Mercredi 9 Octobre

Par Aude JB

Le réveil ! Encore et toujours lui. Ambre l’avait attrapé dans un geste désespérer pour l’éteindre (le lancer). Elle se ravisa au dernier moment se rappelant de l’importance de la vie de cet objet pour sa mère. Elle lui murmura :

- Tu vivras … au moins quelques jours

Elle checka l’heure entre ses paupières entrouverte. 9h30, elle sera en retard en cours. Au moins Amelia était partie ce qui lui éviterais un affrontement matinal. La soirée de la veille s’était bien passée. Elle avait englouti une quantité astronomique de nem au poulet devant son film préféré. Amelia avait même fini par se détendre face à l’humour intemporel de Jamel Debbouze en architecte égyptien. Le vin avait probablement aidé un peu. Ambre était partie se coucher heureuse, ce qui était assez rare. Cependant, elle savait qu’une bonne soirée ne rendrait pas sa mère moins indulgente à ses problèmes de réveil. Mais surtout que, chez elle, le bonheur ne durait jamais plus de quelques heures. Elle allait devoir affronter, comme chaque jour, le regard des autres, la fac, l’incertitude, la pitié. Elle donnerait cher pour ne plus avoir à subir tout ça, ou alors de le subir dans la peau d’une autre. Dans ses films mentaux elle était belle, magnifique. Faisait tourner la tête des garçons (et des filles) avec ses beaux cheveux roux, ses grands yeux verts et son corp parfait. Elle était également riche, tant qu’à faire ! Populaire aussi. Dans son monde imaginaire elle était une reine parfaite, insensible aux regards des autres et pleine d’assurance. Elle avait rêvé de cette vie des milliards de fois. Elle aurait tout donné pour le pouvoir d’obtenir tout ça. Celui de remplir le vide abyssal qu’elle ressentait. Mais aujourd’hui ne serait pas le jour du miracle, elle allait donc devoir se lever et faire bonne figure une fois de plus. C’était comme un cauchemar sans fin, un tunnel dont on ne voit pas le bout. Ambre se leva d’un coup comme portée par une force extérieure. Elle se demanda pourquoi elle s’infligeait ça au quotidien avant de se rappeler qu’elle ne savait juste pas quoi faire d’autre que de suivre la vague. C’était toujours plus facile que d’essayer et d’échouer. Elle alla machinalement jusqu’à la cuisine pour chercher de quoi combler le vide de son estomac et de son être. La nourriture était un bon calmant même si cela ne la contentait jamais pour très longtemps. Elle loucha sur la Nespresso de sa mère. Amelia détestait quand Ambre s’en servais. Pour elle s’était un gâchis sans nom, au vu du prix, de laisser Ambre s’en servir pour noyer du café sous une montagne de lait et de sucre. Mais ce matin Ambre avait vraiment besoin d’un café, elle assumerait les conséquences plus tard. Elle se fit donc un lait au café et attrapa tous les aliments sucrés qui lui tombait sous la main et s’en fit une orgie devant les dessins animés. Elle enchaina par une douche brulante. La douleur physique lui permettait de faire taire son mal être. C’était stupide et elle en avait conscience mais au moins sa fonctionnais. Et elle n’était pas folle au point de se blesser physiquement mais de temps en temps elle aimer s’enfoncer les ongles dans la paume des mains pour ressentir autre chose. Elle vérifia l’heure une fois de retour dans sa chambre : 11h06. Elle était définitivement à la bourre ! le cours finissait dans moins d’une heure. Ça n’avait juste aucun sens de tenter d’y aller. Son écran était également plein de notifications. Melis et Anna lui avait envoyé des messages pour lui demander si elle venait puis si elle allait bien. Elle ne comprenait pas le mal qu’elle se donnait. Elle se savait un cas désespéré comme ces vieux chiens à la SPA complètement malade et mité dont les gens se prenne de pitié. Après quelques échanges de message elle se fit convaincre de les rejoindre pour déjeuner. Elle détestait ça peut être plus que la pitié. Manger devant les autres signifiait devoir faire attention pour ne pas passer pour une morfale. Heureusement qu’elle s’était déchainée ce matin. Elle attrapa le premier jean sur la pile de linge qui lui servait d’armoire et récupèrera un sweat vintage Lee Cooper corail trouvé dans une friperie. Après une longue hésitation elle se décida à partir pour rejoindre les filles.

 

            Elles s’étaient donné rendez-vous à Apégo en face de la fac. La nourriture était bonne, chère et le lieu était toujours blindé d’étudiants de Descartes et de l’annexe de Science Po. Elle avait décidé de faire le chemin à pied, peut-être que cela atténuerait la goinfrade du matin. Arrivée devant l’Eglise de Saint Germain des Prés elle se rendit compte qu’une femme était en train de l’observer à travers la foule. Elle était magnifique, plus que ça, sculpturale. Une peau noire comme elle n’en avait jamais vu. Elle avait perché sur des talons vertigineux, une robe grise lui servant de seconde peau. Mais ce qui marqua le plus Ambre était son regard. Un regard rougeoyant qui ne fixait qu’elle. Des yeux fous qui la terrorisait. Ambre avait peur, une peur viscérale, une peur qu’elle n’avait jamais ressentie avant. Cette femme, aussi belle soit elle, était dangereuse. Elle en avait l’intime conviction. Elle se senti comme un agneau face à un loup : fragile, insignifiante, déjà morte. Son regard ne dura qu’une fraction de seconde avant qu’elle ne reprenne sa route et fende la foule mais il avait laissé Ambre en nage, en proie à une peur sourde et lancinante. Elle avait l’intime conviction qu’elle aurait dû fuir mais c’était déjà trop tard. Le temps qu’elle reprenne ses esprits et réalise ce qu’il venait de se passer la femme avait disparu.

 

            Elle rentra dans le café complètement perdu avant de voir Melis lui faire de grand signe. Elle alla s’installer avec les filles et se laissa tomber sur une chaise. Melis lui lança un sourire de fer entre deux bouchés.

- Hey ! comment ça va ? T’es toute blanche

- Ouais grave !

Anna venait de sortir la tête de son portable.

- Non, non ça va, juste mal au ventre

Sur ce point Ambre ne mentait pas. Elle avait l’estomac tordu depuis sa « rencontre » avec la femme. Son petit-déjeuner était en train de dangereusement remonter.

- Tu veux boire un truc ? ou manger ?

- Non, je peux rien avaler, merci Melis

Là encore ce n’était pas un mensonge. Les filles semblaient perplexes mais préféraient ne pas insister. La conversation pris rapidement à tour qui déplus fortement à Ambre. La soirée de vendredi était à nouveau à l’honneur et a priori elle n’allait pas pouvoir y échapper.

- Du coup, avec Melis, on s’est dit qu’on pourrait se préparer chez toi. Comme ça tu ne pourras pas nous mettre un plan

Anna avait sorti son meilleur sourire pseudo diabolique. Ambre était désemparée. Elle était prête à tout pour ne pas y aller. Son quotidien était déjà assez difficile pour ne pas s’encombrer de ce genre d’évènement. Elle tenta un semblant d’excuse qui n’eut que l’effet inverse.

- Non mais laisse Ambre, on vient chez toi c’est tout ! T’a besoin de sortir et nous on a besoin de notre amie

Les mots de Melis avaient eu un effet inattendu. Ambre s’était sentie comme poignarder mais quelque chose en elle avait comme était comblé. Est-ce qu’elles m’apprécient réellement ? A peine cette idée avait germé dans son esprit que la pénombre la recouvrit. Non ! elles ne m’aiment pas, c’était juste un masque, une façade. Elle était en proie à des sentiments contradictoires qu’elle se sentait incapable de gérer. Les croire ou se croire ?  Leur laisser le bénéfice du doute ou non ? Ambre n’était pas prête pour ça, pas après le regard de cette femme. Elle avait envie de pleurer, du hurler, de tout casser autours d’elle. Laisser sortir cette haine, cette rage et cette peur qui lui tordait les boyaux. Au lieu de ça elle se vit répondre

- Bon OK, rendez-vous à 19h chez moi ?

Melis venait de lui sauter au coup pendant qu’Anna lui fait la grimace en lui disant

- Bah cache ta joie !

Ambra failli étouffer dans les bras des filles. Elle était à la fois heureuse et désespérer. Pourquoi tout devait être aussi compliqué ?

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Phineas
Posté le 22/11/2020
Un prologue plein de poésie et de mystère.
Un personnage au caractère il me semble bien trempé, ses complexes, son désamour d’elle-même, ses défauts sont autant de raisons qui font qu’on a envie de la serrer dans nos bras, nous aussi.
Ce n’est jamais évident de s’attacher au personnage principal, encore moins dans les premières pages. Bravo.
Une seule question à quand la suite ?
Aude JB
Posté le 02/05/2021
Merci beaucoup Phineas (dont je pense connaître l'identité secrète)
J'espère que cet attachement durera dans le temps et que la suite sera tout aussi plaisante 😊
Vous lisez