Mon très cher Lasfalt

            Mon très cher Lasfalt,               Je me permets encore une fois de t'écrire et de déposer ce pli dans le flot incertain du courrier en espérant qu'il trouve tes mains ouvertes pour recevoir cette bouteille à la mer du naufragé que je suis.               Je persiste à croire que tu fais une grossière erreur en décidant de couper les ponts ainsi.

           Cela fait maintenant, et c'est peu dire, une éternité que nous n'avons plus eu de tes nouvelles.

           Sais tu que mes douces dévotes me parlent souvent de toi et que, dans les méandres de l'immense bibliothèque qu'est ma mémoire, je me surprends à me rappeler combien nos conversations étaient intéressantes, combien nous nous enflammions à l'évocation de nos techniques de séduction personnelles pour enfin conclure nos stratagèmes de charme par une concrétisation gustative partagée des plus succulentes ?

           Te rappelles-tu l'extravagance de nos agapes, de nos libations, l'ivresse de nos bacchantes promises à notre soif inexhaustible.

           Quelle délectation de sentir ce doux nectar s'épanouir sur notre langue et livrer à nos papilles tout le diapason de ses subtilités !

            Le plaisir cérébral intensifie cette jouissance déjà divine d'une saveur inégalable.

            Je me suis rendu compte lors de l'une de mes dernières bacchanales combien tu avais raison et compte bien te narrer les facettes de charme que j'ai déployées au grand jour pour conquérir la belle de nuit de mes pensées.

            J'espère que mes pratiques, somme toute bien naturelles au vue de nos obligations alimentaires, ne te déplaisent au point de te faire prendre la poudre d'escampette encore une fois.

            Saches que mes intentions ne sont pas malsaines. Je ne cherche en aucune façon à t'offenser mais juste à partager avec toi le fruit et le nectar de mon expérience.

            Comment d'ailleurs décrire cette communion qui est née de l'union de son sang avec le mien, de la damnation de son âme à la mienne ?

            Elle tient du rêve éveillé, de cet état de demi-sommeil qui précède l'endormissement.

            Mais surtout elle tient au fait quasi magique de cet état particulier qui nous donne l'impression que nous ne faisons qu'un.

            Bien qu'en réalité, il n'y eut plus de « je » mais seulement ce « nous » commun animé d'une volonté unique, la mienne.             Qu'il est bon de faire croire à ma belle que mon cœur consumé et mon âme évaporée depuis bien longtemps lui soient réservés pour l'éternité !

            Les plaisirs de la chair s'éclipsent face au bonheur sans mélange d'une telle union spirituelle, ne crois tu pas ?

            Comme je désire aujourd'hui te faire connaître cette âme qui s'est damnée pour la mienne.

            Je m'accroche comme un naufragé aux derniers lambeaux de cette parfaite amitié née de notre goût commun pour la robe pourpre de notre breuvage.

           Que deviens tu donc mon ami ?

           Ma soif est grande de recevoir de tes nouvelles mais je ne peux venir à toi que si tu m'invites à le faire selon la règle imposée...  

Ton frère d'âme, 

Florian de Ghissignies 

 

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