Mars | Epilogue

Par Hinata
Notes de l’auteur : Et c'est le dernier chapitre, un mélange de soulagement et d'émotion d'y arriver, peut-être que vous partagez le sentiment. Merci d'être là. Et bonne lecture :)

Raphaëlle releva le nez de son ordinateur et constata qu'il pleuvait encore à verses. Elle libéra une oreille de son casque, guettant le faible tambourinement de l'eau sur la tôle du toit voisin. Une envie de thé la prit et elle déplia ses jambes pour se hisser péniblement du canapé.

Raph tâtonna jusqu'à la cuisine, appuya sur le mauvais interrupteur, puis celui qu'elle voulait, mais réglé sur un éclairage tout bonnement aveuglant. Comment marchait ce super variateur de lumière, déjà ? Elle chercha ses lunettes sur sa tête mais ne trouva que son crâne chevelu. Oh, et puis zut.

Raphaëlle soupesa la bouilloire. Vide, bien sûr. Le double évier, où elle s'occupa de la remplir, était occupé d'un côté par de la vaisselle sale, et de l'autre par le gilet en laine que Raphaëlle avait mis à tremper, et qu'elle avait bien sûr complètement oublié. Aucune envie de s'en occuper à cette heure-là. Coup d'œil à l'horloge. Théo avait du retard. Pas beaucoup, à peine cinq minutes. C'était toujours ça de pris : en plus du pull en laine, Raph avait parfaitement zappé de leur faire à dîner. Fichue série, beaucoup trop addictive. Voilà pourquoi elles auraient dû arrêter leur abonnement : Raphaëlle était bien trop faible.

 

Les pâtes s'agitaient gentiment dans la casserole quand la porte d'entrée s'ouvrit, plus loin dans l'appartement. Le hall d'entrée laissa résonner le bruit des pas sur le parquet, du trousseau de clefs dans le vide poche, puis la voix que Raphaëlle préférait sur la Terre :

— C'est nous ! 

Pour une fois, Théo n'avait pas l'air trop épuisé en entrant dans le salon. Au lieu de s'écraser dans le canapé, elle poursuivit même sa route jusqu'à la cuisine où Raph terminait de mettre le couvert.

— Alors, tu l'as terminée ? demanda Théo en agitant une main dans ses cheveux mouillés.

Raph se plaça hors de portée de ses ébrouements avant de répondre :

— Ma thèse ?

Si seulement. Pas près d'arriver cela dit, si les mails à sa chère directrice de thèse continuaient de rester sans réponse.

— Non, ça je m'en fiche, voyons. Je parlais de ta série.

— Presque. Tu détesterais vraiment. Je pourrai te raconter ?

— Bien sûr, mon amour.

Raphaëlle coupa le feu sous la casserole et rejoignit Théo, accoudée à la table haute, concentrée sur son portable.

— J'adore quand tu m'appelles comme ça, lui glissa Raphaëlle.

Théo pivota le temps de lui embrasser le sommet de la tête.

— Je sais, bébé.

Ses pensées volèrent vers Jeanne. Raph tendit le cou vers le salon, mais personne en vue.

— Où est passé le petit monstre ?

— Dans sa chambre, elle arrive. Un truc à nous montrer pour l'école, je n'ai pas tout compris.

Raphaëlle s'en retourna à ses pâtes, qu'elle égoutta consciencieusement au-dessus de l'évier, avant de réaliser qu'elle venait d'arroser son pull qui trempait toujours dans l'eau savonneuse.

— Merde merde merde !

— Oh my god, Mam', les gros mots.

Entre la passoire pleine de pâtes et une pensée pour sa pauvre laine, Raph trouva le temps de lever intérieurement les yeux au ciel, parce que, vraiment, ce n'était plus permis de dire « oh my god » en 2024.

— Jeanne, viens m'aider s'il-te-plaît, au lieu de faire tes petits commentaires.

Théo avait déjà sorti un plat et se proposa de lui prendre la passoire des mains.

— Laisse, je m'occupe de ça. Toi, sors ton truc de là, ça fait au moins deux jours que ça baigne dans l'eau.

— Je l'ai mis ce matin.

— Alors, non : c'était déjà là hier.

— Donc pas « au moins deux jours ».

Jeanne se râcla théâtralement la gorge dans leur dos, son nouveau signe, ô combien subtil, pour leur faire savoir qu'elles devenaient relou. Raph contint difficilement le soupir d'exaspération qui lui chatouillait la gorge.

— C'était bien la piscine ? lança-t-elle tout en essorant le vêtement.

Jeanne ne prit même pas la peine de lui répondre, trop occupée à inspecter l'intérieur du frigo. Elle en ressortit une bouteille de Ketchup et commenta mollement :

— Y a plus de fromage râpé.

— C'est pas la fin du monde, lui répliqua Théo.

Après avoir posé le plat de pâtes sur la table, elle s'était bien sûr aussitôt replongée sur son téléphone. Ma parole, Jeanne n'avait même pas dix ans, et Raph se coltinait quand même une ado à la maison.

— Vous étiez censées en racheter sur le chemin, pointa Raphaëlle avant d'emmener sa laine détrempée à la buanderie.

Le petit ton supérieur lui avait échappé, on aurait dit sa propre mère. La laine encore dégoulinante dans une main, Raphaëlle fit tomber de l'autre le linge propre du tancarville dans le panier. Des rires complices dans la cuisine se firent un chemin jusqu'à elle. Elle étendit à la va-vite le gilet et sortit de la pièce en refermant la porte un peu plus fort que nécessaire.

Théo avait baissé l'intensité de l'éclairage et se servait un verre de vin. Jeanne avait pris place à table, un cahier ouvert devant elle. Perchée sur son tabouret, elle balançait distraitement ses jambes dans le vide, ce qui était toujours bon signe. Bientôt ses pieds atteindraient la barre du milieu. Hallucinant.

— Raph, tu vas pas le croire, appela Théo. Je me fais interviewer.

Raphaëlle s'assit en face de Jeanne et prit le verre de vin que Théo lui tendait.

— C'est pas vraiment une vraie interview, expliqua Jeanne en levant les yeux au ciel. C'est juste un exposé pour l'école.

— Un exposé sur quoi, trésor ?

— C'est sur le métier des parents. Enfin, juste un, parce que sinon, si tout le monde en fait plusieurs, ça va durer mille ans, tu vois ?

Raphaëlle acquiesça et, l'air de rien, échangea un regard avec Théo. L'émotion dans ses yeux. Les siens aussi, sûrement. Raphaëlle prit une gorgée de vin.

— Et donc tu as choisi Théo ? 

— Oui, désolée Mam'. Mais bon, de un, ma maman Emma va pas revenir sur terre pour m'expliquer son travail qu'elle avait avant de m'avoir. Et de deux, toi t'es juste une maîtresse, et en plus maintenant tu retournes à l'école. Avoue que c'est pas le plus intéressant.

Raphaëlle était bien obligée d'en convenir, essayant de ne pas prendre non plus trop à cœur le jugement d'une enfant de sept ans et demi. Dans une tentative de retrouver un peu de sa dignité, elle s'enquit avec toute la bienveillance du monde :

— Est-ce que la préparation de ton exposé peut attendre la fin du repas ?

— Oui, abonda Théo, les pâtes vont refroidir.

Elle fit mine d'attraper l'assiette de Jeanne qui s'y agrippa d'un air paniqué :

— Attends ! Je mets le ketchup avant !

— Ah bon, c'est nouveau ça.

— Moi je veux bien d'abord les pâtes, se proposa Raphaëlle.

— Avec plaisir, mon amour.

Théo prit son assiette et lui accorda au passage un clin d'œil qui la fit sourire bêtement.

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Sorryf
Posté le 07/03/2025
J'arrive pas a y croire! C'est la fin de BBJ! Je suis toute émue olala ! Bravo d'avoir réussi a terminer cette histoire, et merci pour cette fin toute positive et adorable et super mignonne, comme Jeanne qui a tellement grandi ! Sa maman serait fière d'elle, et elle serait aussi fière de sa soeur !
J'adore la dernière phrase, sourire bêtement ça décrit complètement l'état dans lequel me met ce texte <3<3 !
Hinata
Posté le 16/03/2025
Hé ouii, c'est finito ! Merci à toi d'être arrivée jusqu'ici, t'es la meilleure ! J'étais très intimidé à l'idée de devoir écrire une "dernière phrase" justement alors tant mieux si elle te plaît :)

Des bisous Sorryf et merci merci pour ta lecture et tes commentaires si mimi !
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