Partie 2 - Chapitre 10

Notes de l’auteur : => LE TOME 1 de "FLAMMES EN SOMMEIL" est officiellement sorti en version papier (il correspond au 32 premiers chapitres de la Partie 1) Les illustrations sont présentes dans la version papier, mais en noir et blanc.
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     L’obscurité envahissait peu à peu la chambre de l’auberge. Assis sur son lit, la lettre posée sur les genoux, Chan YinMai avait la tête tournée vers la fenêtre et le regard perdu dans le vague. Ses yeux étaient rougis et ses joues encore humides à cause des gouttes salées qui venaient de couler sur elles. Le courrier de Lu Lei contenait ses condoléances et sa peine vis-à-vis de la disparition de Ping Yu. Elle s’était remémorée plusieurs souvenirs le concernant et les lui avait partagés. En les lisant il s’était perdu dans une profonde nostalgie. Par moment, le Musivateur avait une conscience aigüe de l’absence de son compagnon et savait qu’il ne le reverrait plus jamais. Et parfois, il oubliait momentanément. S’il voyait quelque chose qui lui plaisait, une pensée furtive « il faudra que je demande son avis à Ping Yu » lui traversait brièvement l’esprit. Avant qu’il ne se souvienne…

     Chan YinMai soupira puis se frotta les yeux. Il se passa une main sur les joues, pour finir d’effacer les traces de ses larmes, avant de revenir à la lettre. Sa mère avait continué en lui disant qu’elle pensait très fort à lui et qu’elle le rejoindrait dès qu’elle en aurait l’occasion. La missive s’achevait sur une ligne où elle demandait des nouvelles du « petit Zhang JingXi » et il eut un sourire vaguement amusé.

     Il y en aura, des choses à raconter. Je me demande comment elle va réagir si on lui avoue qu’il n’est autre que Ming XiWang. Je ne sais pas s’il voudra qu’on lui dise… En même temps l’information risque d’être difficile à cacher à présent, surtout si A-Jin reste près de lui.

     La porte de la chambre s’ouvrit sur HengXing ShanYao qui se figea sur le seuil en voyant son visage défait.

     — Ah ! Pardon, je peux repasser tout à l’heure.

     Le Chef de Clan commença à reculer, mais le Médium lui fit signe qu’il pouvait entrer.

     Ils n’avaient pas vraiment parlé tantôt, lorsqu’ils étaient revenus à l’Âne Fringant. Comprenant qu’il avait besoin de s’isoler pour pouvoir lire sa lettre, HengXing ShanYao l’avait laissé s’installer tranquillement dans leur chambre commune et était resté dans la salle du bas. Le Musivateur songea qu’un bon moment avait dû s’écouler depuis qu’ils s’étaient séparés.

     — Hei TaiYang est revenu ? s’enquit le Médium pour montrer qu’il était tout à fait disposé à entretenir un semblant de conversation.

     HengXing ShanYao approuva d’un hochement de tête et entra dans la chambre. Il ferma le battant dans son dos :

     — Oui, il est arrivé il y a quelques minutes. Je l’ai mis au courant des changements que nous avons fait. Et le Seigneur Jian Lin est en route pour le Palais, il rapporte les charbons à ma sœur.

     Prenant mentalement note des informations, Chan YinMai acquiesça, puis le remercia d’avoir pris le temps de le tenir au courant. Le Chef de Clan posa la main sur la poignée, prêt à repartir et à le laisser à nouveau à sa solitude. Il suspendit pourtant son geste :

     — Pardonnez-moi si ma question est indélicate, Maître Chan. Est-ce la première fois que vous perdez l’un de vos proches ?

     Ce dernier le dévisagea, le regard un peu vide, avant d’opiner du chef :

     — … Oui. Enfin, j’ai bien perdu mes parents également, mais je n’étais qu’un enfant à ce moment-là et je n’ai pas vraiment compris à l’époque ce que ça signifiait…

     — Que s’est-il passé ? demanda HengXing ShanYao d’une voix douce.

     — Une affaire de Cadavres qui a mal tourné.

     Tout en observant le Chef de Clan, Chan YinMai rangea sa lettre. Il sentait la curiosité de son interlocuteur et décida de se montrer un peu plus précis :

     — Mes parents étaient des Itinérants, je crois. À un moment, ils ont croisé le chemin de Lu Lei et de sa Troupe et ont décidé de la suivre pendant un moment. Plusieurs semaines plus tard, ils ont entendu parler d’un problème qui avait lieu, dans une montagne à l’est. L’affaire semblait dangereuse, trop pour m’emmener et trop importante pour la laisser continuer plus longtemps. Ils ont décidé de me laisser avec la Troupe, le temps de régler le problème avec d’autres Cultivateurs. Si je me souviens bien, il s’agissait d’un cas de plusieurs Cadavres Féroces manipulés par une personne qui avait déjà rasé plusieurs villages dans son sillage.

     Intéressé, HengXing ShanYao se rapprocha. Chan YinMai se redressa de façon plus décente sur son lit et croisa les jambes en lotus, lui laissant le loisir de s’asseoir au bord du lit. Tout en prenant place, son interlocuteur lui fit signe de continuer.

     — L’affrontement a été horrible. Les Cadavres ont été démembrés et lorsque leur maître a compris qu’il ne s’en sortirait pas, il a essayé de s’enfuir en déclenchant une avalanche. Ce faisant, il s’est condamné, mais il a également tué ceux qui s’étaient dressés contre lui.

     — Dont vos parents… murmura le Chef de Clan.

     — Oui. Lu Lei m’a appris la nouvelle et je me souviens avoir été très triste… Mais je savais aussi que je n’avais rien à craindre. Je vivais déjà avec la Troupe, depuis plusieurs mois et je m’y sentais bien. Elle a cherché à savoir si j’avais de la famille ailleurs, mais personne ne savait rien, alors elle m’a gardé. Je dois avouer que je n’ai pas beaucoup de souvenirs d’eux, alors je ne peux pas vraiment dire qu’ils me manquent vraiment.

     Il fronça les sourcils, l’air incertain :

     — Peut-être ai-je l’air cruel de dire ça ainsi…

     L’autre homme agita aussitôt la main, balayant sa remarque :

     — Quel âge aviez-vous ?

     — Six ans.

     — J’en avais vingt et un lorsque ma mère est morte, enchaîna l’autre homme. Les souvenirs que j’ai d’elles ne sont pas agréables et je ne la pleure pas le moins du monde.

     Étonné par cette confidence, Chan YinMai remarqua que le regard habituellement pétillant de malice de HengXing ShanYao s’était durci, une lueur de colère brillait même au fond de ses prunelles. Il planta des yeux francs dans celui du Médium :

     — Je voudrais ne pas me souvenir d’elle et je ne culpabilise pas en disant ces mots. Elle n’était pas quelqu’un de bien. Vous, vous n’étiez qu’un enfant encore jeune. Leur manque n’a pas eu le temps de se faire sentir, surtout si vous avez été entouré très rapidement, le deuil était plus facile à faire. Vous n’avez pas à vous en vouloir de ne pas bien vous souvenir d’eux.

     Une certaine amertume se peignit sur son visage et il secoua la tête :

— Les souvenirs des êtres chers qu’on a largement eu le temps de côtoyer sont difficiles à oublier, en revanche. Les années apaisent la douleur et on apprend à vivre avec le manque… mais c’est une blessure qui ne cicatrise jamais vraiment.

     Le Musivateur garda le silence, sans le quitter du regard.

     Effectivement, s’il avait eu le temps de s’attacher davantage à ses parents, comme ça avait été le cas avec Ping Yu, certainement aurait-il eu beaucoup plus de mal à les oublier. Il se souvenait d’eux avec une tendresse lointaine, mais leur absence n’était pas un aiguillon dans son cœur. Peut-être n’était-ce pas plus mal en un sens… 

     Tout à ses réflexions, il continua à dévisager le Chef de Clan, percevant une souffrance ancienne en lui. Une blessure en sommeil qui venait d’être ravivée par la perte de HengXing YeWan.

     — Qui… ? interrogea-t-il dans un chuchotis.

     Son interlocuteur détourna légèrement la tête :

     — Mon père. Je l’aimais énormément.

     Le Médium ferma à demi les yeux alors que quelques souvenirs lui revenaient en mémoire. Des rumeurs qui circulaient, quelques années auparavant, au sujet du Clan HengXing. Le Chef avait été assassiné et, environ un an plus tard, son fils aîné avait disparu. Certains osaient prétendre que le jeune Maître HengXing ShanYao avait tué son père, dans l’espoir de prendre sa place. Il se souvenait que des Cultivateurs à la solde de ZiaHo ZhiXiang, ainsi que des soldats Impériaux, recherchaient activement le jeune homme qui s’était enfui avec sa femme et quelques disciples du Clan. À l’époque, la Troupe se tenait le plus loin possible de ces problèmes, afin d’éviter à Zhen YuJin de se retrouver dans un périmètre potentiellement dangereux pour lui.

     — Que lui est-il arrivé ?

     L’air un peu nerveux, HengXing ShanYao se frotta l’avant-bras droit. Le geste intrigua Chan YinMai qui devina le relief de la protection sous sa manche.

     — Il a été assassiné par mon oncle et ma mère.

     Une ombre passa sur son visage, tandis qu’il se remémorait l’horreur de cette journée. La mort de son père, le moment où lui-même avait failli y laisser sa peau, les larmes de YeWan, celles de sa jeune épouse, ainsi que les siennes en voyant XiaoHong se faisaient emmener loin d’eux… La jubilation de sa mère et cette haine… cette haine qui avait envahi son propre cœur. Si intense que, pendant quelques secondes, il avait eu la sensation d’étouffer dans son ressentiment.

     Il prit une profonde inspiration et expira un souffle tremblotant. Comment son père aurait-il réagit s’il avait été en vie aujourd’hui ? Aurait-il été plus vigilant avec HengXing YeWan ? Aurait-il compris que le jeune riziculteur qui lui faisait la cour cherchait en réalité à la tuer ?

     Le Chef de Clan secoua la tête comme pour chasser ses pensées. S’il commençait à songer à sa sœur, il allait avoir du mal à réfléchir au reste et à discuter avec le Médium. Il voulait pouvoir converser avec lui depuis plusieurs jours, c’était l’occasion rêvée, il ne devait pas la gâcher.

     Chan YinMai n’avait rien dit, mais HengXing ShanYao su d’instinct qu’il compatissait à son sort. Il décida de jouer un peu plus franc jeu, et sans tourner autour du pot, enchaîna directement :

     — D’où tiens-tu ta flûte ?

Avec retard, il réalisa qu’il venait de le tutoyer le plus naturellement du monde. Si son interlocuteur lui lança un bref coup d’œil, il ne releva pas son attitude. À la place, il saisit lentement l’instrument accroché à sa taille et le fit tourner entre ses doigts :

     — C’est tout ce qu’il me reste de mes parents. D’après Lu Lei, elle appartenait à ma mère, plus précisément.

     — Elle n’a pas disparu dans l’avalanche ?

     Chan YinMai fit non de la tête, les yeux fixés sur son bien :

     — C’est l’un des rares effets personnels qui ont pu être retrouvés. Ça, ainsi que l’arc et l’épée de deux autres personnes. Le reste a certainement été enseveli sous des couches de neige.

     Il reporta son attention sur HengXing ShanYao qui paraissait perdu dans ses pensées. Celui-ci fixait le plancher de leur chambre, un doigt recourbé posé sur les lèvres, comme s’il cherchait à comprendre quelque chose.

     — Qu’est-ce que tu sais sur cette flûte ? Sur tes parents ? interrogea-t-il sans le regarder. Sur ton Don ?

     Chan YinMai devinait que l’autre homme ne lui posait pas ces questions par pure envie d’échanger des banalités, il percevait également un certain trouble chez lui.

     — Je… ne sais pas grand-chose, avoua le Médium.

     Il fit à nouveau tournoyer son instrument qui adopta aussitôt sa forme d’épée :

     — Tout ce que je sais, je l’ai raconté. Cet héritage vient de ma mère. Personne n’a su dire si mes parents avaient une famille à qui me confier. Et mes perceptions, mes intuitions, ont toujours été présentes sans que je puisse les expliquer.

     HengXing ShanYao pivota davantage vers lui. Voyant qu’il observait l’épée avec beaucoup d’attention, le Musivateur la lui présenta à deux mains, lui laissant tout le loisir de l’examiner plus en détail. Il vit l’expression perturbée de son interlocuteur s’accentuer.

     — As-tu déjà remarqué quelque chose en particulier sur cette lame lorsqu’elle est dans le noir ?

     Chan YinMai répondit par la négative.

     L’air presque fébrile, le Chef de Clan redressa aussitôt la tête :

     — Veux-tu bien fermer provisoirement les volets ?

     Intrigué, mais non moins curieux, l’intéressé leva une main. Un courant d’air s’échappa de sa paume et ferma avec soin les deux volets de leur chambre, les plongeant dans l’obscurité. Il planta ensuite ses doigts dans le rebord du matelas, espérant que quoi que veuille faire l’autre homme, ça n’allait pas durer longtemps.

     Moins de trois secondes plus tard, à sa plus grande surprise, il vit son épée s’illuminer d’une douce lueur blanche. La lumière s’estompa ensuite et, ébahi, il découvrit une sorte de fine gravure, très nette, briller sur la lame. Une gravure représentant un croissant de lune et trois étoiles.

     L’emblème du Clan HengXing.

     Interdit, il demeura pétrifié sur son lit, jusqu’à ce que HengXing ShanYao lui rende son bien :

     — Envoie ton Qi dans ton arme, si tu veux obtenir ce résultat.

     La lame s’éteignit, le temps du transfert. La main tremblante, Chan YinMai referma ses doigts sur la poignée familière, puis imita le Chef de Clan. Immédiatement, la lumière revint, comme si elle provenait de l’intérieur de la lame, puis elle s’effaça pour laisser la place à l’emblème.

     Comme hypnotisé, le Musivateur posa le bout de ses doigts sur la gravure invisible et ne rencontra aucun relief en particulier. Il ignorait comment ce phénomène était possible et, poussé par la curiosité, il lui rendit sa forme de flûte sans cesser de lui transférer de l’Énergie Spirituelle en continue. La marque du Clan apparaissait également sur l’instrument.

     Dans la semi-obscurité, il vit HengXing ShanYao bouger. Un instant plus tard, une épée identique à la sienne brilla à son tour dans le noir. D’une taille similaire, elle présentait un dessin identique sur la lame au même endroit, il n’avait pas besoin de la prendre en main pour savoir qu’elle pesait le même poids que la sienne.

     Confus, il porta une main à sa tempe, ayant la sensation qu’un début de migraine commençait à l’envahir. Ce faisant, il lâcha sa flûte qui retomba sur ses genoux. Remarquant son malaise, l’autre homme s’empressa de se lever et de rouvrir les volets. Il faisait nuit dans les rues, à présent, aussi s’empressa-t-il d’allumer les lumières de leur chambre.

     Durant ce laps de temps Chan YinMai demeura sans bouger sur le lit, les yeux fixés sur l’épée jumelle posée à la place du Chef de Clan. Lorsque ce dernier revint s’asseoir, l’arme disparue pour prendre l’apparence d’un brassard qui vint se positionner sur le bras droit de HengXing ShanYao. La protection était fabriquée dans une sorte de cristal givrée d’une pureté et d’une solidité incroyable. Exactement comme pour sa flûte.

     Les coudes posés sur ses jambes croisées et les mains réunies sous le menton, le Médium observa avec incompréhension cet individu qui venait de lui révéler naturellement un aspect de son arme qu’il ne connaissait pas. Celui-ci le dévisagea en retour avec un grand sérieux, bien que ses yeux brillent d’une lueur amicale :

     — J’aimerais te demander qui tu es. Mais je crois que tu ne le sais pas toi-même. Tu dois néanmoins savoir que tout le monde ne peut pas leur faire prendre cette apparence d’épée.

     Chan YinMai hocha la tête en murmurant :

     — Ça, je le savais. Je l’avais prêtée à YuJin, une fois, il n’a jamais réussi à faire changer sa forme. Pareil pour mère et Ping Yu.

     Il y eut un léger silence entre eux, tandis que chacun se posait des questions sur l’autre. Le Musivateur finit par reprendre la parole, gardant une voix basse, ses doigts se mirent à jouer nerveusement avec la couverture de son lit :

     — Si je comprends bien, elle vient de ton Clan à l’origine.

     Son interlocuteur approuva, sans quitter des yeux la flûte posée sur le lit. À nouveau ses sourcils se froncèrent, et il soupira :

     — Je… Elle s’appelle Yue. Et en réalité, elle a été perdue il y a des siècles. Il ne restait plus que XinYue — il tapota son protège avant-bras — et ShuoYue en notre possession.

     Le Médium fut presque sûr que le Chef de Clan voulait dire autre chose à l’origine et qu’il avait finalement dévié.

     — ShuoYue ? Une troisième épée ?

     — Oui. Actuellement, elle est en possession de Lan ShenMei.

     Ne s’étant pas attendu à cette information, le Musivateur haussa les sourcils d’étonnement.

     — C’est ma petite sœur qui a insisté, précisa HengXing ShanYao. On lui a offert comme cadeau de remerciements.

     — Et lui, il est capable de la manier comme nous ? De lui faire prendre l’apparence de l’épée ?

     — Je dois avouer ne pas en avoir la moindre idée, confia le Chef de Clan d’un air ennuyé. À l’époque, j’étais bien trop content de retrouver A-Hong en vie et c’est dans la foulée qu’elle m’a demandé si on pouvait lui donner ShuoYue. Je sais qu’elle ne m’aurait pas présenté une telle requête pour rien, alors j’ai accepté sans poser de question.

     Comme s’il était soudain incapable de rester plus longtemps assis, HengXing ShanYao se leva et se mit à déambuler dans la pièce, tout en se frottant l’arrière du crâne comme si ce geste l’aidait à réfléchir. Calme, Chan YinMai suivit ses déplacements des yeux.

     — Tu as bien dit que tu tenais Yue de ta mère ? demanda soudain le Chef de Clan.

     Le Médium acquiesça.

     — Et tu sais si c’est un héritage de l’un de ses propres parents ?

     — Aucune idée… Qu’est-ce qui te tracasse autant ? demanda Chan YinMai d’une voix un peu brutale.

     Ses sourcils s’étaient froncés, il sentait que l’autre homme dissimulait quelque chose et qu’il semblait particulièrement perdu. Mal à l’aise, HengXing ShanYao pivota cependant vers lui :

     — Que tu puisses avoir Yue en ta possession c’est une chose. Que tu puisses l’utiliser correctement en est une autre. Mais tu as aussi des capacités extra-lucides et ça… ça c’est… disons que ça commence à faire beaucoup de coïncidences alors…. Mais en même temps, je ne vois pas comment…

     Il se tut, visiblement confus. Puis, sans prévenir, il bondit soudain au chevet du Médium et lui attrapa les deux mains avec les siennes, tout en le fixant avec intensité. Ses doigts tremblaient d’un mélange d’appréhension et d’excitation alors qu’il reprenait la parole :

     — Maître Chan, je t’en prie, lorsque l’occasion se présentera, viens me rendre visite dans mon Clan. Si tu souhaites en savoir davantage sur tes origines, il est possible que les Archives puissent répondre à tes questions.

     Les yeux de Chan YinMai s’écarquillèrent en grand et il fixa HengXing ShanYao alors qu’une pensée se formulait dans son esprit.

     — Tu… Tu penses que j’ai un lien avec… avec ton… ? bégaya-t-il.

     Le Chef de Clan lui adressa un sourire chaleureux et répondit à mi-voix :

     — Je n’en ai pas encore la complète certitude, mais je pense que oui. Il faut qu’on vérifie, bien sûr, parce que je ne suis pas sûr de tout comprendre non plus de mon côté, mais… mais il n’est pas impossible qu’on soit de la même famille.

     La phrase résonna comme un gong dans la tête du Musivateur qui se sentit vaciller légèrement. S’il n’était pas déjà assis, il en aurait eu besoin urgemment à cet instant.

     Même s’il aimait Lu Lei et toute la Troupe, il se sentait différent avec ses capacités, ce Don incontrôlable. Si quelqu’un arrivait à lui donner des réponses, l’aidait à comprendre d’où il venait, peut-être qu’il arriverait à mieux contrôler ses ressentis et ses visions ?

Après une seconde d’hésitation, HengXing ShanYao le serra soudain chaleureusement dans ses bras, l’étreignant comme s’il était un frère perdu de vue depuis des décennies. Aucun des deux ne savaient précisément quel lien les unissait, mais Chan YinMai se sentait bouleversé et percevait le chamboulement de l’autre homme. Au point qu’il ne savait plus lui-même quel ressenti venait de l’un ou de l’autre. Il ferma les yeux et lui rendit son étreinte, pris dans un tourbillon d’émotions mêlant une forte curiosité, une certaine joie, une excitation, mais aussi des interrogations, des inquiétudes…

     Les rêves qu’il avait fait ces derniers jours lui montraient souvent l’emblème du Clan. S’il avait cru que c’était lié à leur affaire, dans la mesure où ils se retrouvaient à travailler avec les HengXing, il commençait à présent à se demander s’il ne devait pas y voir un autre message.

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Illustration réalisée par Druide Lunaire, disponible ici : https://www.instagram.com/p/C_r7X7LNEpM/

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