Montmagny, Capitale de l’oie blanche.

Par Erioux
  • Fuck You Saint-Michel! Cri Nicolas, le buste hors de l’auto.
  • Ferme-là Nico, j’ai besoin de me concentrer sur la route.
  • Oui Maitre, répond Nicolas.
  • Ta gueule, tu fais vraiment chier, tu n’es jamais capable de te la fermer sans avoir le dernier mot, peste P-O.
  • C’est toi qui fais chier, pendant que tu te tapais ta princesse, nous on était enfermés dans le donjon ! Donc : Fuck You Pierrot, riposte Nicolas.
  • Les gars, on ne va pas se chicaner pour ça, on s’en est sorti. On est sur la route, dans notre voiture, en direction de Montmagny comme prévu, intervient Étienne.
  • Qu’est-ce qu’il ne va pas avec toi papa ? Tu sembles complètement déconnecté de la réalité ? Remarque Nicolas.
  • Au contraire… mais pour la première fois depuis longtemps, je suis heureux et je me sens vivant. J’affronte ma vie au lieu d’attendre ma mort. Et en prime, je le fais avec mes deux garçons, ma petite fille et ma belle Nancy…
  • T’es fucké.

Depuis quelques minutes, ils ont rejoint l’autoroute 20. Les phares de la voiture esquissent les contours d’une voie cahoteuse, personne n’ose plus parler, l’ambiance est morose, il n’y a plus que ce tunnel lumineux au milieu de l’espace noir.

  • Tu t’inquiètes pour cette fille ? Elle te plait ? Questionne Etienne.
  • Oui, vraiment… Elle me fait penser à mon ex sur stéroïde, répond P-O.
  • Tu veux en discuter ?
  • Non pas maintenant… Gaïa nous écoute… tu comprends ?
  • Bon, il semble que ça ne pogne pas les conversations… Il n’y a pas un lecteur CD dans ta voiture ?
  • Oui, dans la boite à gants, pourquoi ?
  • Regarde ce que j’ai trouvé dans la crypte…

Étienne présente à P-O une série d’albums, toujours sous cello ; Aznavour, Samanta Fox, Bob Marley, les Cowboys Fringants et Hervé Villard, la playlist risque de faire fureur.

  • On débute par quoi ? demande Étienne.
  • C’est qui ça Hervé Villard ? Ça l’air quétaine !
  • Parfait, on commence par ça, rigole Étienne.

Il déchire l’emballage avec ses dents, ouvre le boitier et insert le disque dans le lecteur.

« Tiens, quel beau matin ! On dirait bien que le beau temps revient.

Tiens, un magicien qui me revient de loin… La Vie est belle, le monde est beau… »

Dès les premiers accords, toute la famille a levé la tête, électro choquée par la guitare ringarde. P— O, complice, regarde sa petite Gaïa qui éclate de rire, Nico pouffe en vagant des épaules comme un danseur disco. Les succès rétro se succèdent : Les Paradis perdus, D’Aventure en Aventure, Reviens, Capri c’est fini, les oiseaux ont quitté la terre…

  • OK celle-là elle est vraiment déprimante, convient Étienne. On change d’album ?

C’est Samantha Fox qui prend la relève de la ringardise. En entendant les gémissements et les « Touch Me » explicitent, Nicolas ne peut s’empêcher de titiller P-O en se frottant contre la banquette.

  • T’es con. Tu es jaloux en fait, avoues que tu aurais aimé être à ma place, taquine P-O.
  • Regardez, c’est la pancarte qui annonce Montmagny, remarque Étienne.

La musique ne fait pas qu’adoucir les mœurs, elle accélère le temps aussi. À ce rythme ils pourraient atteindre Trois-Pistoles avant la fin de la nuit. La voiture s’est transformée en véritable discothèque ; Étienne joue du tam-tam sur le tableau de bord, Nico fausse à tue-tête, Gaïa qui a sorti la moitié de son corps par le toit ouvrant danse les cheveux dans le vent. Brusquement, la petite vigie se laisse retomber sur le banc. « iiiiiiil n’y a plus de route ! » P— O qui réalise l’impensable freine à fond, Gaïa est projetée contre le parebrise, la boite de nuit roulante a évité de justesse le grand saut.

Tout le monde sort de la voiture, stupéfaits : un impressionnant glissement de terrain a emporté la Transcanadienne, les bâtiments, les champs, la forêt. Une énorme bouchée de géant mutilant le paysage.

Matin du 10 mai 2038, Montmagny est victime de la pire inondation de son histoire. Une tempête parfaite. Des pluies diluviennes, une marée de 6,3 mètres, des vents tragiquement alignés ; les rivières du Sud et Saint-Nicolas débordent de leur lit et submergent plus de 50 % de la municipalité. Sept-mille habitants se réveillent sans toits, les routes sont dévastées, le système public est anéanti. Au Québec on déclare l’état d’urgence. Sur la cinquantaine de villes et de villages touchée par la catastrophe, vingt doivent être évacués en urgence. Les victimes sont relocalisées dans des RCLD, des Refuges climatiques longue durée bâtis quelques années plus tôt en réponse aux instabilités de mère Nature. Montmagny, c’est fini.

  • Merde, je ne m’attendais pas à ça, avoue Étienne.
  • Moi non plus. On monte le camp, annonce P-O.
  • Ici ? Au milieu du chemin ? Et les hommes du Laitier ? Demande Nicolas.
  • Le terrain autour est marécageux, il fait vraiment trop noir, je ne me risque pas dans ce cratère boueux cette nuit. Tu as une meilleure idée ?
  • C’est quoi toutes ces voix que l’on entend en bas ? interromps Gaïa.

Les obstinations stoppent net. Par-delà les phares de la voiture, s’élève une vague de plaintes nasardes et claironnantes, certaines criailleries, descendant du ciel, déclenchent des exclamations désordonnées ; ça cacarde et ça cagnarde bruyamment. 

  • C’est le cri des oies blanches ma crevette, elles doivent être des milliers, devine P-O

À la suite de la tempête de grêlons, la température a chuté de quinze degrés. On retrouve les tentes dans le foutoir, seulement trois duvets ont été embarqués ; P-O et Nicolas devront se contenter de couverture de survie en aluminium.

  • Voilà ton Actimint Gaïa, tu as bien fait pipi avant de te coucher ? La nuit va être froide, il ne faut rien garder dans la vessie, avertit P-O.
  • Oui, c’est fait… Je peux courir donner un bisou à grand-maman ? J’ai oublié.
  • Allé, fait vite, ça va nous laisser un peu de temps avant que ton Grand-Papa se mette à ronfler.

Gaïa sort de sa tente et se glisse sous le portique de toile de ses grands-parents.

  • Ah c’est toi Gaïa, essuie-toi bien les pieds avant d’entrer.
  • Je suis venu donner un bec à Nancy et te souhaiter bonne nuit.
  • C’est gentil, bonne nuit ma petite pirate, la journée n’a pas été facile, demain sera mieux, promet Étienne.

La fillette se blottie contre sa grand-mère et lui chuchote à l’oreille : « Grand-Maman, je sais que tu m’entends et que tu es réveillé. Je suis venu te donner quelque chose ». Elle embrasse Nancy sur la joue et rejoint sa tente.

Coucher dans un sac de chips c’est froid et inconfortable, en plus, c’est bruyant. Toutes les deux minutes, son frère se retourne de bord, le froissement d’aluminium est insupportable, il n’en peut plus, une vraie torture. Il dormirait mieux dans sa voiture, la banquette baissée. En sortant la tête de la tente, P-O capte un son lointain : camouflé entre les cris de bernaches, un bourdonnement de moteur, le grondement d’un motocross chargeant vers le campement.

  • Réveillez-vous, vite ! Cri P-O. Le Laitier et sa troupe, ils arrivent.

Tout le monde trébuche à moitié endormi hors des abris, Étienne barricade Nancy et Gaïa dans la Volkswagen, Nicolas se risque dans le sous-bois bourbeux pour trouver une massue, P-O attend les poings fermés.

Broum, broum, le motard s’est arrêté à une dizaine de mètres, les DEL éblouissant de sa bécane pointée sur la famille.

  • J’ai changé d’idée Poupette.
  • Margo! Se réjouit P-O.

Nicolas sort du bosquet, imbibé de boue. Il n’est pas aussi enthousiaste que son frère, cette fille-là va leur apporter un paquet de problèmes.

  • Je me doutais que j’allais vous trouver ici. C’est impossible de passer par la 20.
  • Si tu savais où nous trouver, ton mari peut nous retrouver aussi, s’inquiète Étienne.
  • Bien vu l’ancêtre, il faut remballer vos tentes au plus vite, je vais vous guider, propose Margo.
  • Il s’appelle Étienne, se fâche Nicolas. Si tu commences à nous faire chier, ne pense pas nous accompagner.
  • C’est bon, si vous n’avez pas besoin de moi… 
  • Margo, on a besoin de toi, tu es la bienvenue pour le moment. T’as visé juste, je suis l’ancêtre de ma petite famille. Je te présente mes gars Nicolas et Pierre-Olivier, que tu connais déjà… Les filles : Gaïa et Nancy, ma femme. On empaquette et on te suit.

Ils rebroussent chemin de quelques kilomètres et empruntent une bretelle envahie par les herbes. Les phares de la moto éclairent leur route vers un accès secondaire, plus praticable. Les obstacles s’enchainent : un arbre mort en travers de la piste, une coulée de vase qui les retient une heure. Les hommes s’acharnent avec des pelles improvisées pendant que Margo fait le guet, le cœur battant. À chaque bruit, elle sursaute, s’attendant à voir surgir de la noirceur le Laitier et ses sbires. Mais les heures défilent, et personne ne se pointe. 

À l’aube, ils n’ont même pas passé Montmagny ; la complainte des oies blanches se déforme en ricanements inquiétants. Une brume épaisse s’est installée avec le soleil levant, transformant la ville fantôme en paysage spectral. La moto de Margo n’est plus qu’une ombre vacillante devant la Volkswagen, un esprit dansant dans le brouillard laiteux.

  • Il faut s’arrêter, on ne voit pas à trois mètres, dit Étienne. Attendons que ça se dissipe.
  • Bonne idée, consent P-O en Klaxonnante pour avertir la guide.

Ils trouvent refuge dans un parc englouti par la blancheur. La famille s’installe pour dormir, on distribue les oreillers : Gaïa et Étienne héritent des duvets confortables, Nicolas, d’un manteau chiffonné et P-O se rabat sur une pochette bourrée d’objet à la mollesse variable. Pendant que les Rioux font leur sieste, Margo reste éveillée, adossée à sa moto dont la chaleur s’éteint doucement. Le froid s’infiltre sous sa veste, mais ce n’est pas lui qui la fait trembler. Entre le grondement lointain d’une chute d’eau et les jérémiades des oies, elle tend l’oreille, à l’affut d’un son redouté.

Il arrive. D’abord ténu, puis de plus en plus distinct.

Les pétarades et l’écho hurlant des moteurs résonnent. Ils sont là. « Retrouvez cette chienne! » Il est là. Le Laitier. En entendant sa voix, elle a d’abord eu envie de vomir, puis elle a imaginé son corps massif écrasant la petite moto, et un rire nerveux lui a échappé. Même dans sa traque, il reste ridicule.

Depuis une heure, les motards multiplient les passages, une battue rate de peu les fugitifs. Caché par le blanc, Margo retient son souffle en espérant que le couvert vaporeux ne se dissout pas trop tôt. Les vrombissements s’éloignent et se dissipent, cette fois, ils ont eu de la chance.

Le soleil est bon derrière la brumaille. Margo jette un œil par une fenêtre de la voiture : ça roupille là-dedans, P-O dort la bouche béante, Nicolas a le cou cassé et la morve au nez. C’est le moment de prouver sa valeur, elle ramasse du bois de grève et des brindilles, dresse un feu et l’allume. Le bruit de succion d’un coffre qui s’ouvre réveille Nicolas.

  • Qu’est-ce que tu fais ? Tu essayes de nous voler, c’est ça ?
  • Relaxe champion et ferme tes petits yeux, je cherche juste de quoi préparer le repas, se défend Margo.
  • Je peux t’aider, s’excite Gaïa en rebondissant de derrière la banquette comme une marmotte dans un jeu d’arcade.

La fillette n’est pas subtile, les bagages déboulent, les chaudrons tintent, les gamelles se disloquent au sol : le réveil a sonné. Sur la braise, le café infuse tandis que sur les berges, la brume se diffuse. Un déferlement vivant et bruyant de dizaines de milliers d’oies des neiges anime la voute du ciel, le dessin ondulatoire de leurs vols est surréaliste, tout le monde regarde la musique se poser sur les battures.  

  • Je n’en ai jamais vu autant, s’exclame Étienne. C’est magnifique.
  • En plus, le café est super bon, merci Margo, roucoule P-O.
  • Et merci, Gaïa, ajoute Nicolas.
  • Papa, je peux courir pour faire fuir les oiseaux ? Demande la fillette.
  • Euh…
  • Oui, pourquoi pas ? Nico et moi on va t’accompagner… pas vrai Nicolas ? insiste Étienne en lui donnant un coup de coude.
  • Youpi ! Je vais encore me salir les pieds, ironise Nicolas.

P-O fixe Margo qui regarde le trio dévaler les rochers pour atteindre la plage. Elle est belle et ses grands yeux tristes scintillent de larmes.

  • Pourquoi tu es revenue ?
  • Pas pour toi, fais-toi s’en pas, sourit Margo.
  • Je m’en doute bien… Tu as des enfants ? Ose P-O.
  • Oui, une petite fille… Mimi. Tu dois me trouver pathétique.
  • Pourquoi ?
  • Je voulais foutre une balle dans la tête de mon mari, tu sais…
  • C’est Mimi qui t’a fait changer d’idée ? Demande P-O.
  • J’ai toujours été merdique comme mère… je n’allais pas en plus bouleverser sa vie, elle a deux super mamans et dix frères et sœurs ; assassiner Louis aurait plongé Saint-Michel dans le chaos.
  • Elle va surement s’ennuyer de toi, encourage P-O.
  • Oubli ça, je ne suis qu’une incapable qui a délégué son rôle de parent depuis trop longtemps. Foutu vent, excuse-moi, j’ai un grain de sable dans l’œil.
  • Oh, tu dois en avoir toute une poignée avec les larmes qui coulent sur tes joues, je t’apporte un truc pour te moucher.

Certaines expériences s’incrustent profondément dans notre cervelle, des genres de photographies multisensorielles, captées lors de moments euphoriques, des bribes de bonheur transcendant toute notre existence. Gaïa, les bras en l’air, éclabousse et hurle de joie, le sol recouvert d’oies blanches se démantèle, s’élève en mur tapageur, roule comme une terrible vague volatile ; ça y est, c’est tout le ciel qui leur tombe sur la tête en tambourinant des ailes et en poussant des cris d’alarme puissants. Elle s’affale sur le dos, emportée par l’émotion et les oiseaux. Lorsqu’elle sera grand-mère à son tour, elle promet de se souvenir de cet instant magique.

La météo étant parfaite, on laisse la petite s’amuser toute la matinée dans le bourrelet de plastique qui délimite la plage ; les contenants de margarine se transforment en bateaux, les applicateurs de tampons en trésors multicolores, les bouteilles en jambe de bois ou en longue-vue selon la forme.

À partir des années 1980, de cinq à treize millions de tonnes de plastiques se retrouvent annuellement dans les océans, en 2025, c’est cent cinquante millions de tonnes qui flottaient et s’accumulaient en immenses continents de déchets. Les initiatives antiplastiques et les tentatives de recyclage ont été veines, la biomasse a chuté, asphyxiée par les rejets incontrôlés de la mondialisation. Dans le fleuve Saint-Laurent, les bélougas se font rares et les rorquals ne remontent plus au-delà de Matane. Curieusement, la prolifération des algues, les champs laissés en friche et l’absence de vie humaine a avantagé la propagation de l’Anser caerulescens : l’oie des neiges est la reine de Montmagny.

Pan ! Pan, pan ! Des coups de feu viennent perturber la colonie et la famille en vacances.

  • Gaïa, remonte à la voiture ! cri P-O. Allez, grouille-toi on s’en va.

La petite abandonne ses jouets recyclés et regagne le camp en escaladant les rochers. Pan ! Pan ! Une nouvelle rafale active le convoi qui se met en route. Avant de penser quitter Montmagny, on doit absolument franchir la rivière du Sud. Au centre du pont, une femme, imperméable kaki, bottes de caoutchouc aux genoux, carabine cassée au coude, s’étonne de voir arriver les voyageurs. Sur son épaule pendouille le bouquet d’outardes abattues lors de sa chasse. Méfiante elle crinque son arme et s’approche de Margo en lui barrant le passage.

  • Eh Margo Metallic… On s’est fait réveiller par les motos de ton mari qui ont fait tout un boucan ce matin, ils semblaient chercher quelqu’un… expose la chasseuse perspicace.
  • Manon Casse-pieds, je ne suis pas au courant, probablement une Brebis égarée, répond Margo. Laisse-moi traverser, j’ai toute une famille à livrer à La Pocatière… là-bas ils manquent de bras.  
  • Le Laitier a parlé à mon homme, ne gaspille pas ta salive en menteries. Pourquoi je te ferais passer ?
  • Écoute-moi Manon, je ne suis pas du style à pleurnicher ou à supplier, mais il y a une petite fille dans cette voiture… Dans cinq ans, elle sera la Xième femelle du Laitier ou pire… S’il te plait, ne m’oblige pas à devenir méchante, tasse-toi et laisse-nous poursuivre notre chemin, menace Margo.
  • Tu sais que tous ceux qui passent ce pont finissent par tomber entre les griffes du Loup ? Qu’est-ce que tu as à m’échanger ?
  • Tu as des cartouches ? Je t’en donne une poignée contre du café.
  • Un bon café noir contre de la poudre noire ? Affaire conclue ! Accepte la chasseuse.

Ça roule et en avant la musique. Aznavour chante ses classiques : Hier encore, Emmenez-moi, La bohème, il y a de quoi faire une dépression, mais tout le monde trouve ça bon. Gaïa se laisse prendre au jeu de la nostalgie d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. Elle sifflote, le museau contre le cou de sa grand-maman. Elle sent la vieille pomme… elle adore son odeur.

  • Si je me concentre sur les paroles, je dirais que ça l’a été écrit il y a mille ans…ça m’apparaissait déjà ancestral lorsque j’avais vingt ans. Quand je regarde dehors, on est loin des lilas en fleurs, remarque Étienne.
  • Ouin ça ressemble plus à une montagne de marde qu’à Montmartre. Si ta génération n’avait pas tout fait péter ça l’aurait été pas pire aussi, accuse P-O
  • Euh… Ce sont les Baby-Boomers qui se sont servis les premiers, de défend Étienne.
  • Ça ne vous a pas empêché de vous verser une énorme portion.
  • Attend, et vous les Milléniaux ? Vous étiez pas mal bon pour chialer la bouche pleine, critique Étienne.
  • C’est la faute de personne, intervient Nicolas. Moi quand on me présente une grosse assiette d’agneau, je me bourre la face, je ne me remplis pas les poches en prévision du lendemain… j’aurais peut-être dû.

L’espèce humaine a prospéré grâce à sa gestion des ressources, de la nourriture et de l’eau. Au fil de son histoire sa population a augmenté : un million d’individus à l’époque des Cro-Magnon, 20 millions à l’âge du bronze, 500 millions lorsque Colomb à découvert l’Amérique, un milliard au siècle des Lumières, 2,5 milliards pendant que Neil Armstrong marchait sur la Lune. En 2025 le peuple mondial a gonflé à 8 milliards. Le chaudron a débordé, les ressources ont fini par manquer, les mers ont été vidées de leurs poissons, l’eau potable s’est raréfiée, l’agriculture intensive et excessive s’est écroulée. En 2045, la démographie est en chute libre en même temps que la civilisation.

  • Bon, je nous mets un peu de Bob Marley, ça va ajouter un peu de soleil dans nos vies, annonce Étienne le DJ déprimé.

Gaïa ne se sent pas bien, elle est plaquée et souffre de nausées.

  • Je dois vomir, avertit-elle.
  • Quoi ? Maintenant ? Tiens bon, j’arrête ici.

Trop tard, une colonne de dégueulis éclabousse la banquette, une seconde remplit les porte-verres, la troisième se déverse entre le marchepied et la chaussée. La petite est bouillante et se plaint d’atroces migraines.

  • C’est une insolation, diagnostique P-O. J’aurais dû lui interdire de jouer si longtemps sur la plage. Ce n’est pas son premier coup de chaleur, elle est devenue fragile.
  • Voyons, elle était si heureuse. Qu’est-ce que tu fais dans ce temps-là ? Demande Étienne.
  • Il faut lui donner beaucoup d’eau et trouver un moyen de faire tomber cette foutue température.
  • Nous pourrions la plonger dans le fleuve, propose Nicolas.

Bonne idée Nico, quelqu’un sait où nous sommes rendus?

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez