Je te décrocherai les étoiles

Mon père me dévisage.

–  Dis-moi, pourquoi tu me parles de cette journée et de l’héritière des Boranov ? Dis-moi. Hein, dis-moi.

–  Ouais, ouais, ouais.

Il bougonne, pas dupe une seconde sur le fait que je me moque de lui. J’ai lu dans un bouquin recommandé par son psy qu’il fallait confronter les gens à leurs problèmes. En espérant que ça me refile pas ses TOC.

–  J’y viens, p’pa.

Le parc est toujours plongé dans la pénombre. La maigre lueur des lampadaires se reflète sur son crâne luisant de peur.

–  Tu vas probablement pas rire, mais j’ai regretté d’avoir attendu sa réponse. Enfin, t’sais, savoir pourquoi elle se fichait de la cérémonie.

Il arque un sourcil.

–  Et ?

–  Tu savais qu’il y avait une faction parmi nous qui voulait briser les fils ?

Son teint déjà pâle blanchit et il cligne trois fois des yeux, ses doigts perdus dans les boucles de sa barbe.

–  J’avais espéré que tu ne t’approches jamais de cette famille maudite. Oui, maudite.

–  T’étais au courant ?

Il acquiesce.

–  J’en ai même fait partie quand j’avais ton âge. Il y a longtemps, très longtemps. Longtemps.

Silence.

Le lampadaire clignote et finit par s’éteindre. Il n’y a plus que le ciel et mon père. Deux entités incompréhensibles avec lesquelles je cohabite au quotidien.

–  Sa mère aussi était jolie. La mère d’Esméralda. Anastasia, du nom de l’héritière des Tsars russes. Les russes. Tsars.

–  Tu la connaissais ?

Un son cristallin parvient jusqu’à moi. J’imagine son visage : fendu d’un sourire triste, les yeux mornes. Et puis sa main qui fait tournicoter les poils de sa barbe, évidemment.

–  On s’aimait.