PARTIE 1 : Éveil - Chapitre 1 : Vide

Elle se demandait ce qu’elle faisait là. Autour d’elle, tout n’était que vide et blanc. Sans le moindre son, sans le moindre mouvement. Pas un signe de vie. Et elle ? Elle fixait le vide devant elle. Qui était-elle, pourquoi était-elle là ? Tout cela, elle ne le savait pas. Elle aurait pu essayer de sortir de cet endroit, mais à quoi bon ? Autant rester ici. Sans doute que personne ne l'attendait, dehors.

Elle ferma les yeux. Dans sa tête aussi, tout n’était que néant insondable. Pas une image, pas un mot.

Rien.

Elle n'avait pas de souvenirs.

Dans cet espace de blancheur, elle ne pouvait rien faire, pas un mouvement, pas une action. Elle ne pouvait même pas parler. Elle ne pouvait pas non plus soupirer. Est-ce qu’elle respirait, au moins ? Elle n’en était pas sûre, à vrai dire.

Elle avait envisagé que ce lieu soit l’au-delà, mais sa conscience lui soufflait que non. Elle était encore vivante, du moins pour l’instant. Elle ne savait plus depuis combien de temps elle était là, mais peut-être était-elle morte, en fin de compte ? Elle n'avait aucun moyen de le savoir, cela non plus.

Elle rouvrit ensuite les yeux et vit, stupéfaite, une forme au loin, silhouette rectangulaire et noire dans l’immensité du blanc. Elle ne pouvait pas faire un seul mouvement, pas seulement parce qu’elle était interloquée, mais tout simplement parce qu’elle en était incapable. Elle ne sentait pas du tout ses membres. 

Allait-elle rester ainsi à contempler ce rectangle de porte, si c'en était bien une, jusqu’à la fin de ses jours ? Si elle était encore vivante, bien sûr.

Puis elle le vit. Une silhouette, qui semblait être celle d’un homme, s'avançait vers elle. Il s’avançait ? Pourtant, il n’aurait pas dû pouvoir se déplacer dans ce vide. Il marchait vers elle, et pourtant, il semblait reculer.

“À moins qu’il ne fasse les deux à la fois.”

Après un long moment, il arriva devant elle. Il était grand, si grand qu’elle devait lever haut la tête pour le voir, sauf qu’elle ne pouvait toujours pas remuer un orteil. Et bizarrement, elle ne voyait que de lui une silhouette sombre.

– Tu es réveillée, dit-il d’une voix rauque et distordue, comme plongée sous l’eau.

Elle resta silencieuse. Comment pouvait-il parler alors qu’elle ne le pouvait pas ?

–  Suis-moi.

    Elle se demanda comment lui expliquer qu’elle ne pouvait tout simplement pas. Sans attendre, l’homme-silhouette la prit par le bras et la tira. Elle crut que le vide allait résister, que cet homme ne pourrait pas l’emmener, mais il n’en fut rien. Il la traîna derrière lui aussi facilement que si elle avait été en coton. Elle remarqua alors qu’elle pouvait enfin bouger et agita son poignet. Il était endolori. Cela signifiait-il qu’elle avait passé beaucoup de temps ici ? En revanche, elle n’arrivait pas à parler. Peut-être était-ce la peur qui paralysait sa langue ?

– Allons-y, lança l’homme.

Il serra encore plus fort son bras et la tira vers lui. Puis il la poussa sans ménagement dans le cadre de la porte. Les paupières de la jeune fille se fermèrent alors qu’elle tomba en avant, plongeant dans le noir, perdant conscience, son corps lourd et son esprit, vide.