Les mâchoires crispées, Mathilde tord son uniforme de vendeuse. Elle imagine qu’elle saute par-dessus le comptoir et qu'elle monte à l’intérieur du premier train qui passe, qu’elle s’installe dans un compartiment rien qu’à elle. Bien au chaud sous un plaid, elle se laisserait dormir, en sécurité pour la première fois depuis des mois.
Tout ce qu’elle veut, c’est partir loin d’ici. S’enfuir. Ne jamais revenir. Oublier cette région qu’elle préfère rayer de la carte.
Pas que sa vie ici ait été un cauchemar, en tout cas pas au début. Mais entre sa vie perso qui part à vau-l’eau, les lettres de menaces et les cadeaux morbides… ça commence à la faire flipper.
Elle a encore reçu une lettre horrible avec des photos de son ex-mari en petite tenue, une flamme au fond des yeux, et en-dessous des caractères découpés dans un magazine : « Dommage ».
Ouais, c’est clair que c’est dommage.
– Dis ma belle, tu essaies d’hypnotiser le conducteur à travers la vitre ?
Elle desserre à peine les dents et esquisse un sourire sans conviction à sa seule amie. Une fille envahissante mais toujours là quand elle a eu besoin.
Pas la peine de parler à Estelle de ses doutes et de sa vie qui part en cacahuète, elle ne comprendrait pas avec sa vie heureuse, son mari fidèle et son bébé qui gazouille.
– J’imagine juste ce que ça ferait de partir d’ici.
Sourcils arqués, Estelle la fixe et pose une main sur son bras. Elle a une poigne impressionnante pour un petit bout de femme d’un mètre cinquante.
– Tu veux t’en aller ?
– Non. Oui. Je ne sais pas.
Son poing se resserre et Mathilde grimace.
– J’ai juste besoin de vacances. Faut pas t’inquiéter.
– Sûr ?
Mathilde acquiesce. D’un geste souple, elle récupère son avant-bras endolori.
– Me fais plus peur comme ça. C’est pas cool. Tu deviendrais quoi ailleurs, toute seule ? On a besoin de toi, nous. Et la petite Judy aussi.
Judy c’est son bébé. Elle lui a donné le même nom que la mère de Mathilde. En hommage. Parce que c’est le nom que Mathilde aurait voulu donner à son bébé si elle était tombée enceinte. Elle s’est sentie bête à l’époque quand Estelle lui a demandé l’autorisation. Elles se connaissaient depuis quelques mois seulement.
– Je ne bouge pas.
Estelle hoche la tête, rassurée, et s’éloigne assez pour que Mathilde laisse le frisson qui menaçait la parcourir.
– Tu fais bien, dit-elle. Pas que tu ne puisses pas, évidemment. Et puis on serait là pour toi tous les trois si tu en avais vraiment envie.
Mathilde ne dit plus rien. Elle regarde le train se remplir et disparaître, sans un regard en arrière.
– Tu viens manger à la maison ce soir ? Judy dort chez mes parents et Mike est parti à Nantes pour un match de foot. On sera entre filles et tu pourras tout me raconter.
J'avoue ne pas avoir saisi sur le moment le caractère sociopathe d'Estelle, je pense que ça mériterait comme tu l'as mentionné précédemment un récit plus long. On est tellement pris dans l'histoire qu'on a envie de savoir la suite!!
Je vais rattraper mon retard dans mes lectures et je continue au chapitre suivant! ^^
Mais il va falloir que je le retravaille, tu n'es pas la seule à trouver le texte touchant, mais j'y voyais la scène d'un thriller. Estelle, dans ma tête, c'est une sociopathe.
Bref... je vais reprendre ça à tête reposée ce week-end pour rendre Estelle plus flippante et l'atmosphère plus chargée.
À l'occasion, tu me diras si c'est mieux ?