Nuit en ville (8) - Le rouge de la tombe

Il fini par ouvrir ouvrir les yeux. La vision des coquelicots, en contrebas, ne fit que l'apaiser encore. Aïden l’aida à se relever. Pris d’une immense douleur dans le dos, il dut le porter pour redescendre d’où ils étaient. L'homme descendait lentement, avec précaution, en silence. Alexandre écoutait le vent créer dans la musique dans les arbres, secouant les feuilles avec une douceur bruissonante. Une fois de retour sur le chemin, il se remit enfin sur ses jambes et prit le temps de récupérer quelques un de ces coquelicots sauvage. Seuls au milieu de ses doigts, ils paraissaient minuscule, pourtant la force de leur couleur était sans comparaison. Il laissa Aïden appeler ses parents pour qu’ils puissent le récupérer. Il avait beaucoup trop mal pour se sentir en état de faire à nouveau le trajet en moto. Il ne rêvait que d’un lit confortable dans lequel se reposer et digérer tout ce qui avait pu se passer. Mais avant que Charlie et William arrivent, Aïden décida de faire marcher lentement le jeune homme dans la ville. Il lui montra tous les endroits dans lequel il avait grandi, tranquillement. Même si la douleur occupait une partie de son esprit, Alexandre portait un réel intérêt à ce qu’il lui disait. Puis, sans même le réaliser, ils passèrent devant le cimetière. Ils se regardèrent un instant, silencieux, avant de s’y engouffrer. Pour le guider, ou peut-être pour se rassurer, Aïden prit la main d’Alexandre. Même avec les années passées, aller jusqu’à la tombe de sa sœur n'était toujours pas quelque chose de facile.

Pour la première fois, alors, Alexandre vit le nom de Béryl écrit sur une plaque en pierre. Il n’y avait personne d’autre qu’eux aux alentours. A coté du nom, il y avait une date et rien de plus. La tombe était simple et brute, loin de tout ce qu'il avait pu imaginer. Le jeune homme regarda son compagnon. Il avait fermé les yeux. Il avait l’air de lui parler, dans sa tête. Ne voulant pas le déranger, il le laissa à sa conversation. Une impression de vide le frôla, alors qu’il regardait la tombe, sans photos, sans paroles ni fleurs. Alors, doucement, il déposa un des coquelicots sur le marbre froid. Il n’avait aucune idée de combien de temps une fleur aussi fragile pouvait rester sur place sans se décomposer. Il avait l’impression que son geste était bien vain, face à l’intransigeance du vent. Mais cette petite fleur, écarlate et battante, petit souvenir d’un temps perdu, se devait d’être offert à quelqu’un qui ne méritait pas d’être oublié.

Il savait qu’arriveraient en trombe Charlie et William dans le cimetière, d’ici peu de temps. Et il savait que la première chose qu’il ferait serait de les prendre dans ses bras, malgré la douleur. Après autant de temps d’absence, il imaginait que Charlie aurait bien du mal à retenir ses larmes. Après tout, tout avait été si compliqué, pendant trop longtemps. Les premiers qu'il leur diraient serait des excuses. Il aurait même pu se courber, tant il tenait à montrer qu'il regrettait son comportement des dernières années. Mais il ne doutait pas une seconde qu’une fois tous ensemble, réuni dans la petite voiture de son père, la discussion reprendrait là où elle avait pu s’arrêter. Charlie lui raconterait toutes sortes d’histoires, et elle écouterait celles qu’avait son fils en réserve. Et désormais, il sentait que pour une fois, il tenait une bien belle histoire à raconter.