foie gras d'Alsace, une boîte de préservatif. Ça, c'est de Mathieu.

— Tu sais vu qu'on peut plus parler et toucher les gens, je risque pas de beaucoup baiser non plus.

— Je voulais te les offrir pour ton anniversaire. Mais t'as même pas un voisin mignon dans ton immeuble ?

— Je suis dans une chambre de bonne entre une étudiante de philo et un mec en Staps tout ce qu'il y a de plus hétéro et même pas mignon. Les étages habitables ce sont que des vieux ou des bourges qui ont la cinquantaine.

En fait d'intéressant, il n'y avait que le livreur.

Alexandre range la boîte de préservatif dans la petite armoire de sa salle-de-bain. Elle risque d'y prendre la poussière pendant un certain temps.