PERE MAHIEU 7

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PERE MAHIEU     7

 

 

Le lendemain, le réveil fut difficile. Leur sommeil trop agité ne leur permit pas de récupérer complètement de la fatigue des jours passés.

 

Mais la bonne odeur de café et de cidre chaud les réconforta. Grégoire, levé de très bonne heure disposait sur les tables, des pains pliés, du beurre salé et du Jambon Fumé. Ce robuste casse-croûte leur donnait envie de tout goûter. Lili aimait aussi le gras du Jambon Fumé.

 

De nombreux clients envahissaient la salle de Redoutable-Auberge. Dans un brouhaha incessant, ces personnes se racontaient l’existence qu’ils allaient quitter. En partance pour Le Monde-Nouveau chacun avait l’espoir de découvrir là-bas, un pays d’avenir pour y construire leur nouvelle vie. Dans la soirée, ils allaient tous embarquer sur le Tatinic : un fameux bateau, pour une bien bien longue et éternelle traversée…

 

Une fois rassasiés et la toilette terminée, alors que le jour se levait à peine, Lili et les deux hommes espérèrent la venue du Père Mahieu. Le soleil commençait tout juste à poindre, quand la porte de Redoutable-Auberge s’ouvrit d’un coup. Une ombre encapuchonnée franchit rapidement le seuil. C’était le Père Mahieu !

**- Nom d’une pipe en bois ! Quel froid de canard ! C’est pas un jour à mettre le nez dehors !

 

Claquant au sol ses sabots recouverts de grésil, il s’ébroua en enlevant son manteau fourré de peau d’animal à longues oreilles. Cependant, bien enfoncé sur la tête, il garda son bonnet en laine cousu d’une ancre de marine. Il portait une vareuse délavée et un large pantalon corsaire sur des chaussettes épaisses. Il s’appuyait pour marcher sur son bâton en Bois-Tourné, qu’il avait lui-même sculpté au couteau, à l’époque où il naviguait.

 

**- Brououou ! Quel temps de chien ! Quoi d’nouveau Grégoire depuis hier ?

Et il s’assit à sa place coutumière, sortit de sa poche son vieux et fidèle couteau Picaléde qu’il planta dans le bois épais de la table. C’était son rituel. Et il posait cette même question tous les matins au Patron, persuadé d’apprendre une nouvelle étonnante qui par la suite ferait sensation quand il la relaterait. Eh bien oui, ce matin-là, la nouvelle serait catastrophique...

 

Les deux hommes et Lili s’approchèrent de lui.

 

         **- Bonjour Père Mahieu, on vous attendait. Je suis Dann, Capitaine de la Débrouillarde et voici mon Second, Escogrif. Heureux de vous rencontrer.

 

Le vieil homme leva les yeux. Les boucles de ses cheveux blanchis encadraient un visage buriné par le soleil et la mer. Des rides profondes marquaient son grand âge. Mais ses yeux gardaient une vivacité étonnante. Son regard d’un bleu profond harponnait le vôtre sans que l’on puisse s’en détacher facilement.

 

Dann, fut troublé un instant. Oui, Escogrif disait vrai, le Père Mahieu l’étonnait dès la première rencontre.

 

**- Ben alors jeunes gens, qu’est-ce qui se passe ?

 

Il ne semblait pas surpris de les voir. Il dégagea un banc et leur fit signe de s’installer à sa table. Il avait tout de suite repéré les pattes et les plumes étranges d’Escogrif. Cependant il ne fit pas de remarque. Il avait déjà entendu des ouï-dire à propos de ce phénomène, mais en doutait. Voilà se dit-il, maintenant, avec certitude, je pourrai le raconter.

 

Dann ne savait pas par où commencer. Le Père Mahieu posa ses deux mains rugueuses sur la table.

 

         **- Alors ? Vous l’avez vu ? Des rumeurs courent un peu partout sur la côte. Les marins racontent, mais c’est des on-dit. Rien de bien convaincant. Et personne ne sait vraiment.

         **- Mon Dieu oui, on l’a vue ! Hélas oui ! Mais on ne comprend pas, c’est une chose qui avale et qui tue la vie en mer !

 

Le visage du Père Mahieu devint grave. Ses yeux si clairs s’assombrirent.

         **- C’est donc vrai alors ?

        

         Dans un soupir commun, les deux hommes hochèrent la tête…

 

 

Grégoire apporta trois chopines de cidre chaud et fumant. Les mains serrées autour des moques, ils se turent un moment en buvant quelques gorgées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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