Je suis un anonyme, un serf, un vagabond
Et un désespéré, desséché sous la Lune.
La grande caravane avance en titubant
Au clair de l’astre blanc qui a terni les dunes ;
Tout ici me semble or sous un ciel de charbon.
D’un seul pas nous marchons vers l’est, cherchant fortune
Dans un pays lointain, l’Histoire pour turban.
Je suis Müsharinen, le moins grand, le moins sage
De tous ceux qui quittèrent Albezin au solstice.
Nous sommes les premiers, les aventuriers,
A franchir ce désert que la bise ratisse ;
Nous avons des seigneurs, des guerriers, des mages,
Des paysans curieux et des fées protectrices,
Des commerçants, des musiciens, des cavaliers,
Des artisans doués, des hommes au front d’acier…
C’est un flot à l’assaut des moindres interstices.
Je suis un encordeur, et un porteur de lampe.
Le jour je cours partout sous le soleil de plomb,
Attachant les chevaux, les tigres et les gourdes,
Retenant le convoi qui grouille avec aplomb.
Le soir j’allume, à bout de bras, pour ceux qui campent,
Un soleil orangé au creux d’un fer oblong.
Cette lueur m’endort, perdu dans la nuit sourde,
Alors que fuit encore le funeste horizon.
Je suis seul, j’ai quitté mes sœurs et ma maison,
J’ai prié Gdalain, abandonnant Cézène
Car après le désert je n’ai plus de foyer.
Notre humble caravane a pour seul capitaine
La fille du Rajat qui échappe au poison ;
Nous tous ici sommes d’orphelins spécimens
Mais nos mains bâtiront de somptueux palais.
Des castels, des sérails à faire rougir les reines,
Des tours, des sémaphores se riant des sirènes,
Des temples bigarrés à toute frondaison,
Des cités, des tourelles de corail incrustées,
Tout un monde nouveau : telle est notre ambition.
Et moi qui, pour l’instant, rêve dans mon carnet,
J’érigerai aussi cette révolution.
Ta plume n'a rien perdu de sa qualité. Quel joli texte ! J'ai passé un très bon moment. Je le trouve plein d'intensité, on sent vraiment la détermination du narrateur à découvrir, créer de nouvelles choses. On est transporte et on voyage avec lui.
Mes remarques au fil de la lecture :
"Nous tous ici sommes d’orphelins spécimens Mais nos mains bâtiront de somptueux palais." joli passage !
"Des castels, des sérails à faire rougir les reines, Des tours, des sémaphores se riant des sirènes," j'aime beaucoup !
"Des cités, des tourelles de corail incrustées, Tout un monde nouveau : telle est notre ambition. Et moi qui, pour l’instant, rêve dans mon carnet, J’érigerai aussi cette révolution." très stylé la chute !
Un plaisir d'avoir retrouvé ton univers et ta plume,
A bientôt j'espère !
J'ai un peu sous-estimé la charge de travail de ma dernière année d'études donc ça n'avance clairement pas aussi vite que j'espérais, mais promis je suis en train de travailler sur la suite de Müsharinen et sur un petit conte pour alterner. Promis ça sort avant cet été !