Mois I : Cilo - Vaïos

Notes de l’auteur : Nouveau personnage, nouveaux enjeux. On a hâte de vous lire !!

« Dans les premiers mois de la Guerre des Chaînes, Clytène vacilla. Sa flotte fut décimée par les trières de Velymène, qui maintinrent le siège pendant de longs mois. Affamée, proche de la reddition, elle ne dut son salut qu’à l’alliance de deux hommes providentiels : un général inconnu dont l’éloquence séduit assez l’Assemblée pour le nommer Archonte et un vieillard de noble famille : Pysctas Orphane. Ce dernier rassembla tout l’or de la cité et franchit le blocus dans un navire déguisé. Ces biens convainquirent des dizaines de navires pirates d’attaquer Velymène. Lorsque la nouvelle se répandit, les trières repartirent vers le large pour défendre leur cité. Clytène était sauvée. »

Chroniques de l’Archipel, La Voix Errante

 

An 125 après les Premiers Pas

Les mains de Vaïos glissaient sur sa peau brillante d’huile en revêtant son pagne. Il s’assit sur le banc du vestiaire pour profiter de ses dernières minutes de silence. Le départ était imminent. Il pouvait entendre les lointaines bravades des autres athlètes, réunis à l’autre bout du gymnase. Vaïos se concentra sur sa respiration, fit abstraction de leurs rires déplaisants. Son cœur battait la chamade alors qu’il s’apprêtait à répéter les mêmes gestes que depuis des mois. Ces gestes si répétitifs, si rassurants. Prendre appui derrière les lignes blanches, attendre le sifflet, prendre son élan et courir. Courir jusqu’à ce que tout devienne flou, jusqu’à en perdre la raison, jusqu’à n’être plus qu’un corps brisé par l’effort. Courir pour se sentir vitesse, courir pour se sentir vivant. Courir parce que c’était ce pourquoi il était modelé depuis toujours. Courir ce tour de stade ; le plus important de sa vie.

Il n’y aurait pourtant pas de foule pour l’acclamer, pas de trophée ou de podium, pas de célébrité en cas de victoire. Seulement une présence qui changeait tout. Celle de l’Archonte, venu sélectionner les meilleurs coureurs de Clytène. Une course de qualification pour les Jeux, comme il y en avait des dizaines, partout dans l’Archipel. Tout ce qu’il pouvait espérer, c’était de gravir une nouvelle marche vers son rêve. Vaïos n’envisageait pas la défaite. Cela reviendrait à perdre sa raison d’être.

Son regard se perdit dans les quatre murs blanc uniforme de son cocon. Cette pièce où il s’était réfugié pour la première fois enfant afin d’éviter de côtoyer les autres. Afin d’éviter les moqueries, les intimidations, les humiliations et les brimades. Afin de tenter d’oublier les surnoms infâmes. Vaïos avait pris la résolution de répondre sur la piste. Il leur prouverait à tous combien ils avaient eu tort. Que plus qu’eux tous, il était fort. Il avait hâte de porter la couronne d’oliviers, de parader sur un char pour la cérémonie de fermeture, de rendre glorieuses sa sueur et ses larmes.

Le sifflet résonna une première fois à l’extérieur. La broyeuse de rêves était en marche. Dix courses de dix coureurs, seulement vingt qualifiés. Pas de bon ou de mauvais temps : deux vainqueurs, huit perdants. Vaïos noua ses sandales, se leva et s’élança dans le couloir. Il avait à peine tiré le rideau que déjà, le soleil mordait sa peau laiteuse, ses taches de rousseur, son crâne rasé. Il cligna des yeux, ébloui. La première course s’achevait, remportée par un géant à la peau cuivrée, soldat de la garnison du Sud. Le deuxième sifflet retentissait déjà alors qu’il rejoignait le groupe où le hasard l’avait affecté. Huit corps durs, aux muscles taillés par l’effort. Huit visages fermés, tendus par la concentration. Le neuvième détonnait au milieu des autres athlètes.

Il avait des traits de garçon, un physique longiligne, frêle et, curiosité notable, une touffe de cheveux crépus. Vaïos détailla cet inconnu, étonné : garder ses cheveux en course officielle relevait de la provocation. Plus il le regardait, plus cela confirmait qu’il était jeune. Encore plus que lui. Il avait le corps imberbe, les joues rebondies et la peau lisse. Ses membres avaient dû subir une croissance trop rapide, qui lui conféraient une allure disgracieuse. Le garçon n’avait pas de sandales : il courrait pieds nus. Le regard de Vaïos se détacha cependant de cet adversaire inhabituel en marchant vers la ligne de départ. L’épreuve était solitaire. Seule sa performance comptait.

Leur groupe s’échauffa sur l’étendue de gazon à l’intérieur des pistes puis, alors que la troisième course débutait, ils s’approchèrent de la tribune. Seuls six des cinquante sièges de pierre étaient occupés. Les plus en hauteur, ombragés par un auvent rouge rubis. Quatre proches conseillers et le chef des entraîneurs entouraient l’Archonte, assis une coupe à la main. Il observait les coureurs avec attention de son regard métallique, qui s’attarda de longues secondes sur le gamin aux jambes de gazelle. Savoir l’homme le plus puissant de l’Archipel venu pour eux fascinait Vaïos, qui n’avait vu l’Archonte qu’à travers le vacarme des foules lors des défilés ou célébrations religieuses.

Le chef de Clytène avait une robe blanche ample, qui laissait ses bras musclés dénudés. Il avait une coupe courte, une barbe de trois jours et son collier de fonction, pailleté d’or. Même assis, sa posture inspirait le respect. Avec son dos droit, ses mains posées sur ses jambes, ses traits sévères, on ne pouvait que reconnaître le dirigeant à la poigne de fer qui terrifiait ses ennemis. Vaïos devinait son ambition, assez vorace pour faire de leur cité un des sommets du monde connu.

Aucune personne n’incarnait mieux ses rêves, son idéal. Avant ses victoires militaires, son ascension politique, l’Archonte avait été un simple athlète : comme lui. Il avait remporté ses premiers oliviers en épreuve de lutte, à dix-neuf ans. Dix-neuf ans. Vaïos en avait un de moins mais autant d’ambition. Plus que ses pairs, il salua avec fougue, poing serré sur son épaule. Un jour, il se tiendrait en haut de la tribune de l’assemblée, au milieu des toges grises des électeurs. Un jour, ce serait lui que l’on prendrait en modèle de mérite, incarnation de la réussite d’un système.

À regret, il détourna les yeux de son modèle : la quatrième course était la sienne. Il avança jusqu’au dixième emplacement, au plus loin de la tribune. L’arbitre, un jeune blond au visage replet, leur rappela des consignes que Vaïos connaissait par cœur. L’athlète posa ses mains sur le sol, appréciant le contact familier de la terre battue sur ses phalanges. En inspirant, les yeux fermés, un relent de poisson dans l’air le fit grimacer. À cette heure, le marché battait son plein sur la place du port. Puis le sifflet retentit. Tout disparut.

En quelques enjambées, Vaïos se hissa en tête, porté par le vent du matin. Il sentit ses jambes se tendre sous l’effet d’un effort extrême, ses bras s’étendre pour allonger sa foulée, son esprit se vider. Il se sentait bien, il se sentait bon. Ses sandales claquaient au rythme effréné des futurs vainqueurs. Son corps se réchauffait, le sang battait ses veines, sa respiration s’accélérait et la sueur coulait sur son dos. Un ouragan de sensations assez puissantes pour noyer ses pensées. Il ne détourna les yeux de la piste qu’à mi-parcours. Ils n’étaient plus que deux à sa hauteur. Il les achèverait sur le sprint final, comme toujours. L’un d’eux décrochait déjà.

Le corps drainé d’adrénaline, sa fierté gonflée par le regard de l’Archonte, Vaïos accéléra encore, à l’extrême limite de ses capacités, au bord de la rupture. Son concurrent le suivait péniblement, trop épuisé pour l’attaquer dans le dernier virage. Soudain, une nouvelle silhouette les dépassa d’une accélération foudroyante. Un corps capable d’enchaîner les foulées comme les battements de cœur, de rebondir sur chaque appui pour ne jamais ralentir. Une vitesse fascinante. Malgré sa concentration, Vaïos reconnut l’ombre du jeune garçon qui l’avait tant intrigué. Il dut aussitôt renoncer à le rattraper, dépassé par cette vitesse surhumaine. Entre ce moment et la ligne blanche, il lui sembla qu’une poignée de secondes seulement s’écoulèrent. Le vainqueur qui levait les bras devant, un dernier coup de tête en arrière, une deuxième place assurée avec une avance confortable.

Vaïos se sentit traversé par une nuée de sensations puissantes : la joie triomphante, le soulagement, la douleur et le plaisir de l’effort, le dépit de cette première place perdue, la fierté d’avoir brillé sous les yeux de l’Archonte. Il serra les poings en s’effondrant assis sur le gazon au milieu des pistes. Puis il s’allongea, éreinté. Il n’avait plus que la force d’inspirer et expirer. Il aurait voulu s’endormir en rêvant des Jeux qu’il venait de mériter. Le parfum de la victoire s’enfuit pourtant vite, chassé par la préoccupation devant ce nouveau rival.

L’inconnu au visage d’enfant l’avait distancé de plusieurs secondes : une éternité à ce niveau. Il allait devoir redoubler d'efforts pour se hisser à sa hauteur, une volonté colossale, des entraînements acharnés. Vaïos était prêt à tout donner. Déjà, il analysait les failles de ce coureur hors norme : son départ peu dynamique, le temps qu’il lui avait fallu pour atteindre la pleine vitesse. Un adversaire redoutable mais pas invincible.

Alors que le sifflet retentissait encore et encore, Vaïos se força à se relever, à marcher sur la pelouse et à s’étirer comme les autres athlètes. L’instant lui sembla suspendu, hors du temps. Il erra entre les vainqueurs triomphants, les vaincus en larmes et les indécis inquiets. Leur destinée se jouait à quelques centimètres, à l’appréciation de l’arbitre de ligne. Son rival inconnu était allongé au milieu d’eux, indifférent à cette agitation, le regard vague et les bras en croix. Ni heureux, ni fatigué. Vaïos lui en voulut pour son insouciance, pour cette victoire obtenue sans effort. 

La dixième course achevée, l’entraîneur descendit de l’estrade et leur ordonna de le rejoindre. Les coureurs se disposèrent en colonnes quasi militaires en attendant le verdict. Vaïos retint son souffle en comprenant que l’Archonte lui-même allait annoncer les sélectionnés. La perspective de mettre son nom sur de telles lèvres lui remplit le cœur d’allégresse. Seul un frêle vieillard descendit à ses côtés, Pysctas Orphane, son proche conseiller et homme le plus riche de l’Archipel. Pendant que le Archonte déroulait le parchemin avec les résultats, il se contenta d’applaudir, les yeux plissés.

Les noms retentirent un à un, portés par une voix de meneur d’hommes, une voix d’orateur. Cette voix qui avait mené ses troupes aux pires batailles de la Guerre des Chaînes et qui convainquait l’assemblée de Clytène de le réélire depuis bientôt dix ans. Vaïos sentit son ventre papillonner en attendant la consécration de ses efforts. Il n’avait jamais reçu de plus belle récompense, de plus bel honneur. Il anticipait déjà la montée des marches pour compléter l’équipe qui disputerait les Jeux, des courses individuelles jusqu’au grand relais.

Soudain, la voix du Archonte se tut. Les applaudissements des perdants se mêlèrent à ceux de Pysctas. Quelques cris de joie retentirent sous le regard amusé de l’entraîneur. Consterné, Vaïos attendit encore un peu. On avait oublié son nom. Il y avait une erreur. Pourtant, l’Archonte tournait déjà les talons, rejoint par ses gardes. Chacun de ses pas éloignait un potentiel retournement de situation, un revirement heureux. Pour la première fois depuis sa sélection, il sortit du rang, incapable de supporter cette injustice. Alors que le Archonte et sa suite disparaissaient, il héla l’arbitre.

— On a oublié de m’appeler !

Le jeune arbitre blond lui jeta un regard désolé en secouant la tête.

— Non. Tu es parti trop tôt. 

Un faux départ. Trop tôt. Ces deux mots martelèrent sa poitrine plus durement qu’un coup de poing. Était-ce possible ? Il avait répété ces gestes tant de fois, jusqu’à atteindre la parfaite combinaison. Accélérer le plus possible une fraction de seconde après le retentissement du sifflet. Il n’avait pas pu faire une erreur aussi bête. Non, il en était certain. Il se rappela chacun de ses mouvements, ses dernières pensées avant le départ. Et plus il pensait, plus cela confirmait sa certitude : il était parti au bon moment. Pourtant, les mots de l’arbitre ne laissaient guère place au doute. Humilié, il fit un pas en arrière, retrouva le rang. Des rires retentirent alors que coulaient ses larmes.

Ses yeux embués ne prêtèrent plus attention à ce qui l’entourait. Il se contenta de suivre le mouvement de ses camarades, puis le chemin qu’il connaissait par cœur. Il était comme un pantin que le marionnettiste faisait rentrer chez lui à pas lourds. Désormais, il sentait sa peau brûlée par le soleil, ses jambes fatiguées, son corps puant de sueur. 

Il ne s’était plus senti aussi mal depuis la mort de son frère. Comme dans tous les mauvais moments, Vaïos pensa à lui. Il avait échoué à reprendre son rêve, échoué à le porter pour deux. Sans deuxième chance, tout ce qu’il avait entrepris n’avait aucun sens.

Englué dans la foule, encore nombreuse entre les étals des poissonniers, il réalisa qu’il se trouvait plus à sa place dans cette rue misérable que dans un stade. Les moqueurs avaient toujours eu raison à son sujet. Il était né pour les pavés crottés, les cris braillards, la puanteur des raies, pas pour les oliviers et la lumière. Ambitionner marcher dans les traces de l’Archonte : quelle folie ! Il était puni par les Dieux de son arrogance. Lui, l’enfant d’immigré, aurait dû se souvenir des limites de l’espoir. L’idéal de Clytène, auquel il avait tant cru, le rejetait. 

Que la chute était violente.

Ses pas l’éloignèrent du port, le faisant évoluer à travers les ruelles étroites des quartiers est. Il hâta le pas pour éviter autant les jets d’immondices des toits que les sollicitations des mendiants sur le pavé. Vaïos arriva à la place de la fontaine, où régnait une ambiance festive au milieu des tavernes et maisons closes. Il avait l’habitude d’y flâner tous les jours, de s’asseoir sur le banc de pierre, sur le rebord de la fontaine, juste à côté du jet d’eau. Il y observait la massive silhouette des Arènes d’Arkenzia, se plaisait à imaginer y courir. Cette fois, il continua, incapable de se confronter à ce rappel de sa médiocrité.

Il erra encore un peu à travers des quartiers sordides, puis déserts. Dans sa rue, il ne croisa que deux esclaves qui balayaient les restes d’une soirée arrosée. Il poussa la porte de son insula, comme souvent laissée ouverte. Qui aurait l’idée de voler un endroit si repoussant ? Les murs étaient couverts de crasse et de graffitis, les poutres rongées aux mites et plusieurs fenêtres brisées. Sur le perron, des restes de viande pourrissaient entre les déjections canines. Il se boucha le nez, écœuré. Jamais son lieu de vie ne l’avait autant dégoûté.

Il voyait maintenant tous les sacrifices auxquels il avait consenti pour vivre dans la plus belle cité du monde, dans un idéal voué à l’échec. Il voyait maintenant comme sa vie était misérable. Sept étages d’escalier pour arriver dans une pièce unique, avec deux lits serrés, une table, deux tabourets, un tapis, deux armoires murales et une lucarne comme seule source de lumière. Si ses parents savaient qu’il vivait dans une telle misère, ils en mourraient de honte. Eux qui avaient tout quitté dans un espoir de vie meilleure. Un rêve aussi stupide que le sien.

Vaïos s’effondra sur son lit, sans prendre la peine d’enlever ses vêtements ou ses sandales. Il sombra dans une mélancolie seulement rythmée par une énième dispute de ses voisins de palier. Il s’abandonna au trop long passage du temps, jusqu’au retour d’Érione. La nuit était tombée quand son épouse rentra, un lourd sac sur le dos. Elle passait ses journées à sillonner les rues de Clytène pour vendre les vêtements qu’elle tissait pendant ses nuits. Un travail pénible, mais nécessaire. Son maigre pécule payait le plus gros de leur loyer. Vaïos admirait son talent et ne pouvait s’empêcher de penser qu’avec de meilleures fournitures, elle pourrait vêtir les plus riches femmes de la ville.

— Bonsoir ! Tu restes dans le noir ?

Vaïos lui répondit d’un marmonnement, sans esquisser un geste. Érione alluma quelques bougies avant de sortir deux galettes de fromage et du raisin de son sac. La vente avait dû être bonne pour qu’elle achète des fruits frais. Elle rangea ses affaires pour s’asseoir sur l’autre lit, près de son mari. Il la vit vaciller et s’en voulut de se morfondre : elle avait eu une journée plus épuisante que n’importe laquelle des siennes. À seulement dix-neuf ans, Érione avait déjà le dos courbé, les mains calleuses, le visage cerné et quelques mèches blanches. Fille d’affranchi, elle travaillait depuis toute petite pour survivre. Non, il ne pouvait pas se plaindre. Pas à elle. Il eut beau taire son affliction, elle la devina aisément et comprit ce qui était arrivé.

— Je suis désolée. Je sais combien ça comptait pour toi.

Il y eut quelques secondes de silence, puis elle reprit :

— Il faut que tu trouves un travail, maintenant.

Vaïos grimaça devant son pragmatisme. Érione ne pouvait mesurer ce à quoi il avait aspiré. On ne peut comprendre la désillusion quand on n’a jamais connu l’espoir. Il ne répondit pas, refusant d’imaginer ce que serait une vie où il aurait accepté de ne jamais pouvoir s’élever, où il aurait accepté de demeurer inconnu, dominé. Son père avait raison : il n’était qu’un foutu rêveur. Érione le força à avaler quelques bouchées, puis quelques grains. Même leur jus sucré ne put chasser son amertume. Quand ils eurent fini de manger, Érione enroula ses jambes sous sa couverture et le regarda. Là où la majorité des couples s’embrassaient ou s’étreignaient, leur rituel était la discussion. Malgré son état, Vaïos ne put y échapper.

— Il s’est passé quoi ?

La voix nouée de sanglots, Vaïos retraça le déroulé de cette affreuse matinée. Il dut s’interrompre deux fois pour laisser couler les larmes. Érione ne l’interrompit pas une fois, se contentant de hocher la tête pour signifier son attention. Lorsqu’il se tut, elle demanda :

— Tu penses l’avoir fait ce faux départ ?

— Non. J’en suis sûr, mais…

— Alors c’est qu’on t’a éliminé volontairement. Regarde-toi, Vaï. Tu crois vraiment qu’ils veulent quelqu’un comme toi pour représenter Clytène aux Jeux ? 

Les protestations de Vaïos se noyèrent dans sa gorge. Et si elle avait raison ? Cela expliquerait tout. Un fils d’immigré, un pauvre : c’était si facile de le disqualifier. Pourtant, une part de lui refusait encore de l’admettre. Cela reviendrait à penser que le mérite vanté par tous ses entraîneurs n’existait pas. Que Clytène n’admettrait jamais qu’un athlète comme lui remporte les oliviers. Il se mordit la lèvre, de plus en plus convaincu qu’Érione avait raison. Elle se trompait rarement. La honte laissa place à la colère, à la sensation d’injustice. Il serra les poings. Que pouvait-il faire ?

— Tu crois que toutes les qualifications sont finies, Vaï ? Peut-être que d’autres cités sélectionnent encore leurs coureurs. Tu pourrais venir aux Jeux dans une autre délégation.

— Je ne sais pas. Je vais demander.

Une autre délégation ? Partir de Clytène ? Frappé par cette possibilité qu’il n’avait jamais envisagée, Vaïos écouta sa femme avec une attention mêlée d’admiration. Elle était si intelligente.

 — Ce serait bien. De toute façon, on n’a plus rien à faire ici, à subir cette vie misérable.

— Mais même si c’est possible, jamais ils ne m’accepteront.

— Tu es bon. Dans d’autres cités, c’est tout ce qu’ils demandent.

Vaïos n’exulta pas, refusant d’espérer en vain. Cependant, c’était trop tard : un flot d’images lui traversait déjà l’esprit. Le voyage vers d’autres horizons, les efforts et les victoires. Il était sur un navire, avec une délégation. Au loin, il apercevait le port de Clytène. Il foulait les pistes de l’Arkenzia, remportait les oliviers. Ceux qui l’avaient humilié le portaient en triomphe. Déjà, ses yeux brillaient.

Érione venait de lui offrir un espoir assez grand pour continuer à rêver.

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Shadowmoon
Posté le 06/09/2025
L’ambiance antique + la course me fait penser au mythe d’Atalante ( l’un de mes mythes préférés dans la mythologie grecque) .
Pour l’instant , cette histoire me plaît.
Edouard PArle
Posté le 06/09/2025
Coucou Shadow !
Bien vu pour la réf, j'adore aussi ce mythe !!
Merci beaucoup de ton retour <3
Shadowmoon
Posté le 07/09/2025
Vu que tu adore le mythe d’Atalante , je te conseille de lire Atalante de Jennifer Saint . Ce livre vient de sortir et il est génial !
Edouard PArle
Posté le 07/09/2025
Ohhh je savais pas !! J'ai lu Ariane et j'avais bien aimé ! Je note la reco !!
Maëlys
Posté le 14/09/2025
Oui c'est vrai que ça y fait carrément penser ! j'aime beaucoup ce mythe, il faut que je lise le livre alors !
Eldien
Posté le 24/07/2025
Génial cette course! Elle me rappel "Le lion de macédoine" de David Gemmell et le parcours de Parménion pour faire oublier ses origines.
Typiquement le genre d'histoire que j'adore.
Va-y Vaï! Tu va lui montrer à cette Archonte qu'ils ont fait une grosse erreur!
J'ai juste trouvé étrange qu'il y ai si peu de publique pour cet événement qui semble si important. L'archonte n'a que quatre conseillers autour de lui?
Maëlys
Posté le 27/07/2025
Coucou !
Je connais pas du tout "Le Lion de Macédoine", tu me le conseilles ?
C'est pas un évènement à proprement parler, juste des qualifications pour les coureurs qui représenteront la cité de Clythène donc assez privé, d'où l'absence de public et de beaucoup de conseillers, nobles etc.
Merci beaucoup pour ton commentaire !
adelys1778
Posté le 06/07/2025
Encore un incroyable chapitre, l'immersion a été totale et je l'ai lu en quelques minutes ! J'ai hâte de lire la suite et de savoir s'il arrive à sa victoire !! Je me suis vraiment régalée !
Au début, l'emploi du présent par "séduit" m'a dérouté vu que l'on était sur un mode passé, pourquoi ne pas avoir mis "séduisit" ?
Edouard PArle
Posté le 09/07/2025
Coucou Adelys !
Trop content que tu aies apprécié ce chapitre ! On te laisse découvrir la suite des aventures de Vaios (=
Bien vu, jz corrige
Edouard PArle
Posté le 09/07/2025
Merci de ton commentaire !
Maëlys
Posté le 22/07/2025
Coucou, merci pour ton commentaire ! Trop cool que ce chapitre t'ait plu !
MISO
Posté le 27/06/2025
Hello !
J'ai parfaitement suivi les aspirations de Vaïos, magnifiquement amenées jusqu'à la terrible déception à la fin. L'empathie est là. On court avec lui et malheureusement on perd avec lui aussi. la chute de son mental est palpable. lui qui était si sûr de lui... oui, sans doute un peu trop.

J'ai noté quelques petites chose :

- "Perdre l'esprit" : sous l'effort on entre plutôt dans une sorte de focus sur l'objectif ou seul le mouvement existe le reste glisse surtout que plus tard tu dis "son esprit se vider".
Une perte serait plutôt lier à la douleur d'un effort apparenté à la torture.

- "inspirer et expirer doucement" : après un effort maximal c'est plutôt l'inverse le coureur n'est plus qu'inspiration bruyante.


- "il lui sembla qu’une poignée de secondes seulement s’écoulèrent" -> implique que c'est peu, contrairement à l'idée que l'on se fait de la haute compétition.
- "avait distancé de plusieurs secondes : une éternité à ce niveau." -> appuie le fait que c'est bien colossale.
Cela entre en conflit, mais c'est une impression personnelle.

"L'Archonte" ;" le Archonte" un déterminant oublié au paragraphe qui commence par " La dixième course achevée" ;)
plus loin : "Soudain, la voix du Archonte" ; puis dans le même paragraphe "le Archonte".

Petit détail l'eau courante au septième étage m'a étonné quand ils s'éclairent à la bougie. Je sais que des villes de l'antiquité pouvaient être irriguée par des canaux qui alimentaient les fontaines, mais je ne crois pas que les bâtiments en disposaient.
en tout cas, après mes recherches, j'ai appris l'existence des insulae, ces immeubles de l'antiquité fait de bois et de briques sèches.

J'ai beaucoup plus accroché à ce chapitre qu'au précédant, je suis contente d'avoir continué.

Merci pour cette folle course :)
Edouard PArle
Posté le 29/06/2025
Hello MISO !
Content que tu aies apprécié suivre le pdv de Vaïos et que tu soies entré en empathie avec ses espoirs et sa déception finale.
On a pris en compte tes remarques !!
C'est amusant, chaque personnage a ses "fans", je te laisse découvrir les prochains chapitres, chaque pdv est assez différent...
Merci beaucoup de ton comm !!
Maëlys
Posté le 22/07/2025
Coucou !
Merci pour ton commentaire très complet !
A très vite !
Voie
Posté le 09/05/2025
Coucou,
Histoire très prenante à laquelle je ne ferais qu'une remarque : il faut choisir entre "le Archonte" ou "l'Archonte", sinon le lecteur est confus et cela rend la lecture moins fluide.
A la prochaine !
Maëlys
Posté le 11/05/2025
Coucou !
Merci pour ton commentaire ! Je pense que c'est une faute d'inattention qu'on va bien vite corriger.
A très vite !
Edouard PArle
Posté le 13/05/2025
Hello Aurélien !
Merci beaucoup de ton retour, la coquille est corrigée !
A bientôt (=
Bleiz
Posté le 06/05/2025
Salut Maëlys et Édouard !

C'est parti pour le deuxième chapitre, avec un nouveau personnage qui fait son apparition.

"Courir jusqu’à ce que tout devienne flou, jusqu’à en perdre la raison, jusqu’à n’être plus qu’un corps brisé par l’effort." --> belle description, on ressent bien la tension et la passion du sportif de haut niveau.

Peut-être que je n'ai pas assez fait attention lors du dernier chapitre, mais le fait que ce soit mentionné "125 ans après les premiers pas" m'intrigue. Il faudra que je vérifie la timeline.

"Il avait hâte de porter la couronne d’oliviers, de parader sur un char pour la cérémonie de fermeture, de rendre glorieuses sa sueur et ses larmes." --> C'est bien une phrase qui sent la défaite à venir, ça. Je me méfie de vous deux, auteurs !

"Un jour, ce serait lui que l’on prendrait en modèle de mérite, incarnation de la réussite d’un système." --> Comme je disais tout à l'heure, ça sent mauvais. Je ne serais pas surprise s'il y avait quelque chose de pourri dans le royaume de Clytène…

"L’athlète posa ses mains sur le sol, appréciant le contact familier de la terre battue sur ses phalanges." --> C'est pas grand-chose, mais tout de suite ça ancre la lecture. On a l'impression d'y être, de s'apprêter à courir !

"Il les achèverait sur le sprint final, comme toujours. " --> Un certain lièvre de La Fontaine pensait pareil…

Tout le passage qui suit l'annonce de son faux départ sonne juste. J'ai mal pour Vaïos. Les rêves meurent si facilement.

Il met facilement l'avis de sa femme au début, mais je suis contente de voir qu'il y a ce soutien mutuel, malgré leurs caractères relativement opposés. Et puis le retour de l'espoir !

Un super chapitre, vraiment bien construit et dans lequel on a l'impression d'être sur place. Très bien exécuté !

À bientôt :)
Maëlys
Posté le 11/05/2025
Coucou !
Merci pour ton commentaire !
Oui, on a rajouté "125 ans après les premiers pas" au premier chapitre, mais il n'y était pas au début donc tu n'as pas du le voir lors de ta lecture !

Tu as raison de te méfier ah ah (surtout d'Edouard...)

Super si tu as réussi à être pleinement immergée dans la course, puis dans la défaite et enfin la renaissance de l'espoir !
On espère que la suite te plaira !
Edouard PArle
Posté le 13/05/2025
Coucou Bleiz !
Content que tu aies apprécié l'ambiance du chapitre, en effet la chronologie est un ajout. L'univers se construit en même temps que l'écriture...
Merci de ces réactions à chaud, oui le but n'était pas de cacher que ça allait mal finir, au contraire^^
L'arc de Vaios ne commence finalement qu'avec cette chute...
Merci de ton comm' !!
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