Cinq, c’était le nombre de boules de neige que Connor venait de recevoir sur le dos. C’était fou! Son amie de toujours, Flora, avait osé s’allier avec Dolter et ses trois fils. Leurs petits rires retentissaient encore au loin alors que Connor préparait ses munitions. Ils allaient voir de quoi était capable le grand chevalier Connor! Dès que les boules furent prêtes, le jeune homme sortit de sa cachette et se précipita sur le champ de bataille. Flora fut la première touchée suivit rapidement par Youri, Max puis Oscar. Connor dût cependant courir afin de rattraper ce lâche de Dolter qui fuyait. Ce fuyard se servait des arbres en guise de bouclier. Une balle fut esquivée, puis deux, puis trois, mais le fugitif n’esquiva pas la dernière lancée avec précision. La neige vint s’enfoncer dans le ventre de Dolter et cela marqua le début de la célébration de Connor. Célébration qui fut cependant brève à cause d’un nouvel assaut entreprit par la Général Flora. En esquivant les balles et nuages de neige, le fêtard se replia pour se préparer de nouveaux projectiles.
Il faisait bon vivre en cette matinée. Partout sur chacun des visages, on pouvait lire bonheur et joie. Il faut dire que cette première neige avait été plus qu'attendue par plusieurs. Elle venait apporter une touche de magie au paysage qui, dernièrement, avait été d’une platitude indescriptible. Les collines ressemblaient aux motifs de crème fouettée que faisait Flora sur ses gâteaux et le ciel bleu venait se coller à celles-ci avec grâce et beauté. Les branches d’arbres, saupoudrées de neige, semblaient porter des mitaines blanches boursouflées et quelques flocons se baladaient ici là sur le chemin que dessinait le vent.
Connor compléta sa cinquième boule et sortit de sa cachette. De la fumée sortait abondamment de sa bouche et reflétait la lumière du soleil qui, à son tour, reflétait les joues rouges du jeune homme. Flora, joues rosées, ordonna aux enfants d’attaquer. La victime de cette attaque fut surprise, mais esquiva agilement les flocons compactés avant d’organiser une vive contre attaque. Les cinq boules s’abattirent sur Youri et ses frères alors que Connor se jeta sur sa bien aimée. Tels des enfants, les deux roulèrent au sol en riant la bouche ouverte. L’air frais semblait léger et transportait la bonne humeur partout où celui-ci se trouvait.
Ailleurs dans le village, l’ambiance était autant festive, car, comme à chaque première neige, une fête dansante se préparait pour le soir ! C’était, à chaque fois, un moment pour montrer ses meilleurs talents de danseurs ou de musiciens, puisque, bien évidemment, violons et flûtes étaient au rendez-vous. Des banderoles colorées s'installaient petit à petit. D’ailleurs, les six combattants iraient aider à compléter ces installations dès les hostilités conclues. Voilà Dolter. Ce dernier s’approchait avec une énorme boule de neige. À la vue de cette masse blanche, Max et ses deux frères crièrent d’excitation. Excitation qui s’intensifia lorsque Connor, qui se relevait dans l’espoir de fuir la menace, reçut le projectile. Le jeune homme se retrouva sur les fesses et ria une fois de plus. Son manteau serait détrempé ce soir, il en était maintenant certain!
Au centre du village, certaines des bûches, que les garçons avaient fièrement amassées durant l’automne, trônaient. Elles allaient être brûlées ce soir lors du banquet qui allait précéder la danse. La tête encore chamboulée de l’assaut de son ami, Connor mit du temps à remarquer la tendre main que lui tendait Flora. Il l’accepta avec enthousiasme et tous les deux se rendirent auprès de leurs congénères afin de devenir utile. La tâche d’organiser le futur brasier fut confiée aux deux amoureux. Alors, Flora se mit à installer les bûches que Connor se mit à fournir. Ils avaient tenté les tâches inverses l’an dernier, mais s’étaient rendu à l’évidence que Flora ne détenait malheureusement pas la force de transporter plusieurs bûches à la fois. Le bois était humide et avait une texture plutôt molle, mais, avec un peu d’effort, le feu partirait tout de même. Les bûches avaient probablement cette texture à cause des terribles pluies qui avaient frappé les environs la semaine dernière. Lors de l’une d’elle, de gros éclairs avaient retenti en pleine nuit. Près du foyer, Flora et Connor s'étaient alors collé de manière à devenir presqu’une seule entité. Connor aimait la pluie, mais pas les orages et Flora, l’inverse. C’est donc pour cela que durant de telles journées, ces deux-là étaient inséparables et se racontaient des anecdotes amusantes.
Bien vite, le tipi de bois fut complété et Flora s’éclipsa en cuisine. Cette dernière s’était donnée pour mission de préparer une partie du festin que les villageois allaient manger en soirée. Il était constitué d’une tonne de bon plats tels que des salades, des ragoût ou même des tourtières. Ce repas était une façon de conclure la période prospère de l’été où la nourriture était abondante. Suite à cela, les semaines de rationnement allaient inévitablement commencer. Ces semaines interminables où l’on se nourrissait de pain et de fruits confits étaient horribles, mais obligatoire. Personne n’avait les moyens pour se rendre au Sud. À ce sujet, le changement de village des deux compagnons avait d'ailleurs été un miracle, quoique ultimement nécessaire.
Les chaises se placèrent, Jackson se pointa et le ciel se colora annonçant ainsi le terme de cette journée dédiée aux préparatifs. Dans quelques heures, la fête allait commencer! Connor s’en réjouissait intérieurement alors qu’il marchait d’un pas décidé vers sa demeure. Il brûlait d’excitation à l’idée de revoir sa belle Flora et avait envi de chanter. Chose qu’il ne fit évidemment pas, son piètre talent de chanteur ne le permettant guère. En effet, ce garçon ne bénéficiait aucunement des talents artistiques dont sa compagne profitait. Cette dernière, de sa voix de velours, chantonnait des dizaines de balades par jour. Pour Connor, cette voix était même comparable au son que pouvait produire une harpe, non pas une harpe de chansonnier, mais plutôt une harpe que l’on pouvait trouver dans l’un de ces palais royaux, une harpe que nul ne pouvait se payer. C’était en voulant accompagner cet instrument que Connor avait obtenu des petits rires. Flora n’avait pas eu pour intention de le blesser, mais n’avait pu s’empêcher de rire face au son médiocre de son homme. Depuis, le jeune homme n’avait pas osé recommencer.
Rendu chez lui, Connor fut accueilli chaleureusement par le parfum du poulet et sa magnifique compagne. Ensemble, ils firent de petites habitations de tissus à la douzaine de repas, mirent leurs plus beaux habits et pratiquèrent leurs meilleurs pas de danse. Ils étaient près pour le grand festin…
Cette fois c’était sûr, Connor n’y échapperait pas, son ventre allait exploser! Le jeune homme s’était tellement empiffré que son poid aurait pu doublé, il n’en aurait même pas été surpris. Mais comment s’en empêcher?! L’ambiance était si festive ! Le gros feu de joie avait été allumé et brillait comme des milliers d’étoiles, le chant des violons faisait danser même les sapins et les plats goûtaient le paradis ! Flora avait déjà quitté la table depuis plusieurs minutes et Connor se battait intérieurement pour la rejoindre. Devait-il la rejoindre et risquer d’exploser ou rester assis avec le confort de sa chaise? La jeune femme qui s’approcha ne lui laissa pas le choix, elle lui prit les bras avec la force d’un ours et tous les deux irent sur le plancher dansant. Le sourire de Flora était tellement ravissant que son homme devait se battre pour ne pas laisser ses jambes devenir de la bouillie. Mais qu’elle était belle ! Comment faire pour ne pas tomber amoureux d’un tel ange !?
Soudain, Connor ne sût pourquoi, mais le temps sembla s’arrêter. Il n’y avait plus que Flora et lui. Leurs mouvements se suivaient à la perfection. Leurs bras se suivaient. Leurs jambes se suivaient. Leurs corps se suivaient. Leurs deux âmes semblaient ne faire plus qu’un. Chaque inspiration était comme avaler du bonheur sous forme gazeuse. Chaque regard devenait une œuvre d’art peinte avec le plus précieux des pinceaux. Chaque son se transformait en une symphonie. Cela durait depuis 5 secondes, 10 secondes, 3 minutes, 2 heures ?! Aucune importance. Connor ne voulait pas que ce moment se termine. Flora brillait de quelque chose de spécial, quelque chose de pur. Probablement de joie. Connor était-il le seul à voir cela ? C’était surnaturel, c’était formidable!
« Prêt à revoir ma mère ? »
« Hein » Répondit le jeune homme en sortant des vapes
« Prêt à revoir ma mère ? »
« Ah, eh oui ! » Fit-il simplement.
Perdu dans ses pensées, Connor avait oublié cela! La mère de Flora avait pour coutume de visiter les deux amoureux une fois par an. En l’occurrence, cette année, ce serait la semaine prochaine, il y a quelques jours un pigeon messager leur avait fourni cette information. Viviane était la seule personne à être au courant de leur nouvelle localisation.
« D’après toi, est-ce qu’elle apportera encore sa confiture aux fraises ? » Demanda Connor
« Hmm, non, ce n’est pas son genre ! »
Flora virevolta avant de continuer
« Elle veut surprendre, elle apportera sûrement quelque chose de nouveau ! »
« Hâte de goûter dans ce cas! »
« Ah ça oui ! » Répondit-elle enjouée, sa robe fleurie semblant s’envoler.
Suite à cela, la soirée se calma après peut-être deux ou trois heures et le petit village s'endormit. Ce fut dans ses draps que Connor songea à son passé. Il pensa à ce qu’il avait laissé derrière. La venue de Viviane était, à chaque année, un grand moment de bonheur mais également de tristesse. Ce mélange était étrange, comme si le cœur de Connor se transformait en l’un de ces macramé que sa mère aimait tant faire. Il soupira, il ne regrettait rien, mais ses parents lui manquaient tout de même. C’était comme un trou dans une carte, si on suit le chemin, il est toujours possible de deviner où celui-ci se dirige, mais si on se concentre sur le trou, on se perd dans cette absence. Pour ne pas se perdre, Connor fit ce qu’il faisait toujours dans des situations pareilles, il colla Flora. Il l’adorait plus que tout au monde…