Le chaos, toujours. Puis, sans prévenir, une secousse violente
traverse le vaisseau. Le pont grince sous nos pieds, et des câbles
commencent à céder un à un. Un bruit sourd résonne, semblable à des
turbines en action, suivi par un deuxième message automatique, émanant
des haut-parleurs du vaisseau :
ANOMALIE DÉTECTÉE. Protocole de sécurité échoué.
Transformation du vaisseau interrompue.
Stabilisation nécessaire. Évacuation recommandée.
Le vaisseau gémit sous cette transformation avortée, sa structure
vacillant entre deux états. Les plaques métalliques se tordent sous la
pression, et des câbles se détachent, flottant comme des serpents dans
le vent.
Le pont devient de plus en plus instable, tremblant sous nos pieds à
chaque nouvelle secousse. Nous luttons sur une surface qui pourrait
céder à tout instant.
Kaede tourne brièvement la tête, distraite par le message et le
grondement des câbles qui lâchent autour de nous. C’est ma chance. Je
profite de cette fraction de seconde pour me dégager de sa lame,
sentant la froideur quitter ma gorge. Je ne perds pas une seconde.
Alors que je roule sur le coté, une plaque de métal au-dessus de nous
se détache brusquement, provoquée par les secousses continuelles. Elle
tombe lourdement dans un fracas assourdissant, juste derrière Kaede.
Le pont tout entier vacille sous l’impact, et l’un des câbles
principaux lâche dans un cri métallique.
Kaede — Quoi ?!
La surprise se peint sur son visage alors qu’elle vacille légèrement
sous l’effet des secousses et du câble qui se détend sous ses pieds.
Elle tente de retrouver son équilibre, mais la structure du pont
devient de plus en plus précaire.
D'un mouvement vif, j'utilise ce qu'il me reste de force pour
déséquilibrer Kaede, la forçant à reculer d'un pas. Prise au dépourvu,
elle ne peut éviter un énorme débris métallique provenant de la tour
radio au-dessus de nous. Le morceau de métal s'écrase brutalement sur
elle, l'emprisonnant sous des tonnes de débris. La moitié de son corps
est coincée, et ses blessures semblent graves, l'empêchant de
continuer le combat.
Kaede — Aidez-moi, s'il vous plaît, Princesse Angélina !
Ses yeux, autrefois empreints d'une froideur inflexible, reflètent
désormais un désespoir que je n'aurais jamais cru voir chez elle. Mon
cœur se serre en la regardant, cette femme qui fut mon mentor, celle
qui m'a formée. Pourtant, je sais que je ne peux pas faiblir. Pas
maintenant.
Angie — Tu peux toujours courir.
Kaede — Reviens ici, sale enfant pourrie, Tu es exactement comme ta
mère. Une lâche qui fuit quand tout devient trop difficile.
Ma respiration se bloque, ma main tremble légèrement.
Je ne devrais pas l’écouter, je ne devrais pas l’écouter. Mais elle
continue, sa voix plus forte, plus cruelle.
Kaede — Ta mère aussi croyait qu’elle pouvait échapper à son destin.
Elle a fuit ses responsabilités, pensant qu’elle pouvait protéger les
siens… mais elle a échoué. Elle est morte en pleurant, suppliant qu’on
l’épargne.
Ma mâchoire se serre. Mensonge.
Ses mots s'abattent sur moi comme des coups de poignard, ravivant des
souvenirs que j'avais enfouis au plus profond de moi. Je sens ma main
se serrer en un poing tremblant, tandis que des vagues de colère, de
tristesse, et de détermination froide se bousculent dans mon esprit.
Je ne veux pas lui montrer à quel point elle m'a atteinte, mais la
blessure est là, bien réelle.
Kaede — Parfait... Elle va revenir.
Angie — Contrairement à toi, elle n’a jamais supplié ni renié qui
elle était.
Kaede — Reviens ! AAAAAAGH, ma jambe !
La douleur dans sa voix est déchirante, mais je ne peux pas me
permettre d'être détournée. Ma mission est trop importante. Je
détourne mon regard d’elle, mon visage impassible, bien que mon cœur
soit en tumulte.
Soudain, un grincement métallique retentit, et je vois une partie de
la parabole au-dessus de nous se détacher. Elle tombe lourdement sur
la passerelle, emportant Kaede dans le vide. Je la vois disparaître
dans un fracas assourdissant, ses cris s'éteignant tandis qu'elle est
engloutie par l'abîme.
Le fracas métallique des débris qui engloutissent Kaede s’éteint
progressivement, laissant un silence pesant derrière lui. Je reste
figée un instant, mes yeux fixés sur l'endroit où elle a disparu. Un
mélange étrange de triomphe et de tristesse m’envahit. Mes jambes
tremblent légèrement sous le poids de nos affrontements, à la fois
passés et présents.
Je prends une profonde inspiration, cherchant à alléger le fardeau
émotionnel qui pèse lourdement sur mes épaules. Mes doigts, toujours
crispés autour de la garde de ma claymore, se détendent enfin. Une
douleur sourde s’installe dans mes mains, une douleur familière après
un combat aussi intense.
Cette fois, ma respiration devient plus lente, plus profonde, alors
que je relâche la tension accumulée. Mon corps est lourd de fatigue,
chaque muscle me rappelle l'effort fourni maintenant que le danger est
écarté. Je ferme les yeux un instant, savourant le soulagement, mais
je sais qu’il est temporaire. Mes pensées, elles, restent claires.
Kaede est vaincue, mais le chemin devant moi est encore long.
Mais je n'ai pas le luxe de me laisser submerger. Le pont est en
ruine, impossible de faire machine arrière maintenant. Je dois me
reconcentrer rapidement sur ma mission. Les enjeux sont trop élevés
pour permettre la moindre distraction. Kaede n’est plus là, mais la
mission continue, et je dois avancer.
La porte de la salle de communication, légèrement entrouverte, grince
quand je la pousse. L'intérieur révèle un tableau de contrôle
électronique complexe, baigné dans une lumière froide, les écrans
clignotants affichant des messages d’alerte. Mes doigts hésitent
au-dessus des boutons et des écrans tactiles ; je ne suis pas une
experte en technologie, et l'interface me semble totalement étrangère.
Mon regard parcourt rapidement les écrans et les boutons, mais un
détail me frappe soudain : je fouille dans ma poche, et mon cœur se
serre. La charge explosive... elle a disparu. Elle a dû tomber pendant
mon affrontement avec Kaede. Sans elle, je ne peux pas désactiver le
relais comme prévu. Une vague de frustration, presque de panique,
m'envahit.
Je me force à respirer profondément et me tourne vers la console de
contrôle. Mes doigts hésitent au-dessus des boutons, tentant en vain
de comprendre l’interface complexe. Je commence à appuyer
frénétiquement sur chaque commande, espérant trouver celle qui
couperait les systèmes de communication. Mais rien n'y fait. La
technologie, bien plus avancée que celle de Yonoki, reste
incompréhensible, et mes efforts redoublent d’impatience et de rage.
Finalement, l’incompréhension cède à la colère. Dans un geste brusque,
je dégaine mon épée et, d’un mouvement résolu, j’abats la lame avec
force sur le tableau de contrôle. Le métal de mon arme rencontre les
circuits dans un fracas assourdissant. Des étincelles jaillissent,
éclairant brièvement la petite pièce d’une lumière éclatante. Les
câbles et composants éclatent sous la pression, et le chaos sonore
résonne contre les parois métalliques.
Puis, soudainement, tout s'éteint. Les lumières vacillent une dernière
fois avant de sombrer dans l’obscurité totale. Un silence pesant
remplace le bourdonnement des machines. Ma respiration lourde est la
seule chose qui résonne dans cette obscurité oppressante. Peu importe
comment, que ce soit avec un explosif ou une lame, j’ai accompli ce
que je devais faire : les communications sont coupées.
Je prends un instant pour calmer les battements frénétiques de mon
cœur, puis me tourne, guidée par ma détermination. Il est temps de
retourner dans la partie principale du vaisseau et de poursuivre ma
mission.
Coincée de ce côté, avec la passerelle en ruines, je me creuse la
tête, cherchant désespérément une solution. Mon esprit tourne à toute
allure, et une idée folle me traverse l'esprit. La claymore, toujours
fermement tenue dans ma main, pourrait servir d'ancrage. Inspirant
profondément, je plante l'épée dans le sol métallique, la lame
s'enfonçant jusqu’à être parfaitement stable.
Je concentre alors mon énergie, rassemblant la moindre parcelle de
force en moi. La glace se forme sous mes pieds, glissant de l’ancrage
de la claymore pour créer une passerelle gelée et scintillante qui
s'étend devant moi, étroite mais solide, prête à supporter mon poids
pour un court moment.
Sans hésiter, je m'élance sur le pont glacé. Laisser ma claymore
derrière est un sacrifice, mais je n’ai pas le choix. Mes pas sont
rapides et mes mouvements précis, évitant les sections les plus fines
et les plus instables. Je sens que chaque pas pourrait être le dernier
avant que la glace ne cède sous mon poids.
Quand enfin mes pieds touchent la surface stable de l'autre côté, un
intense soulagement m'envahit. Je jette un dernier regard à ma
claymore, toujours plantée, scintillant sous les reflets de la
lumière. La récupérer est impossible maintenant. Un sacrifice
nécessaire pour avancer.
Je rentre de nouveau dans l'ascenseur, mais, comme prévu, sans
électricité, il reste immobilisé. Après un bref instant de réflexion,
je décide d'ouvrir un passage dans le plancher de la cabine,
découvrant le câble d'amarrage qui s'enfonce dans l'obscurité.
Je déchire un morceau de ma robe et le gèle solidement autour du
câble, comptant sur la friction pour ralentir ma descente. Avec
précaution, je commence à glisser, contrôlant ma vitesse en appliquant
de petites impulsions de glace pour stabiliser le tissu enroulé autour
du câble. Chaque mouvement demande précision et maîtrise, mes muscles
tendus supportant mon poids dans cette descente improvisée.
Soudain, alors que je passe devant un étage resté ouvert suite à la
coupure de courant, j’aperçois un drone de sécurité. Il se glisse dans
la cage d'ascenseur, scannant l’espace en contrebas. Son capteur
lumineux se fixe sur moi en une fraction de seconde.
Drone — Alerte ! Intrus détecté dans l'aile C ! Activation du
protocole d'arrestation !
Je vois le drone effectuer une manœuvre soudaine et, à mon horreur,
son bras mécanique s’active et sectionne l’un des câbles principaux de
l’ascenseur. Une secousse violente traverse la structure métallique
au-dessus de moi, et le grincement du câble rompu résonne dans la cage
d’ascenseur. Je réalise que la cabine, encore suspendue plus haut, va
chuter, emportant tout sur son passage.
Angie — Il se moque de moi, il ne cherche pas à m'arrêter, mais à me
tuer !
Le bruit de l’ascenseur en chute libre se rapproche dangereusement,
chaque seconde compte alors que je descends le long du câble à toute
vitesse. Je jette un regard rapide vers le bas et repère une porte
d'accès à quelques mètres en dessous. Mon cœur bat à tout rompre, mais
je rassemble toutes mes forces pour me propulser vers elle.
Au dernier instant, juste avant que la cabine ne m’écrase, je relâche
le câble et bondis vers l'ouverture. Mon corps passe en une fraction
de seconde, et j’atterris en roulant sur le sol, mes mains et mes
genoux rencontrant la surface froide. À peine ai-je atteint la
sécurité que la cabine s’écrase en bas dans un fracas assourdissant,
projetant des débris métalliques et pulvérisant le drone dans un nuage
de poussière et de morceaux de câbles.
Je reste un moment, le souffle court, le sol encore vibrant sous mes
mains à cause de l’impact.
Angie — J'ai eu chaud, et je suis toute sale maintenant.
Alors que je secoue ma robe déjà bien abîmée, je m’approche du
croisement où j’ai vu Rin pour la dernière fois, mon souffle toujours
lourd de l’effort. Un silence étrange règne dans mon oreillette, et
malgré mes appels répétés, aucune réponse ne me parvient.
Angie — Rin, où es-tu ? Je suis arrivée là où on s’est séparés… Rin,
tu m’entends ?
Je m’arrête au croisement, scrutant chaque direction. Le silence dans
le couloir n’est brisé que par le martèlement de mon propre cœur. Mon
instinct me hurle que quelque chose ne va pas, mais je n’ai pas le
temps de réfléchir.
Tout à coup, un mouvement furtif derrière moi. Une présence lourde et
oppressante se rapproche dangereusement. Mon corps réagit avant mon
esprit, l'instinct de survie prenant le dessus. Sans hésiter, je
pivote et lance mon pied vers cette silhouette, visant son cou avec
toute la force dont je dispose.
L’impact est violent, mais il encaisse sans broncher. Mon pied heurte
un bras solidement protégé, et une légère fissure apparaît sur
l'armure sous la puissance de mon coup. Ce n’est qu’en reculant
légèrement pour évaluer mon adversaire que je le vois clairement.
Un frisson me traverse. Une silhouette sombre, un long manteau noir
flottant derrière lui, et surtout, ce masque rouge vif, anguleux et
menaçant. Deux fentes étroites d’où émane une lueur glaciale me fixent
avec une intensité presque inhumaine. Il dégage une aura terrifiante,
presque démoniaque.
Puis, mon regard se fige sur l’arme qu’il porte d’une seule main : une
lance massive, d'un design aussi élégant que menaçant. Sa taille et sa
forme laissent deviner son poids, mais entre ses doigts, elle semble
incroyablement légère.
Avant que je puisse réagir davantage, il m’attrape par le cou et me
soulève sans effort. Sa poigne est implacable. Chaque seconde qui
passe m'éloigne de l’air vital dont j’ai désespérément besoin. Je me
débats, frappant son bras sans relâche, mais il ne bronche pas.
Alors que mes sens s'engourdissent et que les ténèbres menacent de
m'engloutir, des bruits de pas précipités résonnent dans le couloir.
Un éclair d'espoir me traverse. Une silhouette passe à toute vitesse
à mes côtés. Rin ? Impossible… et pourtant. Il pose une main ferme
sur mon épaule pour prendre appui et, dans un mouvement fluide,
bondit dans les airs. Son pied percute précisément l’endroit où mon
attaque avait déjà fragilisé l’armure de mon assaillant.
L’impact est dévastateur. La protection du bras de Scarlet Ghost cède
sous la force combinée de nos deux coups, me libérant enfin de son
emprise. Je tombe lourdement au sol et prends une grande inspiration,
mes poumons brûlant de l’effort et de la peur.
Lorsque mon champ de vision se stabilise, je vois Rin, debout entre
moi et Scarlet Ghost. L'air est lourd d'une tension palpable. Ils se
fixent, comme deux prédateurs analysant leur adversaire.
Sans un mot, Rin sort quelques pierres de sa poche et, d’un geste
précis, forge des gantelets sur ses poings. De son côté, Scarlet Ghost
brandit lentement sa lance colossale, traçant un arc menaçant dans
l'air, comme pour marquer le début du duel.
Rin esquive avec agilité les premières frappes, ses mouvements précis
lui permettant d’éviter de justesse les attaques puissantes de son
adversaire. Mais la vitesse et la précision de Scarlet Ghost le
forcent bientôt à bloquer certains coups. Les gantelets de pierre de
Rin encaissent les chocs dans un grondement sourd, projetant des
étincelles à chaque impact.
Après plusieurs échanges intenses, Rin recule de quelques pas, les
yeux toujours rivés sur Scarlet Ghost. Ce dernier incline légèrement
la tête, et dans un geste dérangeant, un filet de fumée commence à
s’échapper de son masque, se déployant lentement autour de nous comme
un voile menaçant.
L’air devient dense, et je sens l’adrénaline remonter en moi alors que
la visibilité diminue. Juste avant que la brume ne m’engloutisse
complètement, j’entends la voix de Rin, ferme et résolue :
Rin — Ça suffit. Pas la peine d'aller plus loin. On doit partir d'ici.
Il m'attrape par le bras, son expression empreinte d'une urgence
palpable alors qu'il me presse de me dépêcher. Les explosions qui
déchirent le silence secouent les parois du vaisseau, et l'adrénaline
pulse dans mes veines.
Alors que nous courons dans le couloir, mon regard capte une lueur
inquiétante sur le côté.
Angie — Rin, baisse-toi !
Sans hésiter, je le plaque au sol, et une lance gigantesque vient se
planter dans le mur juste au-dessus de nos têtes avec un fracas
assourdissant. Le choc est si soudain que je me retrouve très proche
de son visage, mes mains appuyées sur ses épaules pour l'avoir
maintenu au sol.
Un silence étrange s'installe, et je sens le rouge me monter aux
joues. Je reste figée, incapable de dire quoi que ce soit.
Rin sourit légèrement et, pour briser la tension, murmure avec un
petit sourire espiègle :
Rin — Euh… bonjour ?
Mon esprit s’embrouille, et avant que je ne réalise, je bafouille,
totalement déstabilisée.
Angie — Baa… aa… pr… es…
Rin — Angie, t’es toute rouge.
Je tente de reprendre mes esprits, mais avant que je ne puisse réagir,
des bruits de pas métalliques retentissent dans le couloir. Scarlet
Ghost se rapproche.
Rin — Il faut partir, et vite !
Je me redresse précipitamment. Rin jette un coup d’œil vers la lance
coincée dans le mur.
Rin — Je vais la prendre pour qu’il ne puisse pas la récupérer.
Angie — On n’a pas le temps, dépêche-toi !
Il s'acharne à essayer de la déloger, mais elle est profondément
enfoncée.
Rin — Elle est trop lourde, je n'arrive pas à la sortir.
Angie — Tant pis, laisse-la.
Rin hésite, puis, avec un dernier effort, brise la lance à sa base et
garde le manche.
Rin — Bon, je vais au moins récupérer le manche.
Nous nous précipitons enfin dehors, vers les rampes de lancement.
Devant nous, des alarmes clignotent de partout, et des vaisseaux de
secours s’éloignent dans le ciel. Le vent est si violent que des
morceaux de métal et de câbles arrachés flottent dans l’air, projetés
dans toutes les directions. J’ai du mal à garder les yeux ouverts face
à ce chaos tourbillonnant.
Angie — Et maintenant, on fait quoi ?
Rin — On se tire d'ici ! Mais... où est ton épée ? Et pourquoi tes
vêtements sont-ils encore plus déchirés qu'avant ?
Angie — Je l'ai abandonnée. Elle ne valait pas le coup de risquer
ma vie. Allez, on y va !
Rin me lance un regard malicieux, levant les bras dans un geste
théâtral.
Rin — À nous la liberté !
Sans attendre ma réaction, il se laisse tomber dans le vide avec un
sourire insolent.
Angie — Tu es vraiment sérieux ? Même en plein chaos, tu trouves le
moyen de faire le spectacle ?
Je prends une profonde inspiration, prête à le suivre.
Angie — Kho, apparition !
Une brume glacée enveloppe mes mains alors que mon esprit de glace se
manifeste. Kho surgit dans un souffle givré, formant un courant d’air
froid qui stabilise ma descente. Je plonge à mon tour dans le vide,
laissant les rafales de vent fouetter mon visage tandis que je
rattrape rapidement Rin. Il se positionne derrière moi, se laissant
guider par le courant d’air que je génère.
Les explosions derrière nous illuminent le ciel nocturne, projetant
des éclats métalliques et des flammes à travers la structure
défaillante du Garuda. Le vaisseau tremble sous les assauts internes,
comme une bête agonisante tentant de lutter contre sa propre
destruction.
Mon regard se tourne brièvement en arrière. L’image de Kaede hante
encore mes pensées. Son regard empli de haine et de fierté blessée,
ses cris étouffés sous les décombres… Je chasse ces souvenirs d’un
battement de cils. Ce n’est pas le moment de faiblir.
La fatigue s’accumule dans mes muscles, et je ressens une pression
sourde dans ma poitrine. L’effort pour maintenir Kho actif tout en
contrôlant notre descente devient de plus en plus lourd. Je vacille
légèrement dans l’air, mes ailes de glace perdant en stabilité.
Rin, derrière moi, sent mon déséquilibre et pose une main sur mon
épaule pour me stabiliser.
Rin — Angie… tu tiens le coup ?
Sa voix est faible, presque lasse. Il est à bout de forces lui aussi.
Mon regard se pose brièvement sur lui. Son visage est marqué par
l’épuisement, ses épaules affaissées. Il lutte visiblement contre le
poids de la fatigue. Sa respiration est lente, laborieuse, et même son
ton a perdu de son espièglerie habituelle.
Rin — Je crois… qu'on a assez joué les héros pour aujourd’hui…
Un petit sourire étire mes lèvres malgré la situation.
Nous descendons plus bas, nous rapprochant du sol. Je repère enfin un
point d’atterrissage convenable : un ancien village en ruine,
abandonné aux abords d’une forêt dense. Une zone discrète, loin des
patrouilles de l’AGL et des zones de surveillance principales.
L’endroit parfait pour y passer la nuit.
Angie — On va se poser là. Qu’est-ce que… tant…
Un mouvement déséquilibré derrière moi m’interrompt.