Morte

Ses mains tremblaient. Ses mains avaient froid. Ses mains commençaient à être d’un teint blanc, mais surtout, ses mains étaient recouvertes de sang. Elles étaient recouvertes de la vie qui avait quitté le corps de Flora. Le pire c’est que, même dans cet état, couvertes de cicatrices et les yeux vides, il la trouvait magnifique. Aucun mot n’existait pour décrire sa beauté. Ses cheveux et sa légère robe flottaient dans le vent. Elle n’avait pas crié, elle n’avait pas gémit, elle avait tout simplement été forte, elle avait accepté son sort comme si cela était normal. Connor aimerait avoir sa force mais il ne l’avait pas. Cela faisait des minutes entières, peut-être même des heures, que les gouttes d’eau de son corps pleuvaient sur le corps mort. Une pensée rapide avait surgi dans sa tête un peu plus tôt, mais n’avait point survécu. Il s’était dit qu’il était un homme et que pleurer était une honte, mais rien à faire, les larmes continuaient de rougir ses yeux à mesure qu’elles tombaient. Le rouge présent sur ses mains peignait également le sol glacial qui, à l’aube, était encore blanc. Aucun nuage et un soleil blanchâtre accompagnait Connor. Il aurait préféré une pluie incessante et des vents meurtriers. Ils auraient été les compagnons parfait de l’humeur d’enterrement, c’était le cas de le dire, du jeune homme. Ce temps était une preuve de plus que la nature était impitoyable. Un ange venait de s’endormir pour la dernière fois et ce monstre osait placer un soleil d’été en plein hiver pour accompagner cette scène ! 

Connor essuya ses mains sur ses pantalons entre deux sanglots avant de poser sa tête sur le cœur, littéralement le cœur, de Flora. Sa poitrine ouverte commençait à empester, mais il s’en fichait, il ne voulait pas la quitter. La douleur pour en arriver là avait dû  être un supplice sans précédent pour sa bien aimée. Malgré cela, une sorte de sourire maquillait son visage inanimé. Sur ses belles et douces lèvres, Connor vint déposer les siennes en scandant pour la millième fois qu’il était désolé. En se redressant, Connor enlaça une autre fois la belle Flora en implorant son pardon qui ne vint évidemment pas. Les bras mous du cadavre furent pris par le guerrier qui glissa ses doigts dans les siens. Des mains si belles, si délicates, si attentionnées, si généreuses ne méritaient en aucun cas une telle atrocité. Il ne voulait pas la quitter. Sa robe brodée, c’est lui qui la lui avait offerte. Lors de ce jour, Flora lui avait sauté dans les bras en chantant ce doux son que d’autres auraient qualifié de rire. La dague maintenant au sol, c’était la sienne, elle l’avait forgée avec l’aide de Connor. Elle s’était vanté pendant des jours de cet exploit. Les autres femmes l’avaient regardé d’un mauvais œil. Une femme armée !? Quelle était donc ce démon !? Pourtant, à cette période aussi, Flora avait été forte. Elle n’avait pas laissé ces commentaires l’atteindre. Les sapins aux alentours, elle les avait observés comme l’aurait fait un enfant la veille. C’était à ce moment qu’ils s’étaient assis pour observer le coucher de soleil et qu’après un temps, Connor lui avait dit ce qu’elle aussi avait sur les lèvres depuis plusieurs minutes. « Je t’aime ». Ces deux mots avaient chatouillé ses oreilles, mais ne seront plus que des souvenirs à présent. En pensant à cette dernière phrase, le jeune homme déversa encore plus de larme qu’une mer aurait put en être rempli. Elles étaient tellement souffrantes que Connor aurait adoré pleurer des lames à la place. Des lames de toutes sortes. Autant des petites de couteaux que des grandes bien taillées d’épées. Avec un peu de chance, celles-ci auraient stoppé ses chakras et Connor aurait pu aller danser avec Flora dans l’outre monde pour l’éternité. 

Une fois la mer déversée sur le cadavre, le guerrier tenta de se relever mais en vain. Ses jambes fléchirent. En retombant sur le torse de son ancienne compagne, il distingua le pendentif qui pendait toujours autour de son cou. CE FICHU PENDENTIF. CE DÉBILE COLLIER. CETTE FOUTU CHAÎNE! Le monstre ne le lui avait même pas dérobé. Le désir de jeter ce collier maudit parcourut l’entièreté du corps de Connor mais celui-ci ne parvint qu’à bouger un bras. Le bras se promena pour aller se loger dans un endroit qu’il connaissait bien, la somptueuse chevelure de Flora. De belles boucles châtaines qui, en pagaille et désordonnées comme les soldats plus tôt et comme les pensées de leur chef raté en ce moment, brillaient au soleil. La première fois que Connor avait plongé ses doigts dans cet environnement, il avait dû se retenir de rire, celui-ci étant de nature chatouilleuse. Aujourd’hui, ses rires, il ne les cachait pas. Le jeune homme ne comprenait même pas pourquoi cette chose venait faire vibrer son torse violemment pour se mélanger aux larmes. Une seule chose était sûre dans sa tête à cet instant précis. Il ne voulait pas la quitter. Flora était tout ce qu’il avait. Ce qui se passait était impossible «  il faut se réveiller maintenant » songea-t-il en tentant de se frapper le crâne en vain. Connor se sentait pitoyable, il avait l’impression que même Flora pourrait se réveiller pour le lui dire. Le vent se leva et se chargea de le faire . Qui sait, peut-être même que c’était Flora elle-même!? Mais non, elle n’était pas ainsi, avec toutes les années vécues avec elle, Connor avait appris à la connaître. Au début, sa personnalité l’avait même surpris. Aucune méchanceté ne semblait avoir réussi à pénétrer son être. La rancune, la jalousie, la cruauté et la supériorité étaient des sentiments qui la fuyaient comme la peste. Elle était forte. Il ne voulait pas la quitter, mais il devait être un homme. Elle était forte. Il ne voulait pas la quitter, mais il ne devait plus être pitoyable. Elle était forte. Il était fort. Il mit un pied à terre avec étonnement, mais conviction et lentement, mais sûrement le second suivit. Connor avait réussi à se lever. Toujours les larmes aux yeux, mais il était debout. Le plus dur restait cependant à venir. Elle était forte. Il était fort. Il fit plier son corps afin de récupérer le cadavre. Celui-ci sembla peser plus d’une tonne, mais Connor parvint tout de même à prendre ce qui restait de Flora dans ses bras. Elle était forte. Il sera fort. Le jeune homme fit un pas vers l’avant, puis un autre, puis un autre, puis un autre. En enjambant les autres cadavres et les épées carbonisées, le guerrier progressait avec son ange auprès de lui. Il ne voulait pas la quitter et elle ne le quittera pas. Au loin, la plaine s’arrêtait et donnait place à une épaisse forêt. Connor devait pourtant la parcourir s’il voulait accomplir son nouveau but. S’il voulait enterrer Flora là où sa mère aurait voulu qu’elle le soit...

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Lyna
Posté le 24/04/2025
Un texte bouleversant, empreint d’amour et de douleur, où chaque mot vibre d’émotion brute. La mort de Flora étant montré dès le début donne envie de continuer à lire pour découvrir ce qui lui est arrivé.
Antoine Gasseau
Posté le 26/04/2025
Merci, cette curiosité envers la mort de Flora était absolument le sentiment que je voulait faire ressentir au lecteur! Je suis content que ta lecture se soit passé ainsi !
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