Partie Deux — XI. Calvaire

Dans cette forêt, un arbre, parmi tous les arbres, se démarquait. Sur le ciel dégagé d’automne, ses branches étrangement tordues se découpaient, maigres, noires, dénudées.

Il n’était pas très grand. Là, ses ramilles évoquaient des doigts crispés, qui formaient une rachitique et grossière main tendue. Ces rainures, ici, ressemblaient aux traits tirés d’un corps cambré sous la douleur. Une fois que l’on avait vu cela, les autres parties de l’arbre apparaissaient comme des membres disloqués, déboités, étirés jusqu’à la folie.

À chaque instant on eût dit que la silhouette morbide allait bouger, mais la volonté de se mouvoir qu’elle irradiait ne semblait être qu’un mirage.

Il n’y avait pas de tête, néanmoins nos yeux imaginaient d’eux-mêmes une mâchoire fuligineuse partielle, grande ouverte, une base de crâne atrophié, un croissant calciné d’orbite.

La main était le plus évident. Pour voir le reste, il fallait regarder un peu plus longtemps.

Des promeneurs passaient devant, souvent sans lui prêter attention. Parfois, certains étaient parcourus d’effroi ou de pitié face à cette sinistre scène de la nature, le temps d’une pause. Puis il passaient leur chemin.

Peut-être y avait-il un homme à l’intérieur de la frêle, sèche et inflexible peau d’écorce. Peut-être implorait-il, hurlait-il à l’aide, sans qu’on ne l’entendît. Sans que personne ne le remarquât. Muré dans le silence malgré lui. Figé dans une mort d’atroces souffrances pour toujours. Condamné à n’être qu’un arbre étrange, une vague attraction.

Vivant un éternel calvaire.

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