L’esprit d’Ema s’éclaircit peu à peu. Le froid de la neige sur son corps la réveilla. Elle en était entièrement recouverte. Elle tenta d’abord d’ouvrir les yeux, puis ne voyant qu’un épais voile blanc lui obstruer la vue, fut prise de panique. Elle eut un hoquet de stupeur en prenant conscience de la situation dans laquelle elle était, ce qui laissa la mousse blanche entrer dans sa bouche. Elle émergea alors des couches de neige qui s’étaient accumulées sur son corps inconscient. Elle recracha ce qui n’était devenu que de l’eau dans sa bouche et toussa à s’en déchirer les poumons. Elle respira un long moment pour réfléchir à ce qu’elle devait faire. Où était-elle ? Comment se faisait-il qu’elle était toute seule ? Et surtout que fuyait-elle ? Ema savait qu’elle voulait échapper à un danger, mais elle n’en connaissait pas la nature. Elle n’avait pour l’instant aucune réponse à ces questions, mais elle savait que cette montagne et ces tunnels lui inspiraient un sentiment d’effroi si fort qu’elle ne pensa même pas à cette option.
Son corps était rougi par le froid, et par le sang qui coulait çà et là sur ses bras et ses jambes découverts. Elle avait la chair à vif par endroits et chaque mouvement lui faisait un mal de chien. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, elle avançait toujours, titubant, laissant une traînée rouge vif dans la neige immaculée.
Ema s’enfonçait dans la forêt qui se trouvait au pied de la montagne de laquelle, par on ne sait quel moyen, elle était sortie. Une forêt de pins hauts auxquels le soleil couchant donnait des ombres terrifiantes. Les pensées d’Ema n’étaient pas claires. La douleur la fit halluciner : elle voyait les arbres la menacer là haut. Les pins se transformèrent en créatures diaboliques aux griffes acérées qui l’observaient avec appétit. Ces ombres se mouvaient de façon irrégulière, ondulant au gré du vent. Les pulsations dans son crâne s’intensifiaient. Elle avait l’impression que sa tête allait exploser. Sa respiration se fit de plus en plus saccadée. Son cœur battait à tout rompre. Elle courut comme elle le put malgré la pénombre et ses blessures qui lui donnaient l’impression qu’on lui planta des milliers d’aiguilles dans le corps à chaque pas. Plus elle avançait et plus il faisait sombre. Le soleil l’abandonnait, la laissant seule avec ses démons.
Que ce fut un signe du destin ou une chance inouïe, Ema vit au loin les lueurs orangées des torches d’une maison, qui en se rapprochant s’avéra être une petite cabane. Tant-pis, c’était sa seule chance d’échapper à ces monstres. Elle courut aussi vite que son corps le lui permettait pour atteindre la porte, manqua de s’écraser la tête la première en butant sur une racine, entra dans la cabane comme une tornade et claqua la porte derrière elle de toutes ses forces. Dos à la porte, elle haletait de fatigue. La faible lueur des quelques torches qui éclairaient l’extérieur laissait distinguer dans l’unique pièce un lit, un âtre et une cheminée, des formes sur les murs qu’Ema ne prit pas le temps d’inspecter. Le corps lourd et l’esprit saturé, elle se laissa couler sur le lit et perdit tout lien avec la réalité. Les monstres attendraient dehors.
Des maisons en feu, des cadavres jonchant le sol baignaient dans des mares de sang. Les cris et les pleurs de tout un village. Ema voyait tout le monde souffrir et mourir mais ne pleurait pas. Elle souffrait à l’intérieur mais rien ne sortait, pas de mots ni de larmes. Rien qu’un trou béant au milieu de la poitrine. Soudain, le sol se déroba sous ses pieds. Elle sentit son corps chuter sans pouvoir rien faire. Le vide l’emporta.
La petite fille se réveilla en sursaut. Son cœur battait à tout rompre, alors qu'elle était simplement allongée dans un lit. Les draps et l'oreiller étaient couverts de sueur, tout comme ses vêtements. Elle repensa à la chute. Était-ce réel ? Cet étrange rêve l'empêcha, avant quelques minutes, de se rendre compte qu'elle ne connaissait pas l'endroit où elle se trouvait.
La pièce n'avait presque rien d'extraordinaire : un lit, dans lequel Ema avait dormi et qui était beaucoup trop grand pour elle. Elle se demanda si elle n'était pas dans la maison d'un géant. Un arc, une hache, et une tête de cerf empaillée étaient accrochés sur le mur. Elle détourna le regard aussitôt qu'elle croisa le regard livide du cerf : le fait de regarder un animal mort lui donnait la nausée. Son épée était posée près du lit. Elle la regarda un moment. Décidément, cette pièce était très étrange. Il y avait des armes partout !
Une bonne odeur de viande se promenait dans la pièce. Elle provenait de l'âtre qui se trouvait face au lit. Ema se leva d'un bond lorsqu'elle vit les poissons qui grillaient au-dessus des flammes. Elle adorait cette odeur ! En se levant, une brise glacée vint gifler ses mollets et ses bras nus avec cette robe légère qu'elle portait. Elle retourna dans le lit aussi vite qu'elle en était sortie, puis décida quelques minutes après s'être réchauffée d'aller près de la cheminée en s'enroulant dans une couverture. On aurait cru une petite asperge sur pattes. Elle ne pouvait plus attendre, son ventre criait famine !
Près de l'âtre, l'air était beaucoup plus chaud. Ema attrapa un poisson encore brûlant et l'engloutit en trois bouchées. La chaleur du poisson dans sa gorge était tellement agréable. Elle fit de même avec les deux autres et manqua de s'étouffer tant la faim lui faisait oublier de mâcher. Elle but de l'eau et recommença de plus belle. Depuis combien de temps n'avait-elle pas mangé ? Elle ne le savait pas, mais elle se sentait bien ici, au chaud avec de la nourriture.
Trop occupée à essayer de calmer sa faim, Ema oublia qu'elle était seule dans un endroit qu'elle ne connaissait pas. Des pas s'approchaient tranquillement de la cabane. Ema n'entendait rien : toute son attention était portée sur la nourriture. Une main velue fit tourner la poignée. Le son de la porte qui s'ouvrait la fit sursauter. Sur quoi allait-elle s'ouvrir ? Un ogre qui la ferait bouillir en soupe ? Une sorcière qui la transformerait en crapaud ? Ou peut-être était-ce simplement un courant d'air ?
La porte s'ouvrit sur une gigantesque fourrure blanche rougie de sang. Tout en haut se trouvait un visage. Un visage très poilu, aux cheveux blonds sales et trempés qui lui donnaient un air terrifiant. Ema se trouvait face à un homme à la stature imposante. Il traînait un cadavre d'animal derrière lui. Elle fut tétanisée. Elle ne pourrait rien faire face à cette montagne de poils. Il la regarda un moment, perplexe, ne sachant pas ce que faisait une petite fille chez lui. Il avait pour habitude de dépouiller et de tuer les voyageurs qui s'aventuraient trop loin dans la forêt. Cette petite fille n’avait pas l’air de savoir ce qu’elle faisait là. Son œil fut attiré par un gros objet près du lit. Il essaya de contenir au mieux sa surprise lorsqu’il vit l’objet. Que faisait-elle avec une telle arme en sa possession ? Il n’en savait rien, mais n’allait sûrement pas manquer l’occasion de se faire énormément d’argent en vendant son épée une fortune ! Ema, elle, était devant cette bête, paralysée par la peur.
Ce chapitre m'a fait penser à une sorte de version sombre de Boucle d'Or x) et c'est un compliment ! J'aime les descriptions des décors, très visuelles, quoique je pense qu'elles pourraient être encore meilleures si tu les utilisais pour montrer les sensations d'Emma au lieu de les dire. L'ambiance est bien plantée cela dit, et même si parfois les phrases paraissent un peu abruptes (ex: "Elle avait la chair à vif par endroits et chaque mouvement lui faisait un mal de chien. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, elle avançait toujours, titubant, laissant une traînée rouge vif dans la neige immaculée." C'est super, mais la lecture serait plus fluide si tu passais plus de temps sur cette scène, avec plus de descriptions etc), ça reste très agréable. Hâte de lire la suite !
À bientôt :)
Qui est ce rustre qui n’en est peut-être pas un ( façon Geralt de riv et Ciri ?)
La progression est naturelle
Quelques erreurs de forme qui se corrigent facilement
Exemple de répétition : corps « Son corps émergea alors des couches de neige qui s’étaient accumulées sur son corps inconscient. »
Je continue
• "La douleur la fit halluciner : elle voyait les arbres la menacer là haut" : "elle voyait les arbres la menacer, là-haut" ?
• "un lit,dans lequel Ema avait dormi" : petit espace manquant après la virgule.
Encore une fois je me suis plongée sans difficulté dans ton univers. J'ai un sentiment de simplicité et d'évidence quand je te lis, j'accroche complètement aux ressentis d'Ema.
Les descriptions des personnages me font imaginer qu'ils sont bien plus que ce qu'ils n'en ont l'air et j'aime beaucoup!
C'est parti pour le prochain chapitre, à très vite!