J'ai retrouvé ma chambre le temps du week-end. Maman m'a même laissé faire la grasse matinée et m'a apporté un petit déjeuner sur un plateau. C'était extra, j'étais à nouveau heureux.
Mais toute bonne chose a une fin, le lundi est apparu avec le retour à l'école et celui du gorille dans ma chambre.
Mes copains me questionnent beaucoup sur notre invité. Mais je n'ai pas grand chose à dire car je ne l'ai pas encore revu. Des fois, j'entends un bruit comme si quelqu'un poussait un meuble ou il tousse durant quelques minutes et là, maman apparait en courant pour lui apporter à boire. Rien d'extraordinaire. Ce qui sera extraordinaire, c'est le jour où il repartira et je pourrai à nouveau avoir ma chambre.
Les jours passent et je commence a avoir un rythme. Papa m'a apporté des bouchons pour m'aider à dormir et une lampe de poche pour aller aux toilettes sans me faire surprendre par les jouets de Samuel. Les vacances de la Noël arrivant à grand pas, je vais pouvoir retrouver ma chambre pour moi de temps en temps m'a dit maman.
Le premier jour des vacances est là et comme une récompense, la neige est en train de tomber. Je l'ai sentie car aux premières lueurs du jour je me suis redressé comme un « i » dans mon lit. L'atmosphère de ma chambre est... je ne sais pas comment dire, mais je sens un changement dans l'air. Je me précipite hors de la chambre, et soudain je m'arrête net.
Au bout du couloir, devant la fenêtre, il y a une grande silhouette. Elle me tourne le dos et ne bouge pas. Il me faut un certain temps pour me rappeler qu'il s'agit de « Monsieur Poinsson ». Mon cœur bat la chamade, je n'entends que lui, j'ai l'impression qu'il fait un sacré boucan et que je vais me faire repérer. Malgré tout, je longe le mur sur la pointe des pieds et descends comme une fusée les escaliers pour me diriger vers la porte d'entrée. Je suis le premier debout, il n'y a aucune lumière d'allumée. Pourquoi Monsieur Poinsson est-il debout ? Il aurait senti la neige aussi ? Je secoue la tête pour chasser cette idée : c'est impossible, il n'y a que les enfants qui sentent la neige arriver.
Sûr de moi, j'ouvre la porte d'entrée et là, mon cœur se remet à battre la chamade. L'allée est recouverte d'un duvet blanc et de gros flocons tombent encore. Je suis surexcité, je suis partagé entre regarder la neige tomber ou me jeter tout entier dans le jardin.
Mais l'envie est trop grande,sans réfléchir je retire mes pantoufles et cours dans la neige. Je fais des roulades, des roues, des pas chassés. C'est merveilleux. Cette sensation de froid sous mes pieds me fait bondir comme si je marchais sur des braises.
Je fini couché dans la neige à faire le papillon en remuant mes bras tout en essayant de gober les gros flocons qui me tombent dessus. Le silence règne en maitre dans le jardin. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Il n'y a pas âme qui vive, juste moi. Je regarde la maison pour voir si quelqu'un d'autre s'est levé, mais il n'y a aucune lumière aux fenêtres. Sauf cette silhouette qui est toujours là. J'ai l'impression qu'il me regarde et même qu'il sourit.
Après quelques dernières roulades, je fini par rentrer trempé à la maison et j'entends l'horloge du salon qui sonne 7 heures. Peu de temps après, maman fait son apparition dans le salon.
Mais tu es nu comme un ver ? Tu n'as pas réussi à aller au toilette à temps ?Me dit-elle en ramassant mon pyjama trempé que j'ai abandonné au pied du canapé.
- Mais non dis-je vexé, je ne suis plus un bébé. J'ai couru dans la neige. Tu n'as pas vu qu'il neige ?
Elle parait surprise, regarde dehors et fait la moue.
- Mince, je dois emmener ce matin ton petit frère au pédiatre et avec toute cette neige ça va bouchonner sur la route. Bon, il faut que je le réveille plus tôt.
Sur ces mots, elle part s'affairer dans la cuisine, à l'étage puis à nouveau dans la cuisine. Maman vit à 200 à l'heure, ça n'a pas l'air commode d'être adulte. Je ne suis pas pressé de grandir. Moi je suis bien au chaud sous ma couette avec un chocolat chaud, devant un documentaire sur les rennes en Laponie. Ah, c'est vraiment chouette les vacances !
Maman apparait sur le pas de la porte:
- J'emmène Samuel, j'espère qu'on sera de retour rapidement. Sois gentil d'aller t'habiller avant qu'on ne rentre.
J'entends la porte d'entrée se fermer et la voiture démarrer puis plus rien... je me suis assoupi. Mais un bruit me réveille ou du moins une toux rauque se déplace à l'étage et commence à descendre. Notre invité est en ballade. Par prudence, j'éteins la télévision et me cache sous la couette. J'entends ses pas venir vers moi, je ne suis pas rassuré. Maman m'a laissé seul avec ce vieil inconnu. Soudain, plus de bruit. Ou est-il ? Je coupe ma respiration et attends.
-Bonjour
C'est lui. Il est dans le salon, il a compris que je suis sous la couette. Mince, que faire ? Sans sortir de ma cachette je réponds :
- Bonjour
-Dis moi, gentil fantôme, saurais-tu m'indiquer où trouver la pharmacie ? J'ai besoin d'un sparadrap. Mon pied a rencontré le fusil d'un soldat en plomb ce matin.
Je mets la main devant ma bouche pour ne pas rire et sors juste mon bras de la couette en direction du meuble où se trouve la trousse de secours.
J'entends ses pas en direction du meuble, le bruit de papier puis les pas s'éloignent. Soudain, il me dit encore:
- C'est fou cette histoire, j'ai été réveillé par la neige qui tombait. Je me suis précipité vers la fenêtre pour voir et j'en ai oublié mes pantoufles. C'est bête, c'est comme ça que je me suis blessé.
Surpris par ses paroles je sors prudemment ma tête de la couverture et le vois partir en boitant.
Ainsi donc, ce vieux monsieur a encore son âme d'enfant ? Seul les enfants peuvent sentir la neige. Est ce possible ? Pourtant, toutes les histoires disent le contraire. Il faut que j'en parle aux copains cette après-midi.
Maxence, mon copain depuis toujours, sait beaucoup de choses, c'est à lui que je vais poser la question.
L'après-midi, il neige beaucoup et maman ne veut pas qu'on sorte. D'après elle, nous allons être trempés comme des soupes avant d'arriver à la colline. C'est une petite bute qu'on appelle la colline des fous furieux. C'est ici qu'on fait nos expériences en skate, en roller et dernièrement en luge sur roulettes. On passe de bons moments avec les copains. La plupart, je les connais depuis la primaire, il y a juste deux nouveaux, c'est eux qui ont eu l'idée de la luge sur roulettes. Apparemment leur papa bricole bien, c'est pas comme le mien qui ne bricole pas souvent.
Je tourne en rond dans ma chambre, je vois cette belle couche épaisse blanche qui grandit dans notre jardin et je ne peux pas sortir.
Je suis la panthère noire coincée dans la savane. Des zoulous m'ont fait prisonnier. Je réfléchis à une occasion de m'enfuir : peut-être en grattant le sol, je pourrais faire un trou sous l'enclos en bambou. Je commence à gratter quand Samuel rentre en courant dans la chambre en criant :
-On peut sortir, on peut sortir...il tourne en rond comme un indien devant un feu qui fête une victoire. Mais quelle victoire ! Je n'attends pas longtemps avant de sauter dans ma combinaison de ski et de filer tel un éclair vers la sortie. Mais Maman me rattrape vite et me demande de prendre avec moi mon petit frère, l'abominable homme des neiges . Quelle galère, mais bon, c'est la condition pour pouvoir rejoindre les copains...
Il y a une nette amélioration avec ce chapitre beaucoup plus fluide que les précédents, il ne se passe toujours pas grand-chose mais au moins on sent une fraîcheur et je ne parle pas de la neige.