Nom et prénom

Par Dédé

— Bonjour, je voudrais retrouver mon nom, s'il vous plaît !

— Votre nom ?

— Oui. Serait-ce possible de le retrouver ?

— Vous avez perdu votre nom, madame ?

— On dit 'mademoiselle' maintenant.

— Excusez-moi... Vous avez perdu votre nom, mademoiselle ?

— A vrai dire, je ne sais plus qui je suis...

— Plus du tout ?

— Plus du tout, je vous dis.

— Comment est-ce possible ?

— Je n'en sais rien.

— C'est embêtant.

— Je vous le fais pas dire... Vous pouvez m'aider, oui ou non ?

— Je n'en sais rien... Vous aider à retrouver votre nom ?

— Oui.

– Je ne sais pas...

— Si vous et moi on ne sait rien, on va aller très loin.

— Je ne peux pas vous affirmer avec certitude que la mairie puisse être capable de remédier à votre situation, mademoiselle.

— Vraiment ?

— Oui. Je répète cette phrase très souvent dans une même journée mais à mon humble avis, elle s'applique très bien à votre cas.

— Et votre avis, je dois m'y fier ?

— Normalement, oui.

— Il se peut que vous ne soyez pas fiable ?

— Rien n'est impossible.

— Me voilà rassurée...

— Vraiment ?

— Les sarcasmes, vous n'en avez jamais entendu parler ?

— Vaguement.

— C'est bien ce que je pensais !

— C'est curieux que vous soyez en mesure d'utiliser un ton sarcastique sans pour autant vous rappeler de votre nom.

— En même temps, savoir comment on s'appelle sans être capable d'être sarcastique, c'est bien triste... On ne choisit pas sa mémoire, hein...

— En temps normal, ce n'est pas la famille qu'on ne choisit pas ?

— Si je n'avais que ça à faire, je vous dresserais la liste de tout ce que je n'ai pas choisi dans ma vie... A commencer par mon prétendu mari.

— Votre prétendu mari ?

— Oui, vous m'avez bien entendu. Mon prétendu mari.

— Comment un mari peut-il être prétendu ? Je ne comprends pas...

— Imaginez qu'un homme débarque dans votre vie en affirmant être votre mari. Et vous êtes incapable de le prendre au sérieux puisque vous avez oublié jusqu'à votre propre nom. D'où ma venue ici.

— Je comprends un peu mieux.

— Un peu, seulement ? J'ai l'impression que je vais devoir m'en contenter.

— Euh...

— Alors, vous pouvez m'aider ou pas ?

— Je peux toujours vous envoyer vers le monsieur du deuxième étage, bureau au fond du couloir à droite...

— Ce monsieur pourra m'aider ? Vous êtes sûr ?

— Il vous enverra probablement vers la madame du troisième étage, bureau près de l'ascenseur.

— Et cette madame va m'être utile ? Je ne pourrais pas la voir directement ?

— C'est-à-dire que... C'est compliqué... La madame risque de vous envoyer chez le stagiaire dans le placard à balais près de la machine à café.

— Mon nom se trouve dans votre placard à balais ?

— Absolument pas, le placard à balais, ce sera pour vous dire qu'on ne peut strictement rien faire pour vous...

— Rien du tout ?

— Rien du tout.

— Sans même avoir essayé ?

— En essayant d'essayer, quand même ! Vous savez, mademoiselle, par ici, il ne faut pas trop en demander...

— C'est ce que je constate ! Et je n'ai aucune autre alternative que le placard à balais ?

— Si la madame s'est levée du pied gauche, elle pourrait vous envoyer en hôpital psychiatrique.

— Vraiment ? Et vous pensez qu'on pourrait m'aider là-bas ?

— Si vous voulez oublier que vous avez tout oublié, c'est la meilleure des solutions...

— Au contraire, je voudrais me rappeler de ce que je me rappelais, voyez-vous !

— Je vous déconseille vivement l'hôpital psychiatrique dans ce cas.

— Je ne dois pas voir la madame non plus ?

— Ni même le monsieur qui vous enverrait voir la madame, ce serait risqué...

— Merci de vos précieux conseils !

— Mademoiselle, puis-je vous poser une question ?

— Bien sûr, à quel sujet ?

— Votre prétendu mari. Cette histoire me perturbe...

— Allez-y ! Demandez !

— Vous lui faites confiance ?

— C'est une très bonne question...

— Vous n'avez pas la réponse ?

— Pire que ça ! J'ai deux réponses : oui et non, et je ne sais pas laquelle choisir.

— Peut-être que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais puis-je vous suggérer la réponse «non» ?

— Pour quelle raison ?

— J'ai peut-être regardé trop de films mais les femmes amnésiques peuvent attirer des gens aux intentions très étranges...

— Vraiment ?

— C'est une possibilité ! Qu'est-ce qui vous dérange chez ce prétendu mari ?

— Nous sommes tous les deux bien trop différents pour que je puisse lui faire confiance aveuglément : je suis amnésique alors qu'il se souvient des moindres détails de sa vie. Enfin, c'est ce qu'il dit... Je ne peux pas vérifier.

— Faites attention, quand même !

— Faire attention ? Sachez que je ne fais que ça !

— Vous faites bien !

— Vous pensez que je devrais voir un psychologue ?

— Ça pourrait être une idée mais là aussi, prudence !

— Prudence ?

— Une fois allongée sur le fauteuil, vous allez être à la merci de votre psychiatre. Vous avez tout intérêt à tomber sur quelqu'un qui connaît plus son métier de psy que l'anatomie du corps humain !

— Et comment je fais pour choisir un bon psychiatre ?

— L'instinct...

— Si mon instinct pouvait me chuchoter mon nom, ça m'arrangerait !

— Je me doute.

— Euh... Je ne vous embête pas trop au moins ? Je vous parle, je vous parle mais je dois vous ennuyer...

— Ne vous inquiétez pas ! Je n'avais pas vraiment de pain sur la planche ce matin de toute manière.

— Mon Dieu ! Et je manque à tous mes devoirs en plus ! Je cherche mon nom mais je n'ai jamais pensé à demander le vôtre...

— Si vous voulez bien, je vous le donnerais quand vous serez en capacité de me dire comment vous vous appelez ? Ça vous va ?

— Vous m'avez l'air tellement sympathique que je suis tout bonnement incapable de refuser.

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Cliene
Posté le 24/02/2018
— Ouf, je l'ai semé ! Oh, je m'attendais à lire l'histoire du prétendu mari du coup...
—   Tu es déçue hein ? 
—   Comment t'as fait pour me retrouver ?! Je ne suis pas déçue Conscience, cette scène à la mairie est très drôle et parfois même touchante... Et puis ça égratigne un peu l'image du fonctionnaire et ça, je trouve ça sympathique !
—  Ca doit être parce que t'es fonctionnaire, non ?
—   ...
—   Où est-ce qu'elle est partie encore ?!
Dédé
Posté le 24/02/2018
Eh oui, tu rentres un peu plus dans l'absurde. Je suis quand même content que tu y trouves une part de touchant. Mais je te rassure, l'histoire du prétendu mari reviendra ! 
Courage pour semer ta Conscience ! 
Daviken
Posté le 25/02/2018
Je lis ce 2ème chapitre et je reste sur ma première impression qu'il s'agit de sketchs. Ici on croirait presque entendre du Raymond Devos car il y a de solides petites touches d'humour qui font bien sourire. Rien que du dialogue, j'avais vaguement tenté l'exercice et je m'étais bien cassé la gueule, c'est comme écrire sans filet, aucune narration pour rattraper le dialogue et vice versa. Il faut oser.
Tu en fais un roman à part entière ? Car je verrais bien ce texte sur les planches. 
 
Dédé
Posté le 25/02/2018
Oh ! Merci ! :3 En effet, j'ai 24 chapitres entièrement dialogués. Reste à voir si la mayonnaise prend jusqu'à la fin mais je suis content que ça te plaise. Je suis certain que le dialogue viendra jusqu'à toi si tu retentes l'exercice.
Ce roman adapté sur les scènes de théâtre ? Ce serait drôle, tiens ! Pourquoi pas ! ^^ 
Merci pour ta lecture, Daviken ! :) 
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