Un soir, il l’avait fait pleurer. Sans vraiment le vouloir. Sans vraiment le savoir. Mais pas sans le regretter.
Elle avait eu des mots trop insouciants ce soir-là. Trop naïfs pour lui. Elle l’avait nargué, de toute sa joie, tout son espoir. Son insouciance l’avait accablé. Elle avait piqué ses nerfs. Il avait reçu son sourire comme mille épines. Indolores, mais irritantes. Il avait perdu son calme. Haussé la voix. Détruit sa poésie. Ses mots de paumé avaient été trop crus. Trop acides. Il avait abattu en plein vol les espoirs qu’elle construisait. Sans vraie justification.
La frustration de la journée avait alimenté la dispute. Celles du mois l’avaient prolongée. Celles de sa vie lui avaient fait lever le poing. Bloqué en l’air, prêt à cogner, il s’était finalement contenté de partir.
Elle n’avait pas pleuré tout de suite. Elle s’était redressée. Avait refermé la porte. Remis de l’ordre dans son appartement. C’est lorsque l’anarchiste avait appelé pour échanger des banalités que la peine avait éclaté. Lorsque la tendresse aveuglante avait disparu, qu’elle avait réalisé. Au moins le temps de quelques minutes.