Je soigne mes maux à travers les mots que je dis ou que j'entends, ainsi qu'à travers l'écriture. C'est mon "remède à ma schizophrénie". Ma thérapie est multiple et je suis très attachée à la culture et à l'art en général, et à l'écriture en particulier. Lors du délire, j'entendais des voix, mais à présent je m'estime rétablie. J'ai lu le très beau livre graphique de lisa Mandel sur ce sujet, que je recommande vivement. Cette lecture a contribué à m'aider dans mon chemin sur la voie de la guérison.
Se dire aux autres et s'exprimer le mieux possible en maniant le langage comme une arme contre le spleen, est nécessaire et vital.
Ma douleur d'exister a longtemps été lancinante, et nombreux étaient mes appels à l'aide. J'ai lutté contre des idées sombres voire morbides. Peu à peu, une certaine forme d'apaisement s'est créée en moi. La crise est passée, le soleil peut à nouveau briller. Cela n'empêche pas encore déprouver certains symptômes dont des insomnies récurrentes. La nuit, je ne souffre pas toujours, je m'occupe et rêvasse yeux grands ouverts. Je songe comme le héros de Victor Hugo, et la pieuvre n'est pas loin. Il me faut la combattre.
La mélodie de mon âme est remplie de nuances et je cherche l'harmonie et l'équilibre entre chaque notes. J'écris et je dis ma vie aux thérapeutes qui tentent de m'écouter au mieux. Je me structure et je conjugue mes peines au passé.
Dans la nuit et le silence, je me raconte et déverse mes pensées et affects sur le papier.
Le jour, en séance, je creuse les sillons de mon inconscient et tente de mieux me comprendre. Je creuse certains sujets qui me tiennent à coeur, et je reçois le soutien de mon psy. Ma parole est entendue et la paix peut certaines fois advenir. La tempête intérieure tourbillonne encore, malgré un calme apparent. La rage d'hier et la colère sourde peut être entendue par les professionnels qui m'accompagnent, et certains pairs.
La théorie psychanalytique étudiée me permet de mieux cerner ma folie et de la baliser. Je prends toujours un temps de recul et d'analyse après une violente émotion ou un évènement important. Récemment, j'ai perdu mon père. Les pleurs et les mots ont pu sortir un peu, mais pas suffisamment. Je suis encore en deuil, et j'attends sur le seuil de la porte d'avoir les clés.
Comme Adèle, la fille de Hugo, comme Camille Claudel, comme Séraphine de Senlis, comme Niki de Saint-Phalle et tant d'autres, j'ai connu la folie. Mais à présent, je fuis l'hôpital et j'étale ma folie sur les pages blanches que je noircie. L'écriture est ma suppléance, du moins j'y travaille.
Je fus hospitalisée en psychiatrie qu'une petite semaine, et je touche du bois, j'espère n'y jamais retourner. C'est bruyant et loin d'être de tout repos! Le manque de moyens est colossal. Les soins ambulatoires me conviennent pour le moment, et je continue mon traitement médicamenteux malgré les effets indésirables.
Le système de soin et la panoplie de thérapies existantes permet de trouver des soins correspondants à chacun et chacune. Je pratique ainsi la sophrologie en plus de la psychanalyse, et j'ai fait de la musicothérapie et de la bibliothérapie, mais aussi de l'ergothérapie. Il existe aussi la médiation animale, et j'ai pu faire une fois ou deux de l'équithérapie. Sans parler de la gestalt thérapie, que certains apprécient.
On parle beaucoup de bien-être actuellement, et de méditation pour aller et atteindre le bonheur. On est dans la dictature du plaisir, et il faut à tout prix paraître normal et trouver sa place dans cette société capitaliste. Toutefois, il est bon de rappeler qu'il est naturel et normal de souffrir quand on a subi de graves traumatismes durant l'enfance. Ferenzci avait étudié cette question et parlait de l'identification à l'agresseur et de la dissociation du moi lorsqu'il y avait eu effraction dans le réel.
Les viols répétés m'ont marqué pour toujours, et le délire déclenché à trente ans a marqué un avant et un après. Toujours est-il que les solutions existent et j'ai trouvé une forme de réconfort et d'exutoire dans l'écriture. Qui plus est, la pratique de la psychanalyse et mes lectures me permettent de tenir bon et d'enrayer ou d'éviter la survenue d'une nouvelle crise ou d'une rechute. La sophrologie quant à elle m'aide à structurer mes journées par des exercices concrets en m'ancrant et en me permettant de me projeter et de dessiner des projets. C'est satisfaisant. J'ai une bonne relation avec mon sophrologue et les séances sont riches. Le premier temps de la séance est consacré à la parole, et dans un second temps nous faisons un exercice adapté à mes besoins.
Concernant la psychanalyse, je travaille beaucoup sur l'inceste et le délire, mais aussi sur les activités que je mets en place et sur mes relations. Il est souvent question de mes parents, parfois de mon ex. Il faut savoir que j'ai déclenché deux ans après une rupture amoureuse importante, et suite à une autre rencontre. Cette dernière fut surtout imaginaire et fantasmée (je n'ai vu la personne aimée que quatre ou cinq fois seulement!), et axée sur un versant érotomaniaque. J'ai un peu honte d'ailleurs d'avoir tant cru que quelque chose serait possible avec lui, et de lui avoir envoyé autant de messages; cet artiste musicien a provoqué en moi un délire. J'en ai conscience, et j'essaye de prendre du recul et de faire des pas-de-côtés. Mais ce n'est pas si évident que ça.
Quelque soit nos difficultés, il existe toujours des solutions à nos problèmes et c'est important d'y croire. La honte m'a souvent accompagnée, et j'aurais voulu me laver jusqu'au sang pour effacer les traces du viol. A présent, je continue à faire des cauchemars même s'ils changent de contenus et se font plus rares. Cela avance doucement comme on dit, et "je" dis que la psychanalyse et l'écriture sont deux antidotes à la souffrance efficaces pour moi.
Un bon remède quotidien est également la marche, mais aussi la radio. J'écoute France Culture et FIP essentiellement. Par ailleurs, si je lis moins qu'avant la psychose, je conserve malgré tout des temps de lecture réguliers. Se concentrer me demande plus d'effort, mais j'y parviens.
De tous ces petits éléments, je pense construire ma suppléance, au sens lacanien du terme.