Comme chaque matin, Monique descendait dans le salon pour apporter son petit-déjeuner à René. Son mari, l’homme de sa vie, étant gravement malade, on avait décidé qu’il dormirait non plus dans la chambre mais au rez-de-chaussée.
Nous étions au mois de juillet. Monique s’était levée tôt et avait revêtu son plus beau vêtement, une longue robe de soie qu’elle mettait autrefois pour aller au bal et qui, malgré le temps qui passe, lui allait encore à merveille.
Il était huit heures quand elle entra dans la pièce pour déposer le plateau-repas qu’elle avait préparé : un café au lait et deux tartines beurrées au miel, comme il les aimait. René était allongé près de la fenêtre, son visage ridé éclairé par les premiers rayons du Soleil. Il dormait paisiblement, d’un sommeil ponctué de ronflements semblables aux ronronnements d’un chat.
Revint alors à la mémoire de Monique le souvenir de leur première rencontre. Il avait vingt-trois ans et elle vingt-et-un. Lors d’une soirée bondée, ces deux personnes discrètes et introverties avaient fini par discuter, accoudées au bar. Elles s’étaient séduites, elles s’étaient trouvées.
Cette histoire, Monique l’avait retranscrite dans ses mémoires, qu’elle s’affairait à rédiger depuis plus de dix ans. En attendant le réveil de René, Monique décida de se remettre à la tâche. Elle écrivait, écrivait, écrivait, sur sa vieille machine à écrire baptisée Miranda. Monique aimait donner des noms aux objets, c’était une de ses petites habitudes, qui, le pensait-elle, l’aidait à conserver ses esprits.
Il était maintenant huit heures et demie. René ne s’étant toujours pas réveillé, Monique alla s’occuper de Grise, la chatte du couple. Elle donna sa pâtée à l’animal qui vint se poser sur ses genoux. Grise avait été trouvée par René aux abords d’une autoroute alors qu’elle n’était encore qu’un chaton. Initialement, Monique n’en voulait pas mais elle s’était vite pris d’affection pour l’adorable petite créature aux pelage soyeux.
Monique ouvrit un livre et se plongea dans la lecture d’un roman sentimental dont l’histoire lui rappelait ses premières années de relation avec René. Elle, dont le cœur vaillant avait su traverser les âges, ne pouvait s’empêcher de verser une larme lorsqu’elle pensait à ce bon vieux temps passé aux côtés de l’homme qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer.
Il était maintenant dix heures. Monique trouvait cela étrange que René ne se lève pas. Elle se pencha alors par-dessus le lit, et remarqua qu’il ne ronflait plus. Son torse ne semblait pas se soulever et sa bouche était grande ouverte, malgré l’absence de bruit de respiration.
Monique compris alors que c’était inquiétant. Elle cria : « René ! René ! René » tout le secouant vivement, mais le vieil homme ne réagissait pas. Elle attrapa alors en vitesse son téléphone, composa le numéro des urgences et expliqua la situation, tout en appuyant avec vigueur sur la poitrine de son mari.
Le docteur arriva à sa porte. Monique, paniqué, lui ouvrit et le conduisit en vitesse au salon. René fut examiné, on tenta de le réanimer mais rien n’y fit : sa mort fut annoncée. Monique, la femme dévouée qui avait placé l’amour au centre de ses préoccupations existentielles, était désormais veuve.