Michel Corsek part en vacances

Par Unam
Notes de l’auteur : Histoire commencée, remaniée, continuée, éditée, coupée, recommencée, terminée (enfin je crois). Désolée pour la confusion et merci pour votre patience.

Michel Corsek est un grand monsieur au corps mince et sec, d’où son nom. Il aime le quinoa, car ça rassasie et c’est facile à cuisiner, ça se mélange à tout aussi. Michel Corsek n’aime pas se compliquer la vie, c’est déjà assez compliqué comme ça. Il achète donc régulièrement du quinoa et des courgettes – ça se râpe facilement dans le quinoa –, du jambon, des œufs et du fromage ; du saumon aussi – c’est facile à cuire au four, des tomates cerise – pas besoin de les couper en morceaux, des épinards et du vin rouge. On peut quand même se faire plaisir. 

Michel Corsek part du principe que la vie n’est pas une mince affaire. « Shit happens », comme disent les Anglais, Michel Corsek en est convaincu et s’attend au pire. Une fois les courses rangées, Michel Corsek s’attaque à sa comptabilité. Ses relevés bancaires sont rangés dans le premier tiroir du bureau et tous les dimanches il fait ses comptes. On ne va quand même pas jeter l’argent par les fenêtres. Et puis Michel n’aime pas les surprises. C’est pourquoi une fois faite, il refait sa comptabilité à l’envers, pour être sur de n’avoir rien loupé, on ne sait jamais, un détail est vite oublié. Et puis il faut dire qu’il aime bien ça, faire les comptes et, comme dit, on a bien le droit de se faire plaisir. Michel Corsek est comptable. Ca tombe bien car il a l’œil.  Pour les détails, pour tout ce qui traîne, pour tout ce qui n’est pas censé être là. Sa maison est propre et bien rangée. Il ne s’encombre pas de ce qui est inutile. Une fois consommé, c’est évacué. 

Michel Corsek travaille pour une grande entreprise. Il y a beaucoup de comptes à tenir alors il passe beaucoup de temps au bureau. Lorsqu’il se lève enfin il a des courbatures. Son médecin lui dit souvent : "Il faut lâcher du lest mon grand monsieur ; a ce rythme là vous allez droit dans le mur!" Son médecin n’est pas psychologue. 

Mais Michel Corsek est énervé, c’est pour ça qu’il est grand et sec. Il sait qu’il faut qu’il se laisse aller mais ce n’est pas facile pour lui, ça n’est pas naturel, pas familier, alors il court des kilomètres ou se tue à la tâche en salle de sports après le travail. Après quoi il sait qu’il va passer une nuit tranquille et c’est tant mieux car Michel Corsek angoisse beaucoup ; il a des insomnies. S’il n’a pas poussé l’exercice jusqu'à l’épuisement il reste étendu, tout raide sur son futon, les yeux grand ouverts, pendant des heures. A force il a l’impression d’accumuler encore plus de colère et le lendemain matin il a les nerfs en pelote. Ca épuise d’avoir les nerfs en pelote. C’est pour ça que Michel Corsek a décidé de partir en vacances. 

Il a regardé dans les magazines et les vitrines d’agences de voyage. Des vacances à la mer ce serait l’idéal. S’allonger dans le sable ça lui ferait le dos moins raide. Alors il s’est lancé et a réservé un voyage organisé en Grèce. Ce n’est pas tous les jours que ça arrive. Il remplacera le quinoa par les pâtes pendant un temps. 

Le jour du départ est arrivé. Michel Corsek n’a jamais été aussi courbaturé de sa vie. L’agence de voyage avait demandé un certificat médical pour les assurances et, il y a un mois, tout allait bien. Aujourd’hui, c’est différent. Michel Corsek a besoin d’une chaise roulante pour se déplacer dans l’aéroport et ne pas faire perdre de temps au groupe. L’organisateur ne le quitte pas des yeux et ça agace Michel. Mais il essaie de se calmer en se disant qu’une fois arrivé il pourra s’étendre sur le sable et là ça ira mieux. Il se plonge dans son guide et rêve de criques turquoise surplombées de maisons blanches au toit bleu se chevauchant l’une l’autre à flanc de colline pour ne pas tomber à l’eau. Faire la planche dans une eau à vingt-six degrés en comptant les dômes bleus, c’est le nouveau rêve de Michel Corsek. Il se grandit sur sa chaise roulante. Tout à coup on lui fait la conversation : « Ah bah vous avez meilleure mine !», « C’est la sécurité qui vous stressait ? », « Plus que quelques heures et on y est ! ». Dans l’avion Michel lutte mais finit par s’endormir à cause du manque de sommeil et des anti-inflammatoires qu’il a pris pour ses douleurs multiples. Lorsqu’il se réveille, il aperçoit par le hublot le plus beau spectacle qu’il a jamais vu de toute son existence : des îles vallonées recouvertes d’une végétation luxuriante et aux découpes spectaculaires viennent s’étendre dans une eau plus bleue que bleue qui scintille comme une mer de saphirs au soleil. Il n’a jamais vu de couleurs aussi prononcées et de lumière aussi vive. La lumière emplit tout d’une énergie vivace qui stimule tous ses sens et réveille en lui quelque chose de lointain, de dormant.  Dans l’avion qui entame sa descente vers ce paradis terrestre, Michel sait qu’il est à un tournant de sa vie, il sait, qu’il n’est déjà plus le même homme. Il ne retient plus ses larmes, et ça le réconforte. Tous les maux ont disparu. Il savoure l’anticipation.  C’est la joie.

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Tadzoa
Posté le 16/04/2020
Hello !
J'aime beaucoup le style, très rythmé. Je trouve ça super drôle, j'ai eu un sourire réjoui pendant toute ma lecture. Le fait de rappeler toujours son nom produit un super effet ! Merci !
Unam
Posté le 23/04/2020
Merci pour tes commentaires, Tadzoa. Ca m'aide beaucoup!:) Je me suis beaucoup amusée en écrivant cette nouvelle. Je vais peut-être y revenir pour me redonner un "shot" de bonne humeur et partager le plaisir:)
Eldir
Posté le 19/02/2020
Bonjour, je viens de finir votre texte, comme il n'y a pas de commentaire je me permet deux remarques forme :
"comme dit," ==> il me semble qu'il manque un morceau de phrase ici.
"flan de colline" ==> je crois qu'ici on écrit flanc (sans le C c'est un dessert savoureux qui n'a rien à faire sur un colline ;-).

A part ça je trouve que c'est agréable à lire, c'est léger, et le fait que ça soit court est une bonne chose.

Ce n'est pas vraiment mon type de littérature habituelle (je cherche plutôt de la fantasy), mais ça me rappel l'époque lointaine ou je faisait du théâtre. Des comédiens prenaient un passage dans un livre obscur que personne d'autre ne connaissait pour en faire lecture. C'était en général des tranches de vie, c'était court, parfois frustrant, mais toujours dépaysant.

Merci à vous de partager vos écrits.
Unam
Posté le 20/02/2020
Merci Eldir de vous être arrêté par ici, et pour vos commentaires :
- « Flan/c », roh l’humiliation ! C'est corrigé, merci ! :)
- « Comme dit », les gens dans l'Est de la France disent ça beaucoup, pour dire ''comme on dit'', et j’ai l'impression que Michel Corsek pourrait bien venir de Corny-sur-Moselle, de Saverne ou peut-être même de Schirmeck ? :)
Sinon, oui, j'essaie de trouver ma voix en ce moment et je finis par écrire pas mal de ''tranches de vie''. Ça me fait plaisir que ça crée du dépaysement dans le quotidien de quelqu’un ! En réalité c'est tout ce que je demande:)
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