L’anarchiste avait passé une nuit avec elle. Une seule. Il avait eu son corps entre les bras. Son visage contre son torse. Ses cheveux au creux du cou. Il avait écouté ses sanglots, caressé son dos, embrassé son front. Il avait attendu patiemment que la peine passe. Et gardé au creux des mains le désordre qu’elle s’évertuait à cacher. Et puis elle s’était endormie. Son souffle s’était apaisé, et même si ses joues n’avaient pas séché, ses larmes s’étaient figées.
Il avait fermé les yeux. Et de toutes ses forces, avait espéré que le temps s’arrête.
Il voulait rester allongé, au milieu du taudis, sur un matelas trop étroit, sous ses couvertures trop rêches, dans cette chambre trop glaciale. Il voulait garder avec lui la sensation du souffle chaud contre son torse. De la douceur des cheveux qui lui glissaient entre les doigts. Des mains tremblantes qui s’agrippaient à son dos. Il voulait se souvenir de tout. Le moindre détail. Du rythme de ses battements de cœur, jusqu’à l’odeur de la pièce. Il voulait, chaque soir, les yeux clos, retrouver un morceau de ce rêve. Un morceau de cette étreinte. Une poussière de leur affection. Il voulait qu’elle reste là, au creux de ses bras, la tête contre son cœur.
À son réveil, elle n’avait pas bougé. Il avait eu l’audace de croire qu’elle ne le quitterait plus.
Mais elle avait fini par s’évaporer. Elle avait embrassé sa joue, claqué la porte, et filé vers la gare sans se retourner, sans lui faire signe. Un de ses au revoirs détestables.