Trente minutes plus tôt
– Si tu veux qu’on soit débarrassés, il faut que tu fasses ce que je te dis. On va le faire tous chacun notre tour demain.
Esméralda Boranov m’a laissé un énième message vocal.
– Ce sera toi qui donneras le signal. Si tu rates ton coup, ne m’adresse plus jamais la parole.
Son accent des pays de l’Est donne une saveur particulière à ses phrases. Si elle ne me proposait pas la destruction de l’humanité juste parce qu’on en a marre de tirer sur un fil qui scintille tous les matins, je serais aux anges. Voire même, je l’écouterais le soir sous la couette pour être sûr de faire de jolis rêves. Et puis le matin au réveil, pour me souvenir que la vie est belle, que les oiseaux chantent sous le ciel bleu, etc.
Bref. Quand elle m’a répondu après la cérémonie ratée, j’étais tellement content – à la fois qu’elle daigne me parler, et que mes plaintes aient un écho en elle – que mon cœur aurait pu exploser, ou imploser façon trou noir.
En quelques jours, j’ai appris que ma destinée n’était pas une fatalité ; qu’il y avait un moyen concret d’y mettre fin.
– Il y a un homme dans mon pays qui a réussi à se débarrasser de son fil de cristal.
Rien que d’y repenser, je frissonne. Ces petits sons qu’elle fait avec ses cordes vocales sont presque indécents.
– Alexei Ivanov a tout essayé. Couteau, lame de rasoir, feu, glace. Rien ne fonctionnait. Les lames se brisaient, le feu ne brûlait que la main d’Alexei. Même la glace fondait. Il n’avait plus aucun espoir d’être libre.
Et puis on m’a expliqué comment faire. Il y a deux jours. Juste après le dernier rendez-vous en date avec Alec Brownson, mon tuteur. J’étais pris au piège entre mes sentiments pour la superbe brune et mon honneur.
– Dans ma famille, nous avons gardé un diamant brut, offert à Alexei par un proche du Tsar. Il en a fait une arme qu’il a utilisée et qu’il a ensuite cachée parce qu’il la jugeait trop dangereuse.
J’ai écouté sans piper mot. Elle est classe cette expression, hein ?
Bref. La vraie question, c’est : est-ce que c’est une nouvelle façon de se moquer de ma famille ?
Et aussi : est-ce que j’ai envie de laisser ma bulle éclater ?
Dans la plupart des familles, on tient un grimoire. Oui, oui, un grimoire. Ce vieux livre qui sent le moisi à force de passer de mains en mains. Dans le nôtre, il y a le nom de tous mes ancêtres masculins.
Je ne les connais pas tous, mais je peux voir leur écriture d’une simple mention. Faut dire que j’ai passé du temps à étudier le moindre de leurs mots.
« Pour un éclipse lunaire, tirer un quart de seconde de plus, et calculer l’angle. Il ne doit jamais être trop à l’ouest. »
Sans déc’, Sherlock. Enfin Augustin Lancien, deuxième du nom.
Bref. J’ai cherché des informations sur un fil rompu, sur cette prétendue pointe de diamant utilisée par un russe pour se libérer du joug des étoiles.
– Tu n’es qu’un sot si tu penses que le Grand Conseil des Familles a permis que cet événement soit mis dans nos grimoires. C’était une honte. Alexei est tombé dans l’oubli et sa famille dans l’infamie.
Le lendemain de cette conversation, j’ai reçu une arme rudimentaire par la poste : un truc brillant tout moche – un diamant de deux-cent ans – monté sur un morceau de bois vermoulu qui s’effrite sous mes doigts.
Tandis que je marche dans l’herbe mouillée qui pénétre à travers le tissu trop fin de mes converses, j’ai pris ma décision. Ce poids qui pèse dans la poche de ma veste, je l'attrape et je le glisse dans la poubelle publique la plus proche. Je n’ai jamais eu besoin d’un vieux morceau de bois pour vivre ma vie comme je l’entends.
Plus léger, je file vers le cristal. Il a senti ma présence, il brille déjà.
Je vais les faire rire un bon coup. Tant pis pour ma famille, son honneur et la discrétion.
À tous les Boranov !
Fin rapide. Choix léger. Non, non, je ne suis pas assez con pour faire ce que me dit une fille, aussi belle soit-elle. Je suis libre. Je fais ce que je veux. Pas de manipulation, juste de l’écoute de soi et une certaine dose d’insouciance. C’est très mignon et agréable à lire. Très surprenant aussi mais pourquoi pas. J’ai bien aimé en tout cas.
Pour ce qui est de la temporalité, je verrai à la relecture. Mais je note bien ton commentaire.
Bonne lecture sur le site ^^
Alors je pense qu'ils ont bien décidé de détruire l'humanité, c'est tout toi, ce genre de projet ! Le passage où le narrateur est croc-love de son Esmeralda est très réussi ! A la fin par contre je suis un peu perdue, surtout le passage "Esméralda me répétait inlassablement que c’était normal, le GCF avait tout fait disparaître. Elle m’avait même envoyé le pic rudimentaire par la poste. Un truc tout moche monté sur un morceau de bois piqueté." j'ai pas compris. C'est une petite fin espiègle comme je t'ai déjà vue faire, mais je pense que le milieu-fin de ce chapitre mériterait d'être plus clair en nous laissant quand même sur notre fin... Je suis pas sûre de me faire comprendre ^^
Mais du coup, qu'est-ce qu'il jette dans la poubelle, est-ce que c'est le diamant ?
C'est trop subtil ? Il fallait que je le dise clairement ?
À bientôt !
J'espère que c'est plus clair.
Encore merci pour tes retours et tes conseils ^^