Mon très cher Florian

Mon très cher Florian,

      Il va sans dire que tu te... portes bien.

      Et apparemment, tu as fais fi de ma dernière requête, c'est-à-dire cesser de m'importuner avec tes histoires sulfureuses.

      Je croyais t'avoir fait clairement comprendre que je m'étais détourné de nos habitudes culinaires traditionnelles.

      Je suis conscient qu'à tes yeux cela semble absolument hérétique de ma part, mais je t'assure que tuer pour le simple plaisir m'est devenu une agonie. Aussi, m'unir auprès d'une personne après l'avoir sournoisement enjôlé et leurré dans la damnation ne m'intéresse plus guère.

      Tu t'interroges probablement sur ce qui a bien pu m'arriver, sur les raisons pour lesquelles j'ai nié cette coutume autrefois exhalante à mes yeux.

      La réponse est aussi simple qu'elle est complexe. Cette réponse, elle m'est apparue sous forme d'une mystérieuse créature, à l'âme aussi pure et exquise que l'encre épurée de son regard.

      Ma dernière victime. Ou plutôt, celle que je destinais être ma dernière victime.

      En vérité, la seule victime ici s'agit de moi. Je suis victime de l'incandescence de ses yeux , du contact ensorcelant de ses touchers, de son odeur plus enivrant que les effluves d'un printemps naissant, je suis victime de l'amour, Florian.

      As-tu déjà ressenti cette émotion si riche? Cette émotion qui te plonge à la fois dans la tourmente et la béatitude, entre la damnation et la divination; c'est à la fois le chemin de croix et le pavé du Paradis...

      Ah, Florian! Je suis tombé amoureux de ma perdition.

      Ma perdition et ma rédemption.

      Je n'ai pu me résoudre à plonger mes crocs dans le galbe pourtant si parfait de sa gorge albâtre, je n'ai pu m'abreuver du pouls de sa vie... au contraire, elle a su insuffler une nouvelle exhalaison en moi, elle m'a arraché et conquis un cœur que je croyais jusque-là réduit en cendres.

      C'est pour elle que je me suis repenti, Florian, pour elle que je me suis converti à des moyens plus honnêtes d'assouvir mes appétits, pour elle que je me suis improvisé infirmier et pour elle que je ne me contente plus que des réserves de transfusion, dont le goût médiocre ne parvient pas être éradiqué même chauffé au bain-marie; pour elle que je me cloue, maladif, au lit pendant plus de trois heures après avoir ingurgité l'infamie anémique d'un tel patient ou que je suffoque sur les plaquettes en trop d'un autre...

      Cependant, je n'ai jamais été aussi heureux.

      Pour la dernière fois, je te dis adieu, Florian. Et je t'en conjure, respecte ma requête. 

Lasfalt de Malthe
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