Je m'appelle Angélina D. Luce, princesse du royaume d'Yonoki, une île immense et isolée, perdue au milieu de l'océan, bien loin du continent principal. Mon royaume est une terre d’une beauté saisissante, où se dressent des montagnes aux sommets enneigés, entourées de forêts luxuriantes qui semblent murmurer des légendes anciennes à chaque souffle de vent. Nos côtes, bordées de falaises abruptes, offrent une vue imprenable sur un horizon sans fin, où le ciel et la mer se confondent parfois en un dégradé de bleu. Yonoki est un royaume fier, où la royauté est plus qu'une tradition : c’est une fondation, une structure inébranlable.
La lignée de ma famille, les D. Luce, règne depuis des générations, guidant Yonoki à travers les âges. Nous avons bâti un système de gouvernance rigide, fondé sur des siècles d’héritage et de pouvoir familial. Bien que nous soyons éloignés du continent, notre isolement ne nous a pas coupés du monde extérieur. Grâce à des échanges commerciaux avec une cité continentale, Yonoki est devenu un royaume prospère. Mais cette prospérité a un prix : celui de l’ordre, de l’obéissance et de l’isolement.
Le château de ma famille, perché au sommet d’une colline verdoyante, est le joyau d'Yonoki. Ses murs blancs, ses tours élancées qui touchent presque les nuages et ses immenses salles, où résonnent les échos des banquets et des conseils de guerre, reflètent la grandeur de notre lignée. Les jours y sont marqués par le tintement des couverts d'argent et le murmure des conversations chuchotées dans les couloirs. Le palais respire l'élégance, mais à mes yeux, il est devenu une cage dorée. Tout ce faste, tout cet héritage… ne sont que des chaînes qui me retiennent.
Lorsque mon père est mort il y a un mois, après une longue maladie, l'ombre de la trahison s'est abattue sur moi. Mon oncle, avide de pouvoir, a rapidement pris les rênes du royaume. Il m'a faussement accusée d'avoir comploté contre mon propre père et d'être responsable de sa mort. Cet acte ignoble lui a permis de légitimer son coup d'État et de me déclarer traîtresse aux yeux du peuple.
J'ai été forcée de fuir pour sauver ma vie. La garde royale, autrefois loyale, s'est retournée contre moi sous l'influence de mon oncle, et j'ai dû abandonner le château qui m'avait toujours protégée. Seule, et sans personne en qui avoir confiance, je n'avais d'autre choix que de partir en exil avec mon compagnon fidèle, Khô.
Khô est mon oiseau de glace, un esprit qui a la particularité de se matérialiser dans notre monde en étant recouvert de glace. Sa taille peut varier, allant de petite jusqu’à imposante, ce qui me permet de monter sur son dos et de me déplacer avec aisance. Ensemble, nous avons parcouru pendant des années notre magnifique royaume et les îles insulaires qui entourent Yonoki.
Notre île est entourée par un vaste océan couvert d'une brume épaisse au loin, surnommée le Voile de Yonoki. Ce brouillard dense et impénétrable protège l'île depuis des générations, rendant impossible l'utilisation de tout équipement électronique pour ceux qui osent s'aventurer dans ces eaux. Mais pour Khô, cet environnement familier n’est qu’un terrain de chasse. Ses ailes majestueuses, fendues de cristaux glacés, lui permettent de se déplacer à travers cette mer voilée comme un prédateur invisible.
Le voyage jusqu'au continent a duré deux jours, pendant lesquels Khô et moi avons traversé l'océan d’une grandeur infinie. Nous avons survolé les vagues et aperçu des animaux marins gigantesques, enveloppés dans le Voile, invisibles aux yeux de quiconque tenterait de nous retrouver. Bien que je n'aie eu aucune nourriture pendant ce voyage, ma détermination à atteindre le continent ne faiblissait pas.
J'espérais rejoindre Sokatsu City, une cité dont j’avais entendu parler pour sa discrétion et sa prospérité technologique. Le vieux conseiller de mon père m'avait assuré que cette ville serait un refuge idéal pour quelqu'un en fuite. Mais il ne m'avait pas préparée à ce qui m’attendait.
Alors que la brume se dissipait enfin, laissant place à l’air salé des côtes du continent, une vague de tension monta en moi. En longeant les côtes, cherchant un endroit sûr pour me réfugier, je pensais être à l'abri. Mais à peine avais-je franchi le Voile de Yonoki que je fus prise dans le collimateur de drones d’interception de l’AGL.
Bien que Yonoki soit une île isolée, nous avons toujours maintenu des échanges limités avec le continent, troquant des denrées rares et exotiques ainsi que de l'alcool raffiné contre des technologies, même si elles n'étaient jamais les plus récentes. Ce mélange de tradition et de modernité confère à notre royaume un caractère unique. Mon oncle, désormais au pouvoir, avait depuis longtemps un intérêt particulier pour ces échanges, notamment avec l'organisation de l'AGL, avec qui il négociait régulièrement. Leur réputation de puissance technologique et militaire était bien connue dans nos cercles diplomatiques, malgré notre isolement.
Cependant, je ne pensais pas que l’AGL interviendrait aussi vite pour traquer une simple exilée. Dès que j'avais quitté le Voile de Yonoki, leurs drones m'avaient repérée, et depuis, ils ne me lâchaient plus. Peu importaient mes tentatives pour détourner leur attention, ils forçaient Khô et moi à longer la côte, coupant toute possibilité de retraite ou de dissimulation. Mon plan de fuite s'était transformé en piège, me confinant à une trajectoire sans échappatoire.
Khô et moi avons poursuivi notre course, mais lorsque l’un des drones s'est approché dangereusement, je n'ai eu d'autre choix que de riposter. Avec un mouvement rapide, Khô détruisit plusieurs drones en plein vol. Quant à moi, j’ai utilisé mon pouvoir de glace pour figer d'autres appareils dans les airs avant de les voir s’écraser dans la mer en contrebas. Ce court répit ne fit que renforcer la détermination de mes poursuivants, qui resserrèrent encore leur cercle autour de moi.
Chaque tentative pour les semer échouait, et à chaque battement d'ailes, les imposants gratte-ciel de Sokatsu City apparaissaient peu à peu à l'horizon, se dressant tels des colosses de verre et d'acier contre le ciel. Avant que je ne m'en rende compte, les défenses de la ville s’étaient activées. Des drones supplémentaires avaient été déployés, formant un filet impénétrable autour de moi.
Khô déploya toute sa dextérité dans des manœuvres aériennes, slalomant entre les ruelles étroites et les avenues bondées de la cité. Les drones transformèrent ces artères en un véritable labyrinthe, nous obligeant à un vol bas et imprévisible. À chaque battement d'ailes, Khô laissait échapper des éclats de glace qui traçaient une longue traînée gelée derrière nous.
Je ressentais un pincement de culpabilité. La peur des dommages collatéraux me hantait. Mon désir de liberté ne devrait pas compromettre la sécurité des citadins innocents. Mais l’urgence de ma situation me forçait à ces manœuvres désespérées. Consciente de ma trop grande visibilité et de l'impossibilité de semer mes poursuivants dans cette jungle urbaine, je pris une décision risquée : reprendre de l’altitude.
En m’élevant dans le ciel, je scrutai l’horizon, cherchant désespérément une issue. Au loin, un terrain aride et montagneux attira mon attention. Ses canyons semblaient offrir une chance d’échapper aux forces de l'AGL. Peut-être que dans ce paysage accidenté, je pourrais utiliser les formations rocheuses à mon avantage pour me cacher.
Mais ma prise d’altitude offrit une opportunité à mes poursuivants. Trois véhicules aériens blindés se détachèrent de l’horizon, leurs moteurs rugissant alors qu'ils entamaient une course-poursuite effrénée. Leurs silhouettes imposantes me laissaient peu de répit, et je compris rapidement que la fuite ne serait pas aussi simple que je l’avais imaginé.
Arrivée dans le désert, Khô continua de manœuvrer habilement à travers le dédale de canyons, esquivant avec précision les tirs des véhicules de l'AGL. Malgré toute la dextérité de mon compagnon, je sentais que la situation nous échappait. Les drones persistaient, et plus nous esquivions, plus ils semblaient se rapprocher.
Angie — Pourquoi tirent-ils à vue ? Je n'ai rien fait pour mériter ça…
Le bruit des moteurs et des explosions autour de nous amplifiait la tension. J’essayais de garder mon calme, mais la panique commençait à s’installer. Un vaisseau ennemi explosa soudain derrière moi, projetant des flammes dans le ciel. Une silhouette se dessina dans la fumée, et un homme, montant l’un des véhicules de l’AGL, apparut.
Angie — Qui est-il ?
Cet homme se tenait debout sur le véhicule, les cheveux balayés par le vent, affichant une assurance déconcertante malgré le chaos autour de nous. Je serrai plus fort la garde de mon épée, prête à me défendre. Il s’approcha rapidement, chevauchant son véhicule avec une précision troublante. Lorsque je levai ma lame, il esquiva avec une aisance presque surnaturelle.
Angie — Comment… ?
Le souffle glacé de ma lame passa si près qu’il en gela partiellement ses lunettes, et je remarquai que même ses cheveux s’étaient raidis sous l’effet du froid.
Rin — Je vois que tu as des ennuis.
Son ton était détendu, presque moqueur. Mais je ne répondis pas. Trop concentrée sur ma fuite, je gardai les yeux rivés devant moi, espérant qu’il me laisserait tranquille.
Rin — Heureusement que...
Il semblait attendre une réaction, mais je continuai d’ignorer ses propos. Peu importe qui il était, je n'avais pas de temps à perdre avec lui.
Rin — Bon, oublions les politesses. Si je te dérange, dis-le, mais je mérite
au moins des excuses pour m’avoir gelé, non ?
Je me figeai un instant, surprise. Des excuses ? Je m'attendais à tout sauf à ça. Finalement, je me tournai légèrement vers lui, essayant de comprendre ce qu'il voulait vraiment.
Angie — Tu ne fais pas partie des mercenaires qui me poursuivent ?
Ma voix était à peine audible à cause du vent et des moteurs qui rugissaient autour de nous. Il haussa un sourcil, visiblement amusé.
Rin — Pourquoi suis-je toujours connecté à leur canal audio ? Je n'arrive
même plus à m'entendre. Allez, siège éjectable !
Il leva une main, et d’un geste, comme s'il commandait l'avion par la seule force de sa volonté, le pilote fut soudainement éjecté du cockpit. L'avion plongea en vrille dans le canyon, explosant dans un fracas assourdissant. Stupéfaite, je le regardai se tourner vers moi avec un air de défi. Qui était cet homme ?
Je serrai un peu plus fort la garde de mon épée, toujours incertaine de ses intentions. Il affichait une assurance qui me laissait perplexe, bien plus compétent que n’importe quel mercenaire rencontré jusqu’à présent.
Rin — Si voler en rase-motte et me congeler alors qu’on ne se connaît pas ne te dérange pas, alors je suppose que tout va bien ?
Ses paroles résonnèrent en moi. Je compris enfin qu’il n’était pas un ennemi. Je baissai légèrement ma garde, mais je ne le quittai pas des yeux.
Angie — Alors, ce n'était pas un tir raté sur un allié tout à l'heure… Tu m’as
vraiment sauvée ? Mais pourquoi ?
Une vague de confusion m’envahit. Cet homme était un mystère, et je détestais ne pas comprendre ce qui se passait.
Le vaisseau qu’il contrôlait explosa violemment, projetant une silhouette dans les airs. Avant que je ne puisse réagir, cette personne atterrit avec une aisance déconcertante sur le dos de Khô. Le choc faillit me déséquilibrer, mais je me rattrapai in extremis à la crinière glacée de mon compagnon.
Rin — C’est vraiment de la camelote, ces vaisseaux ! Ils surchauffent
dès qu’on tente de les booster.
Je le regardai, abasourdie. Qui était cet intrus ? Comment avait-il atterri ici, en plein chaos, avec une telle nonchalance ? Rien ne semblait le perturber, malgré la situation de plus en plus incompréhensible. La panique montait en moi, mais lui restait détendu, presque moqueur.
Angie — Qui es-tu ? Pourquoi tout cela n’a-t-il aucun sens ?
Je basculai Khô dans une série de vrilles et de loopings pour essayer de le désarçonner, mais rien n’y fit. Imperturbable, il resta là, comme s'il ne ressentait ni les mouvements brusques ni l'apesanteur. Mon esprit commençait sérieusement à vaciller.
Rin — Je suis toujours là, tu sais. Tu pourrais te remettre à l’endroit ?
J’ai un peu trop de sang qui me monte à la tête.
Je redressai Khô, et à peine avions-nous retrouvé notre équilibre qu’un quatrième véhicule, encore plus imposant que les autres, surgit, déterminé à nous capturer. Avant que je ne puisse réagir, le vaisseau commença à vaciller. Des étincelles jaillissaient de ses propulseurs, et une épaisse fumée s’échappait de ses conduits. L’appareil perdit rapidement de l’altitude avant de disparaître dans une explosion sourde.
Rin — C’est bien plus simple de s’en débarrasser maintenant que j’ai
compris que la surchauffe est leur point faible.
Son sourire s’élargit alors qu’il me fixait un peu trop longuement, ce qui me mit mal à l’aise. Instinctivement, je levai ma lame, prête à en découdre.
Rin — Doucement. C’est dangereux, ce truc. Et il n’y a pas beaucoup
de place ici.
Je plissai les yeux, tentant de lire ses intentions, mais il leva les mains en signe de paix.
Angie — Je vais te croire pour l’instant. Tu n’es peut-être pas là pour
m’aider, mais tu ne sembles pas vouloir ma mort non plus.
Alors… je m’excuse pour tout à l’heure. Je suis Angélina D. Luce,
princesse du royaume de Yonoki.
Rin — Enchanté… Moi c’est… C’est quoi cette m… ?
Son regard se figea soudain derrière moi, ses yeux s'écarquillant sous le choc. Un frisson glacé me parcourut. C'était la première fois que je le voyais perdre son calme.
Angie — Tu ne vas pas me dire que ça te choque de voir une vraie prin…
cesse… C'est quoi cette merde ?!