C'est la sonnerie de l'interphone qui le réveille le lendemain, à plus de neuf heures. Alexandre n'est pas un adepte de la grasse matinée, mais il a effectivement vidé le pack de bière, sans vraiment rien manger avec, et la gueule de bois est rude. Il ne se souvient ps d'avoir autant eu mal depuis au moins ses dix-huit ans.
Son père n'avait pas arrêté de lui parler de ses potentielles copines, du moment où il allait ramener une petite amie à la maison, de sa protection, de ce à quoi il fallait faire attention, pour finir par une démonstration de la potentielle attraction des poitrines généreuses. Dieu que la soirée avait été longue ; jusqu'à ce que son frère le sorte plus ou moins de ce traquenard avec un beau : — Mais papa, Alex est gay !
À ce moment-là, il n'y avait déjà plus personne sur la terrasse du restaurant où ils fêtaient son anniversaire, et Alexandre avait bien dû vider une bonne bouteille de vin à lui tout seul, sans compter l'apéritif.
Mathieu s'en était voulu à mort pendant des mois, ce dont Alexandre avait bien profité.
Mais bref.
Sonnerie.
Gueule de bois.
Interphone.
— J'ai un paquet pour vous, vous pouvez descendre ? J'ai plus le droit d'aller sur les paliers.
— Oui j'arrive, un instant.
C'est de famille, le jeune homme a horreur de faire attendre les gens, il dévale donc six étages pieds nus et sans tee-shirt, pas coiffé, et avec un pantalon de jogging sans doute mis à l'envers.
Et parce que ce samedi a décidé d'être le jour le plus bizarre d'une semaine déjà bien barrée, c'est l'inconnu à la cigarette qui l'attend devant le mur des boîtes aux lettres.
Alexandre marque un temps d'arrêt.
— C'est lourd...
—Oh pardon, finit-il par dire en s'approchant, prêt à prendre le carton des mains de son livreur. Seuls ses yeux (gris) se voient entre un masque en tissu fait maison et ses mèches de cheveux (châtain très clair avec des reflets dorés) Alexandre n'est pas loin de penser qu'il s'agit des plus beaux yeux du monde.
— C'est une livraison de briquet ?
— Pardon ?
— Le paquet...
Alexandre s'est connu plus à l'aise et moins idiot en plan drague. Il lui faut quelques secondes, le temps de signer le bon de livraison, pour répondre.
— Non, c'est un kit de survie de mes parents. Tu veux voir ?
— Ben, je bosse mec.
— Ah oui, pardon.
— Allez salut !
— Je...
Le hall de l'immeuble est de nouveau vide. Il y a une petite affichette sur la porte et une chemise scotchée contenant des attestations de sorties pré-imprimées. Quitte à être ici et à se prendre la plus grande humiliation de sa vie (à égalité avec son dix-huitième anniversaire), Alexandre dépose le paquet sur une marche et va prendre son courrier.
Au milieu de quelques enveloppes de publicités, un sac en plastique type congélation protégeant un masque en tissu de très mauvais goût, orange avec des motifs de cochon. Un petit mot l'accompagne ; visiblement une voisine consciencieuse a cousu un masque par boîte aux lettres pour tout l'immeuble.
— J'irai la remercier plus tard.
Penaud, Alexandre finit par remonter dans son antre.
Il a toujours l'haleine qui pue, le paquet de ses parents va sans doute lui filer un lumbago, il a froid parce que oui, il est toujours pieds nus, et il n'a pas eu la présence d'esprit de demander le nom et le téléphone du joli livreur.
— Mais quel con !
Maintenant faut commander plein de trucs sur Amazon, Alex (ah non, Amazon a ses propres livreurs désormais…)
Alors il faut vite quémander des colis auprès de tes parents, Alex.