J’ai essayé de vivre mais tu m’empoisonnais,
Derrière les pianos et la cours du lycée,
Entre quatre autres murs, partout semble être toi, mais plus serré, plus sale.
On m’avait dit : tu montes en gamme :
C’était déjà beau, là ça le sera plus,
Plus encore.
Mais ce que j’aime est beau, le reste est superflu ;
Je te perds peu à peu
Si je ne t’ai pas déjà perdu.
Je pourrais peut-être te retrouver : mais c’est vraiment possible ?
Je pourrais revenir que tu n’y serais plus.
Le temps a filé, inflexible :
Je pourrais revoir tes quatre murs,
Je pourrais revivre des jours avec toi,
Je pourrais même revenir
Que tu serais un souvenir.
Je pourrais lâcher l’aventure,
Je pourrais laisser tout ça derrière moi
Et je pourrais ne plus bouger
Que tout aurait quand même changé.
Moi qui croyais avoir enfin trouvé un monde qui m’aime, et que j’aime, et qui reste le même,
(Et pourtant je ne m’en suis pas satisfaite et je suis partie…
Pourquoi pas m’attendre, hein ?
On irait toujours sans jamais avancer,
On revivrait en boucle la vie du passé,
On ne dormirait plus pour ne plus rien en perdre
Et pour ne plus jamais,
Plus jamais
Regretter.
On oublierait le temps, on oublierait l’espace,
On oublierait l’oubli, ces changements qui cassent
Toujours tout,
Et plus jamais, jamais
Je n’oserais
Te quitter.)
Les profs qui vous revoient,
Les gens qui nous contactent,
Les amis qu’on revoit
Différents, mais intacts,
Dans la chaleur de l’été qui toujours me rappellera comment ça s’est fini trop tôt,
Dans le froid de l’hiver qui me dit d’arrêter un peu tout et de passer la soirée dans les photos.
J’ai essayé de vivre mais tu m’assassinais
Lentement,
Et avec toi les amours impossibles,
Les amitiés insubmersibles,
Les rires au mauvais moment,
Les pianos et les profs et la cour du lycée,
Toutes ces choses dont je n’ai jamais mieux su mesurer la valeur que quand je les perdais.
Ces choses qui faisaient parfois mal, mais c’était confortable quand tu me consolais.
Et j’ai fermé les yeux mais tu n’as pas bougé
Et tu es là, tu es là, tu restes :
L’immobilité crépitante d’une bûche cramée qui brûle un peu encore de sa chaleur éteinte ;
La fumée des camps scouts qui entre dans les yeux, les pique,
Se mêle à la noirceur du chamallow grillé,
Nous fait pleurer,
Et imprègnera ce pull qu’à jamais je prendrai,
Le soir,
Au milieu de mes bras pour pleurer.
Ecrire, écrire, écrire, écrire pour marquer le temps,
Pour le maîtriser,
Écrire, écrire encore, et lire pour sortir du temps,
Pour s’en échapper,
Car moi, je voulais vivre, mais tu m’as tuée.
« Mais ce que j’aime est beau, le reste est superflu ; » je saurais pas dire pourquoi, mais ce vers m’a bien parlé, j’imagine que j’ai longtemps ressenti les choses comme ça
« Et je pourrais ne plus bouger/Que tout aurait quand même changé. » ça aussi ça me parle, ça me plaît
« Et imprègnera ce pull qu’à jamais je prendrai,/Le soir,/Au milieu de mes bras pour pleurer. » ce passage aussi, j’aime beaucoup. Les précédents, c’était pour l’image, pour l’écho à ma vie, et là… Ya aussi un écho personnel, mais j’aime aussi comme tu injectes du concret au propos, dans le rythme.
Le passage entre parenthèses est mon préféré du poème, sans doute parce qu’il parle de temps et d’oubli, avec tous ces conditionnels, il se dégage quelque chose de fort
Je suis sans doute un peu moins fan de ce poème, et en même temps ses hauts sont parmi mes préférés du recueil. Le rythme m’a paru osciller entre excellent et un poil en dessous de d’habitude, par exemple avec « Je pourrais laisser tout ça derrière moi », ou certains des longs vers comme « Toutes ces choses dont je n’ai jamais mieux su mesurer la valeur que quand je les perdais. »
Ici on chipote hein, en vrai tout ce qui parle de temps ça me parle beaucoup. La dernière strophe, à ce titre, fait passer beaucoup d’émotion en peu de mots, encore une fois.
Joli poème, avec des tournures chouettes et des petits détails qui le rendent plus personnel (notamment la fumée des camps scouts, la cour du lycée). J'ai bien aimé l'image des 4 murs du début, qui peut à la fois fasciner et parfois enfermer. Belle trouvaille.
Petit passage que j'ai bien aimé :
"On irait toujours sans jamais avancer,
On revivrait en boucle la vie du passé,
On ne dormirait plus pour ne plus rien en perdre
Et pour ne plus jamais,
Plus jamais
Regretter."
J'adore les répétitions de jamais quand c'est bien fait^^
Un plaisir de te lire,
A bientôt !
J'ai beaucoup aimé cette poésie. Il y a plein d'images dedans, plein de détails mais qui donnent du relief à cette mini-histoire, qui la rendent plus réelle. Typiquement, je pense à la fumée des camps scouts, ou bien "tu montes tout en gamme". J'ai aussi beaucoup aimé cette strophe entre parenthèse, c'était audacieux d'en mettre autant, mais ça marche !
Enfin, voilà voilà, à la prochaine !
Mais au delà du changement, c'est amusant la réalisation que rien ne change.
Après tout, la vie n'est qu'une réaction chimique cérébrale, entre "quatre" murs, et la poésie est son fantasme. D'être plus, que ce qu'il en est. De prétendre aimer plus, qu'il ne s'est jamais aimé.
Après, ça reste mon interprétation.
Et ton interprétation m'intéresse vraiment beaucoup car je n'avais pensé à rien de tout ça, et ben... c'est vrai je pense haha
Tu me fais comprendre ce que j'ai écrit (ça me fait vraiment réfléchir), j'adore, merci