Un pied dans le sable. Une main sur le cabas. Ce marché du dimanche est une bouffée d’air frais que rien ne saurait entamer. Picorant de ça de là sur les étals, ils suivent tout bonnement l’odeur de l’iode pénétrant leurs manteaux de citadins. La plage est à quelques encablures et, sous le soleil qui rayonne déjà, les coquillages et crustacés semblent jouer les prolongations de la soirée de la veille. La marée remonte doucement tandis que la criée bat son plein de l’autre côté du port. Autour d’eux, les effluves de ce monde marin se fondent à celles, incongrues, de saucisses et de poulets qui dorent dans l’attente du repas de midi.
C’est pourtant vers la petite cabane posée au sommet de la ruelle ouverte sur le vieux port, surplombant le marché, que ses pas la portent. Elle gravit les quelques marches qui la séparent de l’entrée et ne peut s’empêcher de lire sur le tableau noir, un peu bancal et posé devant la petite porte bleutée, les quelques lettres à la craie blanche tracées d’une main fine. Alors, en une arabesque enfantine, elle initie un pas de danse et virevolte légèrement. « Des huîtres ! » s’écrie-t-elle. La joie illumine son visage. C’est comme si elle avait découvert des pépites d’or dans son tamis.
Attablés à l’extérieur, sous le soleil désormais à son zénith, elle savoure une douzaine d’huîtres, un verre de vin blanc sec arrimé à son assiette tel un phare guidant les mollusques vers son escarcelle. Lui la regarde, ne dégustant du déjeuner qu’un verre du même vin, un peu vert à son goût mais cadrant parfaitement avec le décor champêtre dont il se délecte. La vérité semble émaner des lèvres de sa belle, laquelle goûte le plaisir simple de ces huîtres dénichées tel un trésor dans le recoin perdu d’une antique contrée. Elle est si lumineuse, toute affairée à écoper le jus qui dégoutte de ses doigts avides de n’en perdre aucune once. « Encore quelques-unes ! » lance-t-elle à peine terminé le plat dans lequel s’entassent les coquilles vides, luisantes sous les rayons printaniers.
Le café attendra. La plage s’offre à eux, toute entière dédiée à leurs pérégrinations. Et puisque le temps n’a aucune prise sur eux, les heures sont libres de s’étirer à perte de vue. Il ont juste besoin de savourer des huîtres et de marcher sur la plage.