Les foules marchent, et marchent, et puis les voix bourdonnent,
Les cœurs vont, les cœurs viennent, on les brise, on les donne
Aux âmes infortunées
Qui, seules, errent entre l’air et le vent qui fredonne.
Mon Dieu,
Mon Dieu,
Pourquoi donc nous abandonner ?
Tes fidèles insensibles, au milieu du chaos,
Cherchent un point d’appui pour échapper aux flots,
S’accrochent aux damnés,
Poussent vers leur Enfer ceux qui sortent du lot…
Mon Dieu,
Mon Dieu,
Vas-tu donc les abandonner ?
Regarde-les, Seigneur, constate le blasphème
De ceux qui, en ton nom ou celui qu’ils te prêtent,
Sauraient t’assassiner,
Vois donc les innocents ou les coupables, blêmes,
A qui ils rient au nez :
Car leur âme de pierre, c’est à toi qu’ils la jettent !
Les laisser faire,
Mon Dieu,
Mon Dieu,
N’est-ce pas nous abandonner ?
Je t’ai prié en face, de femme à homme sans chair,
Je t’ai fait homme et femme, je t’ai fait rien, je t’ai fait tout,
Je t’ai vu dans chacune des choses de la Terre
Puis je t’ai dressé en statues et fixé par trois clous,
Mon Dieu, j’ai couru à ta suite,
Mais le feu sans doute est insaisissable,
Mais le feu brûle de bois,
Et le bois meurt humain.
On a voulu être acceptés mais être compris c’est l’être dans son inacceptable
Et l’humain pêcheur seul comprend le mal qu’il fait :
Voilà pourquoi ils t’ont fait inhumain.
Et l’homme créa son créateur à l’image de Narcisse,
Il vit que cela était pourri,
Et il fit l’autruche.
J’ai cherché l’évidence
Et l’évidence est là,
Elle est celle d’un trésor au milieu d’un néant,
Fragile et sans appui,
Et l’évidence est si terrifiante que faiblement je choisis de m’enfuir dans l’opium de la Foi.
Alors je prie en vain le Néant déguisé, et le voilà qui me remplit de sa chaleur jusqu’au bord de l’âme
Consumée alors je hurle :
Mon Dieu,
Mon Dieu,
Pourquoi m’as-tu abandonnée ?
Je pensais pas qu’un sujet religieux pourrait me parler, mais c’était sans compter sur la construction du poème j’imagine haha. J’aime beaucoup la construction. Au départ, je m’attendais à avoir « mon Dieu mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné(e) », puis ça m’est sorti de la tête. Les deux dernières strophes n’en ont été que plus impactantes. Je pense que ça fait écho à beaucoup de questionnements personnels et sociétaux, j’aime la manière dont tu mets des mots dessus, ça rend l’ensemble d’autant plus touchant.
Et là encore ça me rend heureuse d'arriver à toucher même des gens qui ne sont pas trop concernés par le thème. Effectivement, ça fait écho à beaucoup de questionnements.
J'adore tes poèmes ! Celui-ci me plaît énormément, il fait écho à des questionnements personnels donc évidemment, ça me parle. Je le trouve très beau.
Le rythme de cette strophe est magique, ça roule sur la langue :
"Je t’ai prié en face, de femme à homme sans chair,
Je t’ai fait homme et femme, je t’ai fait rien, je t’ai fait tout,
Je t’ai vu dans chacune des choses de la Terre
Puis je t’ai dressé en statues et fixé par trois clous,".
Ce n'est pas que le rythme qui me plaît, tu t'en doutes - chaque vers résonne en moi. Merci <3
Je m'étais couchée mais je réfléchissais à ton poème, alors je me suis levée pour t'écrire. Je ne suis pas croyante, plutôt agnostique. Cependant les questions de foi m'habitent et me hantent.
Ton vers "Puis je t’ai dressé en statues et fixé par trois clous" me fait penser à l'opposition entre iconoclastes et iconodoules, et plus généralement, à nos tendances à transformer nos dieux en idoles qu'on adore à leur place, et ces idoles deviennent des icônes, l'image d'une image - qu'est ce qui reste de nos dieux dans ces étranges reflets ? Mais les images sont belles, et utiles, et comportent leur propre part de mystère - il y a du bon chez les iconoclastes comme chez les iconodoules (et autant de mauvais chez les deux). Mais bon, je ne vais pas réveiller une vieille querelle byzantine du huitième siècle, je crois qu'on est passés à autre chose.
C'est un peu étrange comme commentaire que je suis en train de t'écrire, je crois, mais ça me travaillait, alors voilà.
Et pour finir, quelques mots de Daniel Balavoine :
"Alors je serai vieux, et je pourrai crever, je me chercherai un Dieu pour tout me pardonner."
Moi je suis jeune, et je cherche un genre de dieu, mais pas pour me pardonner - ça il faut que le fasse toute seule - je crois que je le cherche plus pour apprendre moi-même le pardon, pour le pardonner lui (ou elle, ou iel, ou ça, je n'en connais pas la nature) d'avoir fait le monde si dur, et de m'y avoir fait naître.
PS : Je préfère tes vers à toi aux siens (Balavoine) !
Je prends seulement le temps de répondre enfin à des commentaires, dont au tien qui m'a touchée particulièrement.
Déjà, j'ai appris quelque chose sur les iconoclastes et les iconodules, qui met les mots sur des concepts qui disent beaucoup !
Ton cheminement me parle beaucoup, quelque part je le comprends d'autant plus depuis que j'ai perdu la Foi. Le pardon de Dieu, je m'appuyais pas mal dessus à une époque, et en fait j'ai compris avec le temps que ça n'avait résolu aucun problème, aucune culpabilité à long terme, et j'ai réussi à aller mieux uniquement quand j'ai commencé à me pardonner à moi-même (travail en cours mdr)
Lui pardonner à lui s'Il existe (ou Iel peu importe), je ne sais pas quand j'y arriverai mais tu soulèves un problème important, et y arriver serait probablement une victoire importante...
Merci pour la comparaison avec Balavoine, je sais pas si je mérite mais ça me fait super plaisir ! <3
(Bref, au moins si tu t'es trop livrée alors moi aussi haha mais je ne regrette pas)
Mon Dieu pourquoi nous as-tu abandonné, cette phrase me parle mais je n'arrive plus à souvenir d'où elle vient. Encore un joli poème, personnel, avec une très belle conclusion, qui vient répondre à tout ce qui est mis en place au dessus.
Un plaisir de te lire, je continue !
Mon passage préféré : Je t’ai fait homme et femme, je t’ai fait rien, je t’ai fait tout,
très beau texte. J'aime beaucoup, surtout la phrase suivante :
Tes fidèles insensibles, au milieu du chaos,
Cherchent un point d’appui pour échapper aux flots,
S’accrochent aux damnés,
Poussent vers leur Enfer ceux qui sortent du lot…
A+
B.