Mirko - Et il s'en revint, les bras chargés de cadeaux

Notes de l’auteur : A ce stade de l'histoire, j'aimerais préciser deux petites choses: ce chapitre contient une scène de sexe (pas de pornographie). Rien de foncièrement choquant, mais je préfère le dire en amont.
Ensuite, certains de mes personnages ont tenu ou tiendront des propos racistes, sexistes, homophobes au cours de cette fiction. Ce n'est en rien le sujet de l'histoire, mais cela en fait partie. Je tiens à être claire sur le fait que ça ne reflète pas mes opinions personnelles. Oui, je sais, c'est un peu facile de se cacher derrière un personnage pour balancer des propos abjects. Ce n'est pas mon cas. Je tiens seulement à conserver une certaine crédibilité, à être fidèle à l'ambiance rurale que je tente de restituer sous les traits de la fiction. Et malheureusement, xénophobie et machisme en font partie intégrante.
En espérant qu'il n'y ait pas de malentendu, je vous souhaite une bonne lecture!  

Mirko

Et il s’en revint, les bras chargés de cadeaux

 

 

 

« Les diplômes sont faits pour les gens qui n’ont pas de talent. Vous avez du talent ? Ne vous emmerdez pas à passer le bac. » 

 

Pierre Desproges

 

  

Nous étions tous rassemblés dans l’allée du Manoir, attendant que Papa consentît enfin à monter dans la Clio maternelle.

-      Je ne veux pas y aller, gémissait-il.

-      Marc, s’il te plait, pour une fois, ne rends pas les choses plus difficiles...

-      Mais vous n’avez qu’à y aller sans moi, comme ça vous monterez tous dans la caisse de Mirko !

La conscience écologique de ma mère l’avait bien poussée à suggérer de prendre le van, afin d’éviter de nous rendre au Val-aux-Cerfs à deux voitures, mais ma sœur s’y était opposée avec une moue horrifiée :

-      Il empeste la ganja, M’man. Autant que j’aille tout de suite enfiler un sarouel, histoire de griller toutes mes chances d’être embauchée. 

Sonja avait capitulé d’un haussement d’épaules affecté. Désormais, un autre défi l’attendait : embarquer son mari à bord d’un des véhicules.

-      On en a déjà parlé, et on s’était mis d’accord.

-      Tu n’as qu’à dire que j’ai eu un empêchement, ou que je suis malade.

-      Ou qu’il a la gueule de bois, renchérit Jovan dont l’empathie excessive le rendait réceptif à la souffrance paternelle.

-      Papa n’a jamais la gueule de bois, il est alcoolique, fit Lumi avec un sourire exaspéré.

-      Peut être qu’ils ne le savent pas…

-      Tout le monde le sait.

-      Je ne suis pas alcoolique, s’offusqua l’intéressé. Je suis un hédoniste !

-      Si tu veux.

-      C’est quoi, un hédoniste ? questionna Luka.

-      Quelqu’un qui croit qu’il picole parce qu’il aime la vie, traduisit Lumi, fine pédagogue.

-      Hé bien je sais pas, dis-leur que j’ai fait une intoxication alimentaire !

-      C’est déjà le cas de Vanina, intervins-je, adossé à ma portière.

-      Ah merde, elle a trouvé la meilleure excuse, marmonna Papa, visiblement jaloux.

-      Ce n’est pas une excuse : elle est vraiment au lit avec une intoxication alimentaire.

Jo ouvrit des yeux médusés.

-      Comment c’est possible ? Elle mange jamais rien !

-      La pauvre chérie, déplora ma mère. Je passerai la voir en rentrant, d’accord ?

-      Elle en sera ravie, elle m’en veut de la laisser seule ce soir.

-      Je pourrais passer la voir, moi ! s’exclama Marc, s’attirant une convergence de regards perplexes. Je lui préparerai des tisanes et je lui ferai écouter du Bach, c’est souverain pour apaiser les douleurs gastriques.

-      Mon Dieu, tu ne sais plus quoi inventer !

Luka leva sa frimousse contrariée vers Sonja.

-      Maman, j’ai faim. On peut y aller ?

-      On va être à la bourre, ajouta ma jumelle, que la patience était en train de déserter. Papa, tu devrais venir, je suis sûre qu’ils ont la meilleure cave à vins de la région.

Il parut considérer cette information un bref instant.

-      Bien, fais comme bon te semble, mais nous on s’en va, soupira Maman en ouvrant la portière de sa Clio afin d’y faire monter les garçons.

Mon père nous regarda tous nous engouffrer dans les voitures, Lumi s’installant sur mon siège passager, puis, cédant aux sirènes de l’ivresse de qualité :

-      Ça va, je viens ! Après tout, je n’ai pas repassé cette foutue chemise pour rien.

Personne ne jugea utile de souligner que seule Sonja savait se servir de la centrale-vapeur antédiluvienne, et que de ce fait c’était elle qui avait pris soin de lui choisir une chemise et de la rendre présentable. On remplirait un annuaire avec tous les pieux mensonges débités par notre paternel.

-      Parfait, allons lécher le cul de Sa Majesté !

J’entendis notre mère dire à son bien-aimé :

-      Tu aurais pu te raser.

-      Quelle importance ? Tous les jeunes portent la barbe, aujourd’hui !

-      Oui, les jeunes

-      C’est ce que je viens de dire.

-      Marc, tu as cinquante-deux ans.

Le cortège Saint-Just quitta enfin le Manoir.

-      A ton avis, pourquoi la Méduse nous a invités ? m’enquis-je auprès de ma sœur.

-      Pour nous humilier, je suppose, nous les bourgeois fauchés.

-      Probablement. Alors pourquoi c’est si important pour toi d’y aller ?

-      Si j’avais décliné, elle ne m’aurait jamais embauchée.

-      Rien ne dit qu’elle va le faire.

-      Non. C’est pour ça que je pense qu’elle nous convie à leur banquet pour nous humilier. Et peut être un peu par curiosité.

Son indifférence me stupéfiait.

-      Qu’as-tu fait de ton ego ?

-      Je l’ai perdu sur les bancs de la fac. Et ce qu’il en restait s’est enfui avec Karim.

-      Qui est Karim ?

-      Un connard.

-      C’est l’évidence. Il t’a quittée, c’est ça ? présumai-je avec un sourire goguenard.

-      L’histoire pourrait se résumer avec un formulaire de demande d’allocations : marié, deux enfants à charge.

-      Tu m’impressionnes. Comment ça s’est fini ?

-      Il a omis de préciser qu’ils allaient déménager. C’est son interphone qui me l’a appris. Il avait aussi changé de numéro.

-      C’était peut-être un agent double, suggérai-je, ce qui lui arracha un rictus agacé. Bon, OK, c’était peut-être juste un connard.

-      Merci.

Quelque chose me disait que l’expérience l’avait profondément mortifiée.

-      Tu étais amoureuse ? risquai-je en tapotant tendrement son genou.

-      J’aurais dû ? rétorqua-t-elle. C’était plutôt une forme de fascination, avec un peu de convoitise et pas mal de naïveté.

Lumi décortique et analyse ses émotions avec une précision chirurgicale, comme si elle les décrochait de sa penderie intérieure pour les poser devant elle et les éplucher, avant de les mettre au frigo pour anesthésier les sensations qu’elles lui procurent. Je redoute le moment où le frigo ne givrera plus.

-      Tiens, ce serait pas Eole, là-bas ?

-      Si. Il est toujours vissé sur ce banc.

-      Je croyais qu’il était mort, s’étonna Lumi.

-      Tu rigoles, il nous enterrera tous !

Le nom de baptême d’Eole est oublié de tous depuis fort longtemps, et ce n’est sûrement pas lui qui pourrait nous le rappeler. Monolithique doyen du Village, il me paraissait déjà décrépi quand j’étais au CP. Depuis la nuit des temps, il n’y a qu’un seul sujet que nous puissions aborder avec lui : le vent. Son obsession pour les zéphyrs de tous horizons et autres tramontanes ont fait de lui le plus grand météorologue du coin, et j’ignore quel ancêtre lettré lui a un jour collé le surnom d’Eole en référence au dieu grec régisseur des courants d’air.

Je ralentis pour m’arrêter à sa hauteur.

-      Bonjour, Eole ! lançâmes-nous d’une seule voix.

Il posa sur nous ses petits yeux clairs et impénétrables, qui luisaient comme deux particules de verre poli dans les plis parcheminés de son visage, et nous adressa un signe de tête quasi-imperceptible.

-      Vous ne trouvez pas que c’est rafraîchissant, ce petit air ? lui demanda Lumi d’une voix douce.   

-      C’est le vent du Nord, répondit le vieillard, sûr de lui.

-      Oh. Ça va durer longtemps, vous croyez ?

-      Trois jours. Puis trois jours encore. Alors, peut être trois jours de plus.

-      Neuf jours, donc ! additionnai-je.

-      C’est comme ça, le vent du Nord. Quand il souffle trois jours durant, il souffle trois jours encore, puis trois jours de plus.

-      Merci, Eole. Bonne soirée ! Il ne change pas, me fit remarquer Lumi en fermant la vitre dans un éclat de rire.

-      A son âge, tu penses bien que c’est foutu.

-      Quel âge il a, au juste ?

-      Aucune idée. Trois-mille ans, par là.

-      Ça a quelque chose de rassurant, constata-t-elle dans un soupir satisfait. Quand on ne sait plus où on en est, qu’on n’a plus aucune certitude, aucun repère, il suffit de penser à des gens comme Eole pour se rappeler que certaines choses ne changeront jamais.

De toute évidence, Lumi perdait ses repères régulièrement.

Je laissai Oxmo Puccino poétiser quelques minutes dans l’écrin de mes baffles, avant de m’enquérir de ses péripéties néo-sentimentales.

-      Au fait, comment s’est passé ton dîner avec Gazou ?  

-      Très bien. Ça pourrait difficilement mal se passer, avec lui.  

-      C’est toi qui as payé l’addition ?

-      Oui, c’est le principe même d’inviter quelqu’un au resto. Mais j’ai dû le menacer pour l’empêcher de sortir sa carte bleue, il était tellement gêné…

-      Ce que tu peux être castratrice !

-      Je ne vois pas le rapport. C’est aussi ça, la parité.

-      La parité, tu m’en diras tant… Tu appartiens à la première génération de femmes qu’on n’a plus le droit d’appeler « mademoiselle » et à qui on n’ose pas tenir la porte de peur de se faire traiter de macho conservateur. C’est d’une tristesse !

-      Tu es d’un romantisme bouleversant, ironisa Lumi en me fauchant une cigarette dans le paquet coincé sous le tableau de bord.

-      Si c’est pour en arriver là que Tante Yvonne a brûlé son soutien-gorge en soixante-huit, je suis pas convaincu que ça valait le coup…

Ma sœur soupira, comme je m’y attendais.

-      Aucune femme n’a jamais brûlé son soutien-gorge, c’est une…

-      Une légende urbaine, je sais, tu me l’as déjà dit.

-      Alors pourquoi tu t’obstines à le répéter ?

-      Pour t’énerver, ma chérie.

Nous étions arrivés à l’entrée du sentier qui mène au Val-aux-Cerfs. Je vérifiai que la voiture de ma mère se trouvait bien derrière nous.

-      Putain, ce que c’est étroit ! maugréai-je. Impossible de se croiser.

-      J’imagine que Boris doit aussi faire la circulation. Tu le connais ?

-      De vue, comme tout le monde. Il accompagne souvent le Baron quand il descend au Village, mais la plupart du temps il doit rester dans leur château pour veiller aux grains. En tout cas, c’est pas lui qu’ils envoient pour aller acheter le pain ! En revanche, je connais un peu Sam, le majordome.

-      Tu lui vends de la weed ? en déduisit Lumi.

-      Exactement. Mais d’après ce que j’ai cru comprendre, il en achète essentiellement pour Annabelle. C’est la plus dévergondée des filles Van der Brook.

-      Pourquoi, parce qu’elle fume des joints ? Aujourd’hui, ça n’a plus grand-chose de subversif.

-      Pas seulement ! Béryl m’a raconté qu’une fois, au Galaxy, elle lui avait filé un billet de deux-cent balles pour qu’elle lui laisse les clés de sa loge pendant une heure. Il parait qu’elle y est entrée pour faire mumuse avec trois types, du genre qu’on n’appellerait pas de bons partis.

-      Elle doit drôlement s’ennuyer, dans son palais, observa Lumi en haussant les sourcils sur ses lunettes de soleil.

-      Toujours d’après Béryl, quand elle a toqué à la porte au bout d’une heure, Annabelle lui a ouvert, complètement à poil, son joli visage remaquillé au foutre.

-      Charmant. On tient enfin le secret de la peau parfaite des filles du Baron !

-      Tu crois pas si bien dire : elle a même pas pris la peine de se nettoyer, elle a enfilé sa robe sans rien dessous et elle a filé au bar commander du champagne, comme ça, de l’ADN plein la gueule !

-      Peut être que la Méduse ne la laisse pas prendre la pilule, bien qu’elle ait, quoi ? dix-huit ou dix-neuf ans. Les faciales sont un moyen de contraception efficace.

-      Hmm, j’avais pas vu les choses sous cet angle…

Les grilles étaient ouvertes. Je remontai lentement l’allée, toute la famille à ma suite.

-      Et la gouvernante ?

-      Sainte-Thérèse ? Bah, je crois qu’elle habite avec eux, comme Boris, Paolo, le jardinier, et sa femme, Rosita, qui travaille en cuisines. Elle ne sort jamais de la propriété, sauf pour la messe, quand il y a un curé pour faire le déplacement. C’est pas un balai, qu’elle a dans le cul, mais un peuplier.

-      C’est aussi mon impression. Y a d’autres choses que tu sais ?

Je repensai à ma conversation avec le Docteur, qui sous-entendait que le Baron était mêlé, d’une manière quelconque, au trafic de drogues dures qui sévissait dans la région.

-      Pas grand-chose, rien qui te serait utile. Et puis, on est arrivés.

Je me garai à côté de la Golf de Camille Renaud-Marquet, l’ingénieur en énergies renouvelables titulaire d’un siège au conseil municipal, qui en sortit aussitôt. Pour la précision, Camille est un homme, et il aime le rappeler en portant des t-shirts au col échancré ou des chemises en jean largement déboutonnées sur ses pectoraux honorablement pileux, auxquels répond une barbe de trois jours tendrement entretenue, et en plaçant dans chacune de ses phrases un mot lourd en testostérone.

-      Par ma bite ! s’exclama-t-il en voyant Lumi – oui, dans ce goût-là. Pute, je donnerais cher pour être à la place de ta robe !

Ma sœur le toisa d’un regard minéral.

-      Bonsoir, Camille.

Tentative de mouvement de mèche statufiée par le gel – inertie, donc.

-      Ma petite poulette, bordel ! comment vas-tu ?

-      Bien, merci.

Son regard dégoulina sur les courbes de Lumi, dans l’espoir d’en évaluer le potentiel en dépit de l’étoffe noire et blanche à la coupe sage qui les dissimulait – je pratique moi-même quotidiennement ce type d’expertise, mais je pense le faire avec plus de courtoisie et de discrétion. Il l’attira à lui et lui plaqua d’autorité quatre bises sonores sur les joues. Je n’avais pas besoin de la regarder pour savoir qu’elle était furax.

-      Ah, mon Mirko ! me héla Camille en me serrant la main avec un tantinet moins de passion qu’il n’en avait fournie à embrasser ma sœur. Mortecouille, tu deviens plus beau gosse que moi !

-      Le challenge est d’importance, reconnus-je humblement.

-      Ce que tu peux être obséquieux… grinça Lumi, cependant que l’ingénieur se détournait de nous pour saluer nos parents.

-      Ce que tu peux être vindicative !

-      Ce type me dégoûte.

-      Je sais, ma douce. Il est pas méchant, et puis il est en plein divorce.

-      Arrête, je vais pleurer. Qu’est-ce qu’il chlingue, son parfum !

Je la pris gentiment par l’épaule.

-      N’y pense plus, et profite du spectacle !

-      Hééé, bonsoir, Sonja ! roucoulait Camille à quelques pas derrière nous. Merde, je donnerais cher pour être à la place de cette robe !

-      Oh, je t’en prie, Camille ! 

-      Non mais il est sérieux, là ? s’indigna Lumi.

-      Ta mère est une grande fille, ne t’inquiète pas.

Loin de remarquer la tentative de drague terriblement éculée que subissait son épouse, Papa avait l’air préoccupé.

-      Sonja, tu es sûre que j’ai cinquante-deux ans ?

Des claquements de portières nous avertirent de l’arrivée des Terrier. Martin tirait une tête de six pieds de long, et Géraldine lissait nerveusement sa jupe marron informe. C’était la première fois que je la voyais autrement qu’en jean ou en jogging, et tout portait à croire que peu d’entre nous avaient eu ce privilège.

-      Super, vous êtes là ! s’exclama-t-elle, soulagée.

Notre petit groupe se dirigea vers Sam et Thérèse, qui nous attendaient comme un seul homme près du perron. Mon père les dévisagea comme s’ils avaient le mot SERVITUDE tatoué sur le front.

-      Bienvenue au Val-aux-Cerfs. Tout le monde est là, nous sommes au complet, affirma Thérèse avec un fragment de sourire sans joie. Nous servirons l’apéritif dans les jardins.

-      Les jardins, tu te rends compte ? Ça m’émoustille, chuchotai-je à l’adresse de Lumi, qui étouffa un rire.

Luka vint se glisser entre nous, agrippant mon bras d’un côté et la main de sa grande sœur de l’autre, le sourire en gondole vénitienne.

-      Regarde ! fit Maman, émue, à son tendre époux. On devrait faire une photo.

-      Une photo de quoi ?

-      De nos enfants, Marc.

Jo, qui occupe la dure place de cadet de la fratrie, vint mine de rien se greffer à notre trio, luttant contre sa dignité d’adolescent qui l’obligea à râler haut et fort :

-      Nan, mais sérieux, M’man ! Tu vas pas nous afficher ici, quand même ?

-      Oh, mais ça nous ferait un souvenir. Vous êtes tellement mignons, tous les quatre ! Et c’est si rare de vous voir tous réunis…

Le reproche à peine déguisé s’adressait bien évidemment à Lumi, qui se mordit la lèvre comme une fillette honteuse.

Passé l’intermède portrait-de-famille où nous prîmes la pause près d’un superbe rosier grimpant, nous contournâmes l’immense baraque des Van der Brook, qui n’a absolument rien de commun avec notre vieux manoir (qu’on pourrait affectueusement qualifier de « ruine au charme désuet »), pour découvrir, sous de grands barnums blancs élancés comme des voiles de navire, deux longues tables envahies de denrées alléchantes. Un équipage de serveurs en habit noir s’affairait, liteau au vent, tandis qu’un orchestre jouait un petit jazz conventionnel. Une cinquantaine de personnes à vue de nez, peu de visages familiers, mais une légion d’hommes d’âge mûr en costume de lin qui s’épongeaient le front d’une main et tenaient de l’autre un breuvage millésimé.

-      Waouh, toujours plus, hein ! commenta Camille avec un sifflement admiratif. Ils nous sortent le grand jeu à chaque fois, les enculés.

-      Parce que tu viens souvent ? s’enquit mon père.

-      Bof, non, mais de temps en temps, le Baron de mes deux invite le conseil à boire un coup.

-      Dans le temps, les apéros du conseil avaient lieu au bar.

-      Oui, mais personne n’osera contraindre Barthy Van der Brook à partager une coupelle de cacahuètes avec José et Manu…

-      Ma puce, tu as vraiment envie de travailler pour ces gens-là ?

-      Papa, pitié, pas maintenant.

Et c’est ainsi que nous, les Misérables du vingt-et-unième siècle, nous, les Enfants de la République, les héritiers de l’Archange de la Terreur qui macula de sa vermeille arrogance la sciure de l’échafaud, la chair de sa chair, nous apprêtions à trahir sa mémoire et à pactiser avec l’ennemi au sang bleu tout en crachant dans la soupe qu’il nous offrait. L’idée me parut délicieusement inconvenante.

J’aperçus André Montarnal, le maire, ainsi que ses frères et leurs épouses. Seuls Freddy et Nathalie manquaient à l’appel. Victor, le plombier, engoncé dans une épouvantable chemise à carreaux jaune et verte, s’enfilait le contenu d’une verrine en conversant avec un serveur à l’air gêné. Magdalena Rozier, une jeune exploitante agricole, et Sylvie Maurois, graphiste, discutaient à voix basse. Tous ces gens font partie du conseil municipal, à l’exception de Lionel et Ruben. Mais au Village, quand on est un Montarnal, on est chez soi partout.

-      Où sont le Baron et la Méduse ?

-      Aucune idée.

-      Quand je pense qu’elle m’avait dit qu’on connaîtrait presque tout le monde…

Je ne voyais pas Anastasia, l’aînée du Val-aux-cerfs depuis qu’Avril et Athénaïs étaient mariées, l’une vivant à Phoenix, en Arizona, l’autre à Deauville. En revanche, Annabelle était bien là, sous sa couronne de cheveux blonds tressés, en combinaison de crêpe couleur pêche et ballerines blanches vernies à petits nœuds dorés qui s’associaient pour lui conférer un air prude et bien élevé. Elle me tapa sur l’épaule alors que je m’approchais du bar, Lumi sur mes talons.

-      Tu as de l’herbe ? lâcha-t-elle très vite avec un regard appuyé.

Elle ne me rendit pas mon sourire.

Il fallait bien la regarder pour voir qu’elle avait une tonne de peinture sur le visage, façon nude. Le concept m’a toujours échappé : je ne comprends pas l’intérêt de passer une heure dans la salle de bains à se maquiller pour ne pas avoir l’air d’être maquillée. Quand je vois ce que s’infligent les nanas pour ne pas ressembler à ce qu’elles sont, je suis bien content d’avoir tiré le chromosome Y à la loterie…

-      Je suis désolé, mais tu dois me confondre avec quelqu’un d’autre.

-      Arrête, s’agaça-t-elle. Je sais bien que c’est à toi que Sam la prend !

-      La boutique est fermée, ce soir.

Sa mâchoire se crispa très légèrement. En toute honnêteté, elle semblait au bord de l’implosion.

-      Tu peux pas me lâcher un joint ?

Pour vous dire la vérité, je ne fume pratiquement pas, et jamais seul. Je bois également très peu, rarement jusqu’à l’ivresse. Quand vous dealez, vous voyez tant de gens prêts à s’endetter pour oublier la réalité quelques instants que ça finit par vous écœurer de la défonce. Sauf, bien entendu, si vous êtes déjà vous-même un grand consommateur, et là c’est un peu le toxico qui se mord la queue.

-      Je vais essayer de m’arranger.

-      Quand ?

-      Laisse-moi arriver, ma belle.

Je jetai un œil à Marc, que ma mère traînait par le bras vers Marianne et Antoine Montarnal : si quelqu’un ici avait de quoi fumer, c’était bien lui.

-      Reviens me voir dans une heure, OK ?

Annabelle déglutit, attrapa une coupe de champagne à la volée et lâcha d’un ton lapidaire :

-      Tarde pas trop, ou je vais tous les flinguer avant la fin de la soirée.

Lumi la regarda s’éloigner avec un sourire narquois.

-      C’est donc elle, la rebelle de la famille ?

-      Elle a son caractère.

-      J’adore ses chaussures. Abstiens-toi de m’offrir les mêmes.

-      Je t’aime trop pour ça !

-      Oh mon Dieu, elle est là

Je suivis son regard : la Méduse, galbée de satin vert opaline à broderies argentées, conversait un peu plus loin avec l’épouse de quelqu’un, une main gracieusement posée sur l’épaule de sa petite dernière. La lumière ricochait sur sa robe comme sur une parure d’écailles d’un vert métallique. La mode féminine me fascine, j’espère pouvoir, dans une prochaine vie, me réincarner en styliste. Hétéro, si j’ai de la chance.

-      C’est juste une impression, ou elle te terrifie ?

-      Non, mais il y a quelque chose chez cette femme qui me met mal à l’aise.

-      Ça tombe bien, elle vient vers nous.

La Méduse, prenant congé de l’épouse de je ne sais qui, vint à notre rencontre en tenant par l’épaule la jeune Aliénor.

-      Lumi, Mirko, je suis raaa-vie que vous ayez pu venir ! C’est un plaisir de vous recevoir.  

-      Partagé, Madame la Baronne, dis-je en luttant contre une force venue de temps anciens qui me poussait à leur faire la révérence. Merci de nous avoir invités. C’est… mirifique.

Elle renversa la tête en arrière avec un petit rire de gorge tout à fait exquis qui devait nécessiter des heures d’entrainement.

-      Oh, tu plaisantes ? Ce n’est qu’un apéritif entre vieux amis. Et ne me donne pas du « Madame la Baronne », appelle-moi Elizabeth.

Je m’égarai un bref instant dans les tourbillons verts de ses iris.

-      Comme vous voudrez, Elizabeth.

-      Vous connaissez ma petite perle, Aliénor ? s’enquit-elle en effleurant la crinière blonde et lisse offerte à ses ongles acérés. Salue nos invités, ma chérie.

-      On s’est croisées à ma dernière visite, oui, confirma Lumi dans un sourire forcé.

Je baissai les yeux vers le cher ange, qui me dévisageait fixement comme une poupée de porcelaine.

-      Bonsoir, toi ! Tu as drôlement grandi, depuis le mariage d’Athénaïs.

-      J’ai quatorze ans, miaula-t-elle en clignant des paupières.

-      Une vraie jeune fille.

Elle était plutôt petite pour son âge. L’absence de maquillage, sans parler de sa robe jaune pastel en borderie anglaise et à col Claudine, la rajeunissait bien d’avantage. On lui eût donné onze ou douze ans.

-      Je vais devoir vous abandonner quelques instants. Ne restez pas en retrait, amusez-vous ! nous intima la maîtresse de maison. Aliénor ?

-      Passez une bonne soirée au Val-aux-Cerfs.

-      Merci, lâchâmes-nous de concert, alors que mère et fille s’évaporaient dans la foule de costumes de lin.

La Méduse se retourna, me gratifia d’un bref regard, aussi vif qu’impénétrable, puis je perdis le scintillement de ses yeux d’opale.

-      C’est mirifique ?

-      Quoi ?

Lumi paraissait à la fois consternée et amusée.

-      Tu lui as dit que son apéro de bourges était mirifique. Tu ne recules devant rien.

-      Et surtout pas devant le vocabulaire.

-      T’as vu comment la petite te regardait ?

-      Oui, je trouve ça plutôt touchant.

-      Le contraire m’aurait étonnée. Bon, on le boit, ce verre ? s’impatienta-t-elle.

-      On a le choix : Château-Lafitte, Veuve-Clicquot ou cognac Hennessy ?

-      A vingt euros la gorgée, j’hésite. Je crois que je vais opter pour un bon vieux whisky pur malt.

Ce qui suffisait à révéler l’embarras dans lequel elle nageait.

-      Tu sais aussi bien que moi que si tu attaques au sky, tu ne vas jamais t’arrêter. Je m’en voudrais de devoir te faire un lavage d’estomac devant une foule d’inconnus.

Elle leva les yeux au ciel et s’empara d’un de ces verres en cristal lourds comme des cendriers, ce qui aviva aussitôt l’intérêt du barman.

-      Ça va, je sais me tenir quand les circonstances l’exigent.

-      Pas avec du whisky, déplorai-je en saisissant une honnête coupe de champagne.

-      Glaçon, mademoiselle ?

-      S’il vous plait. Je pourrais avoir du coca ?

Le sourire servile du barman se mua en une incompréhension proche de l’état de choc.

-      C’est un bourbon écossais de trente-cinq ans d’âge, s’offusqua-t-il.

-      Epoustouflant. Vous n’avez pas de coca, donc ?

L’effroi céda sa place à un dédain impérial.

-      Nous avons tout ce qu’il faut.

-      Vous êtes bien aimable.

Il lui tendit le soda demandé et la regarda y noyer son whisky comme un conservateur de musée assisterait, impuissant, au saccage de sa toile la plus prestigieuse.   

-      Tu te rends compte ! Même les serveurs nous prennent pour des beaufs.

-      Jusqu’à preuve du contraire, tu es la seule ici à être passée pour une péquenaude.

-      Evidemment ! Alors que toi, il a dû croire que tu étais la réincarnation de Ceausescu.

-      D’ailleurs, ce type a carrément tort : ce que tu viens de faire, c’est le comble du snobisme. Il n’y connait vraiment rien.

Nous entrechoquâmes nos verres.

-      Doucement, c’est du cristal !

-      A tes amours, amants de passage et autres hommes mariés.

-      A ta santé, frangin. Et à celle de tes futurs codétenus.

Je ris.

-      Tu es aussi exquise qu’une brioche au beurre de cyanure, m’émerveillai-je en lui caressant la joue.

-      C’est parce que je suis ton pendant féminin.

-      Oui. C’est fou ce que la féminité amplifie les travers les plus ordinaires…

La foule parut soudain traversée d’un même mouvement de tête, et mon instinct grégaire me fit pivoter dans la même direction.

-      Tiens, voilà Monseigneur Van der Burnes ! commenta Camille sans discrétion à quelques pas derrière moi.

Plus les gens sont grossiers et plus ils aiment le faire savoir.

Le Baron fendait la pelouse d’un pas tranquille. Ce qui m’a toujours intrigué chez lui, c’est la parfaite combinaison de laideur et de banalité dont l’a doté la nature. Petit et gras, presque chauve mais pas complètement – ce qui, vous en conviendrez, est bien pire – des traits quasiment primitifs empâtés par l’âge et l’oisiveté, une légère couperose, pas d’éclat, aucune prestance, pas une pichenette de charisme, pas même une jambe de bois pour teinter le tout de burlesque. Non, le richissime et influent Baron est simplement le type le plus commun du monde, aussi transparent et vieillissant que sa femme est une merveille inaltérable. Mais bon, c’est sans doute parce que l’amour est aveugle que les chiffres sont en relief sur les cartes de crédit…   

-      On est censés applaudir ou un truc dans le genre ? me souffla Lumi.

-      Je crois pas.

-      Je me sens coincée dans un film de Chabrol, soupira-t-elle en regardant autour d’elle.

-      Ça pourrait être pire, tu pourrais être coincée dans un film de David Lynch. Et je ne te serais d’aucun secours, parce que j’y comprendrais certainement rien.

-      Mais est-ce qu’on doit aller le saluer ?

-      T’es en train de stresser. Je t’avais dit de pas boire de whisky.

-      Je suis pas stressée.

-      Tu parles, on dirait ton père !

Je le désignai du menton qui, à quelques mètres de nous, s’efforçait de se rouler un bédo dans le creux de sa main tout en coinçant son verre en équilibre entre ses dents, cependant que Sonja, qui discutait avec les Montarnal, glissait vers lui des yeux agacés.

-      Il va se briser !

-      Qui ? Papa ?

-      Non, son verre ! Il va se péter sa coupe de champagne dans la bouche, ce con !

-      Tu exagères, c’est pas un bébé. Tu as entendu Maman, tout à l’heure ? Il a cinquante-deux ans.

-      C’est un bébé de cinquante-deux piges qui prend du crack quand il est mélancolique. Il ne contrôle pas sa mâchoire ! Bon, j’y vais, m’abandonna Lumi pour prêter main forte à l’inconscient.

-      Dis-lui qu’il me passe un joint ou deux.

-      Pour ?

-      Annabelle.

-      T’as l’intention de la sauter ?

-      Je vois pas le rapport.

-      Je suis sûre que Vanina le verrait, persifla ma sœur en s’éloignant.

L’idée m’avait bien effleuré l’esprit, mais j’avais le sentiment qu’Annabelle était le genre de fille avec qui le plus anodin des coïts vous conduisait à finir dans une sex-tape sadomaso avec un castor pas très consentant. Pour vous donner un aperçu de ce qu’elle m’inspirait.

Je conversai un moment avec Magda, qui fait dans l’élevage d’agneaux bio, m’achète quantité d’Amnésia et avait osé se présenter chez les Van der Brook vêtue d’un sweat à capuche vert orné de badges anti-gaz de schiste, et d’un grand champignon dans le dos trop suspect pour être une innocente girolle. Elle m’expliquait le dilemme dans lequel la plongeait le retour des loups dans notre région – en effet, de nombreuses brebis avaient été retrouvées égorgées depuis le printemps dernier, on ne comptait plus les attaques – car en tant qu’éleveuse c’était pour elle un instinct naturel de les redouter, mais…

-      Tu vois, en même temps, je suis une écologiste, moi. J’aime les animaux. Les loups, ils sont sauvages, il y en a toujours eu, enfin je veux dire aux siècles passés. Ils font partie de l’écosystème, je peux pas admettre que des paysans excités les traquent la nuit venue avec des torches comme si c’était la Bête du Gévaudan !

-      Ils feraient mieux de chacher les pédophiles ! intervint Victor, la bouche pleine de guacamole.

-      C’est un peu médiéval, de poursuivre un homme avec une fourche, non ?

-      Tu dirais pas ça si c’était ta gosse qu’on avait retrouvée dans un fossé, me lança Edwige, troisième femme de Ruben et mère du plus jeune cousin Montarnal, le petit Cyril, un enfant replet et mal élevé qu’elle engraissait d’un amour délétère.

-      Probablement, concédai-je, vous avez raison. Donc, vous proposez quoi, qu’on organise une battue ce week-end ?

-      Ben, on sait pas qui c’est qui l’a tuée, la petite, remarqua Victor fort à propos.

-      Très juste. Alors peut être qu’on devrait laisser les flics s’en occuper.

-      T’es du côté des condés, toi, maintenant ? fit Magda avec un sourire entendu.

-      J’ai rien contre ceux qui arrêtent les pédophiles. On travaille pas dans le même domaine, ajoutai-je à voix basse quand Victor se fut détourné pour attraper un toast au saumon.

-      C’est pas drôle, Mirko. C’est affreux, cette histoire !

-      Ça ne me fait pas rire plus que toi. J’imagine que si j’avais des enfants, je serais aux abois.

-      Il manquerait plus que ça, que tu te reproduises ! s’exclama Lumi en saisissant la discussion au vol. C’est bon, Papa est hors de danger.

-      Magda, je te présente ma sœur : un remède contre la violence du monde.

-      Oh, c’est toi Lumi ? paraphrasa la bienveillante bergère. J’ai beaucoup entendu parler de toi !

-      Je suis sûre que Mirko n’est jamais avare d’anecdotes sympas à mon sujet, répliqua ma jumelle en me glissant une tête de ganja de belle taille dans la poche.

-      C’est à Magda que nous devons les merveilleuses côtelettes d’agneau que Maman doit faire demain midi.

-      Ah ?

-      Oui, je suis installée ici depuis trois ans, j’ai une ferme vers l’ancienne lavogne.

Je profitai de cette occasion pour sociabiliser Lumi et m’éclipser.

-      Je vous laisse faire connaissance, je reviens.

Il ne fut pas difficile de trouver Annabelle, qui végétait près d’un magnum de champagne en jetant des regards moribonds autour d’elle.

-      T’es encore vivante ?

-      Ta gueule.

-      Hé bien, quelles manières ! On ne dirait pas que tu as fait tes classes dans le meilleur pensionnat de la Côte d’Azur.

-      Ça va, me saoule pas. Tu as ce que je t’ai demandé ? se radoucit-elle, comme si je lui revendais les plans d’un sous-marin de guerre.

-      Oui. On va faire un tour ?

-      Retrouve-moi dans la buanderie du rez-de-chaussée dans cinq minutes.

-      T’es mignonne, mais je me vois mal demander le chemin à Thérèse.

-      Va derrière la maison. Prends la porte de service, sous la terrasse. C’est la deuxième au fond du couloir.

J’acquiesçai, me demandant comment notre société avait réussi à persuader les consommateurs que fumer un spliff en public était un outrage aux bonnes mœurs alors que le moindre évènement francophone est prétexte à se bourrer la gueule, ou si c’était simplement le produit qui les rendait paranos.  

Quelques minutes plus tard, je me faufilais par une porte en fer dans le couloir étroit réservé aux domestiques et aux adolescentes versatiles. Annabelle était adossée au battant qui donnait sur la buanderie.

-      Et il s’en revint, les bras chargés de cadeaux !

-      Viens, dépêche-toi.

Elle me tira dans une petite pièce éclairée au néon, ce qui soulignait âprement sa couche de fond de teint. Ça sentait le linge frais et les baies de sureau. Elle s’assit sur une table à repasser, entre deux piles de draps, et me regarda fixement sortir mes feuilles slim en balançant ses jambes d’avant en arrière. Je roulai un pétard bien chargé dans le silence aux odeurs de lessive, seulement troublé par le bourdonnement du chauffe-eau.

-      Tu devrais peut-être pas fumer ici, elle sent hyper fort.

-      Je m’en fous.

-      C’est toi qui vois.

Elle m’arracha carrément l’objet de sa convoitise et se hissa sur un sèche-linge situé sous une grille d’aération.

-      Putain, ce qu’elle est bonne… commenta-t-elle en contemplant le joint allumé d’un air rêveur.

-      Tu veux me passer une commande ?

-      Yep, mets-en-moi cinquante grammes de côté. Arrange-toi avec Sam.

C’est fou, cet emploi systématique de l’impératif…

-      Je les laisserai chez Albane pour qu’il puisse passer les prendre la prochaine fois.

-      C’est qui, ça ?

-      Ils sont plus ou moins ensemble, c’est une amie.

Annabelle ne répondit pas. Elle faisait des ronds, perdue dans un vortex inaccessible.

-      Bon, je vais te laisser. Il devrait te rester deux portions là-dedans, dis-je en posant l’herbe sur une caisse d’adoucissant.

-      Non, reste un peu. Fume avec moi.

-      Merci, mais ça ira.

-      Regarde sous les oreillers, à ta gauche.

J’y découvris une bouteille de Dom Pérignon rosé.

-      On boit un coup ? J’ai pas envie de retourner faire la dinde au milieu de tous ces ploucs, ajouta-t-elle avec une grimace.

La proposition ne me déplut pas.

-      OK, si ça peut te faire plaisir.

Chaque bulle de champagne était un micro-bonheur. Je m’assis sur la table à repasser qu’elle avait désertée et son décolleté happa mon regard.

-      Il fait quoi, exactement, ton père ? demandai-je l’air de rien.

Une drôle de lueur miroita dans ses yeux turquoise. A moins que ce ne fût le THC.

-      Comme travail, tu veux dire ? Il fait rien.

Elle gloussa.

-      Enfin, il fait des investissements, de la gestion. Des trucs de branleur millionnaire, quoi. Pour gagner toujours plus en faisant fructifier la fortune familiale. Et toi, ton père, qu’est-ce qu’il fait ?

-      Il est musicien.

-      Ah ouais, la classe.

-      Si on veut.

Elle rigolait toute seule en buvant le champagne au goulot.

-      En fait, je pense qu’il magouille pas mal, reprit Annabelle en recrachant un impressionnant nuage de fumée. Y a des gens chelous qui viennent voir Boris au club.

-      Au Galaxy ?

-      Ouais.

-      Boris travaille là-bas ? Je pensais qu’il était le régisseur du Val-aux-Cerfs.

-      Il est bien plus que ça. C’est, comment on dit, déjà ? l’éminence grise de Papa.

-      Tu penses à quoi ? Je veux dire, quel genre de magouilles ?

-      Ça t’intéresse ?

-      On discute, c’est tout, tempérai-je en lui offrant mon plus beau sourire de vendeur de bas-nylon à domicile.

-      Bof, j’sais pas trop, ça pourrait être un genre de mafia ou quoi. Trafic d’armes, d’organes, de drogues, prostitution, traite des blanches, pour ce que j’en sais… Mais il est pas net, le vieux. C’est comme ses soirées, là, une fois par trimestre.

Putain, j’aurais dû en prendre plus ! pensai-je en la voyant écraser le pétard sous la semelle de sa chaussure.

-      De quoi tu parles ?

-      Avec Maman, ils organisent des trucs masqués, des soirées de bourges ultra selects. On n’est pas censées être là quand ça arrive, mais je connais des gens qui y sont allés.

-      Façon Eyes Wide Shut ?

-      Ouais, peut être, fit-elle avec l’air de ne pas savoir de quel film il s’agissait.

Ainsi, le Baron et la Méduse étaient les hôtes trimestriels de partouzes en costumes vénitiens ! Je commençais à me demander si Annabelle n’avait pas trop picolé. Bientôt, elle allait m’avouer qu’ils tournaient des snuff movies dans leur salon…

Elle leva les yeux vers moi, et son regard se fit dur, insistant. J’ai trop souvent vu ce changement de climat dans les prunelles des filles pour ne pas lire entre les lignes.

-      Bon, chérie, c’est pas tout mais je vais y aller, moi. Ma sœur doit m’attendre.

-      Tu la baises, ta sœur ?

-      C’est pas trop notre truc, non. Mais elle va m’en vouloir de l’abandonner dans le Jardin des Hespérides.

Gloussement, mais ses yeux pétillaient d’un désir trouble.

-      J’ai beau fréquenter que des fils à papa pleins aux as qui ont l’intégrale de la Pléiade dans leur bibliothèque, j’en connais pas qui parlent comme toi.

-      Je suis sûr que tu ne fréquentes pas que des mecs comme ça.

-      Ouais, c’est vrai.

Pressentant le dérapage de la conversation, je me levai et ouvris la porte. Aussitôt, me parvinrent des éclats de voix venant d’une pièce attenante.

-      Il me semble vous avoir déjà dit de ne pas téléphoner ici, asséna une voix austère légèrement étouffée par la brique d’époque. Ça n’est pas mon problème… Peu importe… Ne soyez pas grossier, vous n’êtes pas franchement en mesure de vous la jouer avec moi…

C’est Boris, ça ?

Je tendis l’oreille – la voix semblait s’écouler de la première porte – mais je sentis une main se refermer sur ma nuque pour m’obliger à pivoter. Annabelle plongea ses yeux luisants dans les miens, et son haleine brûlante me saisit en même temps que ses doigts me saisissaient brutalement un peu plus bas.

-      Pars pas comme ça, connard.

D’une main de prestidigitatrice, elle déboutonna sa combinaison et la fit glisser à ses pieds. Je constatai qu’elle avait des arguments assez convaincants que soulignait de la dentelle ivoire. Sa main se faisait insistante et, Dieu merci, moins agressive.

Bordel, ça va déraper pour de bon…

Comme je me penchais pour l’embrasser, elle recula, dégrafa son soutien-gorge et m’empoigna par les cheveux pour me glisser d’autorité son sein dans la bouche.

-      Faut-il que j’organise une entrevue ? poursuivait la voix de Boris.

Comme Annabelle commençait à gémir, et que toute ma bonne volonté s’était fait la malle, je refermai la porte de la buanderie derrière moi et renonçai à en écouter davantage.

-      Ah ouais, couinait-elle, suce-moi comme si tu tétais ta mère, bâtard !

Elle est complètement tarée !

Je tentai fougueusement de l’éloigner de la porte, car si je pouvais entendre le régisseur, il pouvait très certainement nous entendre aussi – enfin, surtout elle... La main prisonnière de sa culotte, je manœuvrai afin de l’attirer vers le fond de la pièce, tandis qu’elle haletait de plus en fort. Nous finîmes par nous écraser sur le métal dur et froid d’une machine à laver, et je l’agrippai par les hanches pour l’empaler une bonne fois pour toutes sur moi sans cesser de jouer du joystick, ce qui décupla les octaves de ses gémissements.

Putain, mais c’est la Castafiore, cette fille...

Dans un sursaut de génie, j’introduisis mes doigts dans sa bouche, qu’elle lécha et mordit avidement, étouffant ainsi ses vocalises, et me permettant enfin de la baiser en toute sérénité. Ses yeux qui me fixaient effrontément étaient deux océans déchaînés (pardon, Etienne, je ne suis pas aussi doué que toi pour les métaphores).

Brusquement, elle mit fin à notre chevauchée fantastique, profita de l’effet de surprise pour m’embrasser voracement, saccageant ainsi son rouge à lèvres nude, puis s’écarta et me sourit. La salive et les sécrétions vaginales se mélangeaient à son maquillage en une palette déconcertante.

-      Fini de jouer, marmonna-t-elle d’une voix légèrement cotonneuse – et, se tournant pour me présenter son sublime postérieur – Défonce-moi.

 

****

 

Il ne fallut guère plus de trente secondes à ma sœur pour me tomber dessus.

-      PUTAIN, mais t’étais où, bordel ?!

-      Nulle part, calme-toi, je n’ai pas quitté la propriété.

-      Ça, je m’en doute. Tu faisais quoi ?

-      J’empêchais Annabelle de commettre un attentat-suicide. Elle a voulu que je l’accompagne pour fumer un joint.

-      Depuis tout ce temps ?

Lumi leva les yeux au ciel, une de ses grandes spécialités.

-      J’arrive pas à croire que tu l’aies sautée, soupira-t-elle. C’est pas possible, ça, dès que tu vas quelque part sans Vanina, il faut que tu fourres ta bite dans le premier réservoir à foutre qui croise ton chemin !

Je ne pus retenir un éclat de rire.

-      Réservoir à foutre ? Pour une féministe, tu as une façon assez sexiste de parler du vagin de tes semblables.

-      Ah ! parce que tu parlerais autrement de celui d’Annabelle Van der Brook ? Après ce que tu m’as raconté ? A moins que tu lui aies éjaculé à la gueule, toi aussi ?

-      Pas exactement.

-      Merci de m’épargner le récit de tes accouplements avec des nymphomanes de la haute, éructa Lumi avec un mouvement d’humeur.

-      C’est toi qui poses des questions !

Je la pris par l’épaule, mais elle fulmina :

-      Me touche pas, tu sens le…

-      Ma douce, ne me fais pas une scène devant tout ce beau monde. Où sont les parents ?

-      Ils sont partis depuis dix minutes ! Papa a trouvé judicieux d’aborder le conflit israélo-palestinien avec un avocat, ce qui a poussé Maman à précipiter l’heure du départ. 

-      Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il a dit ?

-      Il a demandé au type si, d’après lui, ça n’était pas un peu commode de lancer des missiles sur des enfants au nom d’une vieille légende sioniste à propos d’une terre sacrée. L’avocat s’appelle Maître Cohen.

-      Jésus Marie Youssef

-      Comme tu dis. Maman avait déjà démarré la voiture avant qu’il ait pu lui dire que le pastrami avait le goût du sang des innocents.

-      J’adore mon père ! Il est insortable.

-      C’est sûr.

Elle commanda un nouveau whisky-coca. Le serveur ne la regarda même pas dans les yeux en lui tendant son verre.

-      Du coup, comme tu t’es tiré pour copuler avec ta bourgeoise blonde, poursuivit-elle d’un ton cinglant, je me suis fait alpaguer par Camille qui m’a dit que je devenais plus belle que ma mère, et qui m’a fait comprendre sans trop de subtilité qu’à défaut de pouvoir la lui mettre à elle, il me la mettrait bien à moi !

Une femme défraîchie et endimanchée nous lança un regard scandalisé sous la corbeille à cerises qui lui tenait lieu de chapeau, et s’éloigna prudemment.

-      Je vois que tu passes une soirée enrichissante.

-      Rigole pas.

-      Pourquoi tu n’es pas restée avec Magda ?

Soupir.

-      Elle est gentille, mais elle parle que de ses moutons ! Arrivée au processus d’agnelage, je me suis juré que je ne mangerais plus jamais de kebab de ma vie.

-      Fais un effort, Chérie. Tu n’es plus en ville, les gens ont des inquiétudes et des centres d’intérêts différents, ici.

-      Oui, et c’est bien pour éviter de passer mes samedis soirs à parler de la reproduction des brebis que je suis partie !

-      Et pour trouver quoi ? rétorquai-je en allumant une cigarette. Le contentement de disserter à propos du tarif indécent de ta carte de transports en mangeant du blanc de poulet élevé en batterie, tout beau tout propre dans son emballage Monoprix ? (Et, comme elle soupirait :) Qu’est-ce que ça a de plus noble comme préoccupation ? Tu crois peut-être qu’avec ça, tu touches au plus près du sens de la vie ?

-      Ne me fais pas le coup de l’écolo proche de la vérité parce qu’il se roule dans le foin, ça te va pas du tout… grinça ma sœur.

-      J’ai l’air de me rouler dans du foin ?

Lumi tendit la main vers moi pour m’extorquer une clope.

-      On devrait pas trop tarder, je pense que Nana doit se languir.

Rien qu’à son intonation, je pouvais percevoir qu’elle avait une envie folle de provoquer un conflit.

-      Vas-y, régale-toi. Mais je ne m’engueulerai pas avec toi à ce sujet.

-      C’est bien dommage.

-      Arrête un peu, Lumi. Comme si le sort de Vanina pouvait te faire quelque chose !

-      Pardon ? C’est mon amie je te signale.

-      Je t’en prie : tu te fous de sa gueule en permanence.

-      C’est faux.

-      T’es tellement de mauvaise foi… soupirai-je, agacé. Tu crois que je sais pas ce que tu penses d’elle ? Tu me prends pour un con ?

-      Qu… ? Tu détournes le problème, là : c’est toi qui la trompes et la rends malheureuse ! Que certains de ses traits de caractère puissent m’irriter et que je la trouve superficielle n’enlève rien à mon amitié pour elle, et ça ne l’affecte pas directement.

-      OK, je suis un salopard, j’avoue ! Mais laisse-moi te dire que quand on a des amis comme toi, on n’a pas besoin d’ennemi.

Lumi était blessée par cette dernière remarque, ça se voyait.

-      Tu as raison. Je suis une mauvaise amie, et tu sais pourquoi ?

-      Eblouis-moi.

-      Parce que ça fait même pas quinze jours que je suis là, morigéna-t-elle, et je sers déjà de couverture à mon connard de frère quand il s’envoie en l’air avec une pute qui s’imagine avoir du platine qui lui coule entre les cuisses ! Voilà ce qui fait de moi une copine de merde : je suis même pas foutue de t’empêcher de me mêler à tes écarts !

-      Calme-toi, je t’ai pas demandé de me couvrir.

-      Mais tu sais pertinemment que je vais le faire, conclut-elle avec un petit rire triste.

 

****

 

Vanina était roulée en boule sous la couette, faisant fi de la chaleur. Un bol de bouillon, assurément préparé par Sonja, refroidissait sur la table de chevet.

Je m’assis délicatement sur le lit et lui caressai les cheveux.

-      Bébé, je suis rentré, annonçai-je. Ça va mieux, ma princesse ?

Il y eut un léger mouvement sous ses cheveux châtains.

-      Quelle heure il est ? marmonna-t-elle.

-      Presque onze heures.

Silence.

-      Tes parents sont passés depuis longtemps. T’étais où ?

Ça commence.

-      Au Val-aux-Cerfs, ma puce.

-      Pourquoi tu rentres aussi tard ?

-      Fallait que je ramène Lumi, soupirai-je de ma voix la plus authentique. Tu la connais, quand elle commence à picoler, elle devient ingérable. J’ai préféré rester avec elle.

Je lui caressais toujours les cheveux d’une main douce et rassurante.

-      En plus, Camille lui tournait autour – tu sais à quel point il est relou – donc valait mieux que je ne l’abandonne pas.

Vanina ne répondit pas. Rassemblant le peu de forces qui lui restait, elle pivota sur le dos dans un froissement de draps. Ses yeux noisette, bien que fiévreux et voilés de sommeil, étaient posément dardés sur moi, indéchiffrables.

-      Alors ça y est, articula-t-elle faiblement, tu as retrouvé ton alibi favori ?

-      Pourquoi tu dis ça ?

Je devais avoir l’air aussi innocent qu’un nouveau-né, et ma voix ne frémit pas d’un décibel. Très important, la voix…

-      Lumi la pochtronne que tu dois protéger d’elle-même… C’est pratique, hein ?

-      Mon amour, chuchotai-je en effleurant sa pommette saillante, savourant le contact de sa peau veloutée dont je pouvais reconnaître le grain les yeux fermés. Je comprends que tu sois déçue de ne pas avoir pu venir, mais je te promets que tu n’as vraiment rien raté. Bon, à part peut être les verrines aux crevettes…

Mon sourire était halogène, un soleil factice branché sur secteur.

Pardonne-moi, Bébé. C’est plus fort que moi.

-      Tu sais, conclut Vanina avant de se retourner définitivement, tu pourras pas te cacher indéfiniment derrière ta sœur…

-      …

-      Chéri ?

-      Oui ?

-      Apporte-moi de l’eau, je suis desséchée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cerise
Posté le 18/04/2019
Bon, j'ai lu ce chapitre à sa sortie, mais pas commenté, alors voilà. J'ai vraiment bien aimé retrouver Mirko. Son ton ressemble un peu à celui de Lumi parfois, je me suis même perdue par moment, et j'ai glissé vers elle comme protagoniste avant de me reprendre.
Sinon, dans le détail, la petite scène de retrouvailles familiales du début m'a bien plus, surtout les répliques de Marc, qui collent bien avec la description initiale du premier chapitre. J'ai trouvé par contre que le trait était un peu forcé pour le personnage de Camille, je ne suis pas sûre qu'il y ai besoin que ses paroles soient si vulgaires pour qu'on comprenne le décalage avec son prénom et l'image qu'il ne veut pas qu'on lui donne.
La scène de sexe coule bien, on la voit arriver mais ça va bien avec le personnage de Mirko. Ça contraste avec le final, avec Vanina, et ça rajoute de l'épaisseur, car il semble sincèrement tenir à elle. Même si on comprend qu'elle est dans le doute...
La suite? 
Loulou
Posté le 18/04/2019
Salut Cerise!
Oui je comprends, les jumeaux ont une manière de s'exprimer très similaire. Je précise le nom du personnage en début de titre pour chaque chapitre, si ça peut t'aider :)
En effet, Camille est un personnage très vulgaire, je conçois que ça puisse être lourd à la lecture. Mais c'était "son moment", il est totalement secondaire et on ne le verra que très rarement par la suite.
En tout cas, merci pour ton commentaire qui me fait très plaisr! Je poste la suite demain. 
Keina
Posté le 02/04/2019
Chouette chouette chouette, nouveau chapitre !
Bien bien bien... pas de nouvelles infos sur le meurtre ou sur le passé des personnages, mais c'était quand même assez instructif ce passage dans l'esprit de Mirko. On commence à entrevoir des choses plutôt glauques du côté de la famille Van der Brook, je me demande en quoi ça va être lié au meurtre de la gamine (parce que ça va forcément avoir un lien, hein?). 
En tout cas, ça a pas dû être évident de te fondre comme ça dans l'esprit de Mirko. À la fois, c'est un beau salopard, et en même temps, sa culture et son humour pince-sans-rire le rendent presque sympathique par moment, du coup ça donne un côté un peu dérangeant à l'histoire. Mais j'aime bien !
La scène de sexe ne m'a pas dérangée, tu n'en fais pas trop, mais juste assez pour que ça prenne sens dans ton récit. Et, vraiment, ce que j'adore, ce sont toutes les petites piques que tu lances à tes personnage ici et là (comme le père de Lumi et Mirko préoccupé par son âge "j'ai vraiment cinquante-deux ans ?", ahah ça ça m'a bien fait rire !)
Bref, c'est vrai qu'à plein de moments on rit jaune, mais tu restes quand même dans un ton décalé qui donne suffisamment de recul au lecteur pour lui permettre de souffler.
Vivement la suite!
Loulou
Posté le 02/04/2019
Chère Keina, en effet, les Van der Brook ne sont pas totalement étrangers au meurtre... mais je ne dirai pas en quoi (haha!).
Je reconnais que Mirko est un des personnages que je prends le plus de plaisir à "faire parler", même s'il est loin d'être parfait! Je suis soulagée de ton retour sur la scène de sexe -ça ne m'intéresse pas de m'étendre là-dessus pendant des pages et des pages- même si celle-là était un peu tournée à la rigolade. 
Pour te faire patienter, sache que le prochain chapitre sera plus court et que les enquêteurs y feront leur entrée!
 
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