Matthew Broscow et la vieille dame

Assis sur le quai de gare, devant une boulangerie hors de prix, Matthew Broscow relève ses lunettes et son journal. Sa gorge est sèche et l’envie de tousser est plus forte que jamais. Sauf que s’il se laisse aller, il va tout faire capoter.

Dans le dernier wagon du train qui vient de s’arrêter, se tient Oscar de la Panthoulière, le cambrioleur qu’il poursuit depuis cinq longs mois. Il l’a traîné à Vienne, à Londres, au Luxembourg, à Bruxelles.

Alors Matthew n’est plus à quelques minutes près. Et il a tout prévu. Se lever une fraction de seconde après le passage d’Oscar, le bousculer « sans faire exprès », lui passer les menottes et rentrer victorieux au poste de police le plus proche.

Bon, OK, son plan est nul. Mais on se raccroche comme on peut à l’idée de retrouver sa famille et de prendre un putain de bain chaud, avec de la mousse et ce petit parfum de pêche que sa femme adore.

Il en a les orteils qui gigotent.

Allez mec, sors de ton trou.

–  Je peux vous demander un service, monsieur ?

Il lève un regard ahuri vers une mamie toute de jaune fluo vêtue qui lui tend ses bagages.

Pas certain d’avoir compris, il demande :

–  Vous voulez que je porte vos affaires ?

Elle cligne des paupières. Trois fois. Elle le prend pour un con en plus.

–  Alors ? C’est oui ou c’est non ?

Incrédule, Matthew secoue la tête et reprend sa planque. Avec la chance qu’il a, le type a fui.

Sous ses lunettes épaisses, il scanne la gare bondée, mais pas de grand roux aux yeux bleus. Une moue dépitée se dessine sur son visage. Il mâchouille sa lèvre inférieure.

Il s’est encore barré.

–  Vous êtes encore plus laid comme ça.

Encore la vieille excentrique.

–  Pardon ?

Une main gantée – de jaune fluo bien sûr – sur ses lèvres peintes, elle se penche et ricane.

–  Il m’avait bien dit que vous n’étiez ni beau, ni sympathique. C’est d’ailleurs comme ça que je vous ai reconnu. Vous ne passez pas franchement inaperçu.

C’est à son tour à lui de cligner des yeux.

–  Quoi ? Qui vous a dit ça ?

Elle se redresse et hausse les épaules.

–  Oscar, évidemment. Il m’a dit de vous passer le bonjour une fois parti.