Partie V

L’homme en noir ne dit rien. J’ai la gorge sèche d’avoir tant parlé. Je voudrais de l’eau mais je ne pense pas qu’il m’en donnerait.

       — Monsieur Masaev, lâche-t-il enfin, ce que je comprends, c’est que vous avez enfreint bon nombre de lois. Plus que nous ne pensions.

       — Votre conclusion est que c’était mal, n’est-ce pas ?

Il ne répond pas. Je me sens sourire, alors que je devrais être en colère. Il pose les mains bien à plat sur la table.

       — Je vais récapituler les infractions commises. Notre échange a été enregistré et sera communiqué aux juges.

Il déblatère tout ça comme un robot. Ses sourcils sont redescendus et ne bougent plus. Il énumère nos crimes d’une voix monotone.

       — Êtes-vous d’accord avec les chefs d’accusation ?

J’acquiesce, je veux que tout soit fini. Pour rester seul avec mes souvenirs.

       — Vous serez placé en détention provisoire avant votre jugement.

       — Et Elsa ? Et le bébé ?

Une lueur d’espoir s’allume en moi. Si je bénéficie d’un jugement alors que mes infractions auraient dû me conduire directement à l’échafaud, peut-être aura-t-elle un sursis elle aussi.

       — Elle n’aura pas votre chance, monsieur Masaev. Vous, vous n’êtes qu’un… Dommage collatéral.

Elle va mourir. Et notre bébé. Il se remet à pianoter sur son portable. Ma vue se brouille. Ce n’est pas juste. Ça n’a jamais été juste.

       — Attendez !

Des larmes coulent sur mes joues.

       — Je voudrais vous poser une dernière question.

Je ne sais pas ce que je cherche puisque tout est fini, mais j’ai besoin de savoir.

       — Etait-elle sur la liste ?

       — Pardon ?

       — Son numéro d’immatriculation… Figurait-il sur la liste des mères potentielles ?

Il se replonge dans son écran.

       — Non.

***

Deux gardes m’entrainent au fond d’un couloir de béton, jusqu’à une grille métallique. L’un des deux tapote sur un terminal de contrôle fixé au mur et la grille s’ouvre. Ils me poussent et je bascule dans une cellule étroite et sombre. Elle me rappelle le placard, sauf qu’Elsa n’est pas là. La grille se referme.

Une lucarne éclaire faiblement la cellule et je distingue une silhouette. Des mains m’aident à me relever. Mes yeux s’habituent à l’obscurité, je discerne un visage d’homme.

       — On dirait qu’on est dans la même galère, me dit-il. Je m’appelle Elias.

       — Eliott.

       — On a le même âge, ma foi !

Il me tend la main. Tout ça a déjà un goût de déjà-vu.

       — Pourquoi es-tu ici, Elias ?

       — Longue histoire.

       — J’ai tout mon temps.

Il rit et moi aussi. Peut-être avons-nous rencontré le même homme en costume. Nous adossons à un mur de béton. Il prend une profonde inspiration avant de me raconter.

       — Tout a commencé le jour où mon portable s’est mis à biper.