J’aime l’obscurité.
Déjà, les enfants en ont peur. Du coup, ils n’osent pas venir lorsque les lumières sont éteintes. Bon, c’est vrai que la plus jeune a tendance à pleurer jusqu’à te voir accourir à son chevet, mais il suffit d’un somnifère dans sa grenadine et l’affaire est réglée.
Ah, je ne te l’avais pas dit ? Oh, cesse de me regarder comme ça, je sais ce que tu penses !
Il ne faut pas droguer les enfants !
Si je t’écoutais, je devrais aussi éviter de les pousser sur la route lorsqu’ils me gênent sur le trottoir. Franchement, tu n’es pas toujours drôle avec tes principes à deux sous. D’ailleurs, ils ne font plus vraiment le poids quand je suis dans la pièce et que les lumières s’éteignent. Là, tu as tendance à devenir quelqu’un de très sauvage, qui me fait découvrir des contrées inconnues et qui me poussent à aimer l’obscurité.
Oui, avec toi, l’ombre c’est le septième ciel garanti. Alors pourquoi doit-on en arriver là ?
Enfin, je suppose que c’est ce que tu baragouines sous ton bâillon. Ou tu m’insultes copieusement pour avoir osé transformer ce jeu érotique en autre chose. Je te rassure, je ne vais pas sortir la cire, car j’adore ton torse poilu même si ça n’aura bientôt plus aucune importance.
Donc si on en est là, c’est à cause de toi.
Quelle idée de tuer ta femme pour moi ! Franchement ! Je n’ai aucune envie de t’aimer au grand jour, ce n’est pas drôle. C’est tellement mieux de se planquer. Nous pouvons nous unir sans craindre le regard d’autrui. Nous avons tout le loisir de nous cacher dans un placard pour voir quelle position tenter. Mais non, monsieur en a marre de vivre dans l’obscurité !
Alors au lieu de quitter ta femme, tu la tues... et après ça, tu me saoules avec tes marmots. Déjà, je n’en veux pas. Moi je veux juste m’amuser. J’adore être la maîtresse cachée dans l’ombre. J’aime te dominer avec mes caprices et mes menaces. Tu n’es pas censé les prendre au sérieux. N’importe quel autre homme m’aurait couverte de diamants pour me faire taire !
Toi... non. Tu me déprimes, sérieux. Je sais, je devrais m’estimer chanceuse. Un homme a tué sa femme pour moi. Youpi. Et maintenant ? On se marie ? Oh oui, vivons dans la lumière, oh oui, unissons-nous à la vue de tout le monde !
Jamais ! Vivons mieux, vivons cachés, donc dans l’O-B-S-C-U-R-I-T-E. Nous aurions pu être si heureux ensemble, et tu as tout gâché...
Tu vois cette allumette ? Eh bien, elle va te faire regretter la noirceur de nos étreintes. Elle va t’apprendre la douleur de la lumière. Oh ! Ce n’est pas la peine de me supplier ! Ni de m’implorer du regard ! Je t’ai fouetté jusqu’au sang, tu aurais dû savoir que j’étais capable de te brûler vif !
J’aime l’obscurité. Je déteste la lumière... et toi aussi tu vas la haïr.
Là, c’est carrément de l’humour noir. On a affaire à une psychopathe meurtrière. Si l'homme qui est sa victime n’était pas lui-même un assassin, ce serait insoutenable. Finir brûlé vif, c’est vraiment atroce. (C’est vrai qu’on ne pense pas trop à ce que vont ressentir les enfants…)
Mais tu es arrivée à écrire ce récit d’horreur sur un ton presque léger et tu as bien dosé la gradation dans l’épouvante.
Deux petites remarques :
Là, tu as tendance à devenir quelqu’un de très sauvage, qui me fait découvrir des contrées inconnues et qui me poussent à aimer l’obscurité. [Si c’est lui qui la pousse à aimer l’obscurité : « et qui me pousse » ; si ce sont les contrées qui la poussent, il faut enlever le « et ».]
dans l’O-B-S-C-U-R-I-T-E [É : l’accent aigu a pleine valeur orthographique ; l’Académie française recommande de mettre les accents sur les majuscules.]