Le Diable arrive tel une bombe soufrée dans la pièce dans laquelle Elizabeth était tranquillement en train de trier les papiers sur son bureau.
- LE DIABLE -
Oui, je sais que ce n’est ni mon jour ni mon tour mais je sais aussi que vos affreux patients ont autre chose à faire que de venir vous embêter à cette heure-là, que vous en profitez pour faire vos comptes et rapports et qu’en vrai vous êtes très contente que je vienne vous distraire de cette corvée. Votre bouche-trou pour ainsi dire. En tout bien tout honneur bien entendu.
Ne me parlez pas de vacances ! À peine commencées, j’ai dû les écourter. On essaye de se relaxer 5 minutes et POF !
C’est assommant, oh non vraiment, on ne peut jamais se reposer : toujours un incendie, un feu, un drame ! Fermeture du bureau de vote sans m’attendre, ils auraient pu prévenir quand même… et bien sûr personne n’a voté pour moi, mais pour une femme, ça devrait être interdit mais comme c’est elles qui font le règlement... Bon, j’avoue que son texte n’était pas pour me déplaire dans le genre ténébreux mais ce n’est pas une raison. Et vous n’avez encore rien entendu. Vous savez la meilleure ?
Fermeture du site. PAF. Voilà. Comme quoi on ne peut plus compter sur rien ni personne de nos jours !
Cela même alors que c’est un honneur et un avantage de m’avoir comme auteur. Je pense que ça leur a fait peur car j’attire la polarité, euh non, la popularité.
Mais que voulez-vous ? Soi-disant, les gens se plaignent, contestent les règles des concours, postent des commentaires grinçants, sont mauvais joueurs…
HEIN ?
De qui se moque-t-on ? Je suis toujours très poli et fairplay et ne me sens pas concerné du tout.
Pas du tout concerné mais absolument consterné.
Vous insinuez que c’est à cause de MOI ?
Enfin bon, si elles ne voulaient pas que je vienne, elles n’avaient qu’à asperger leur site d’eau bénite, c’est pourtant simple.
Non, je vais vous dire ce que c’est le problème. Les gens de nos jours n’ont plus aucun sens civique ni aucun respect du travail d’autrui.
Oui, c’est vrai que j’ai parfois un tout petit peu exagéré mais c’est ma prérogative de Diable. Passons, la culpabilité étant l’ennemi numéro public numéro un de l’action constructive et réfléchissons plutôt. Comment les convaincre de continuer ? Je pense qu’un petit chèque de dix-m….
Comment ça l’argent ne résout pas tout ? Ah, mais si je vous l’assure, croyez en ma vieille expérience. Tout a un prix en ce bas-monde.
Au lieu de fermer bêtement leur site sur des années de travail, je pense qu’elles feraient mieux de rechercher un investisseur. Ce qu’il leur faut c’est de l’énergie masculine. Plus gros plus FORT, plus PUISSANT ! Je vais leur écrire une petite lettre en ce sens avec une proposition beaucoup plus alléchante et irrésistible, écoutez plutôt (il se racle la gorge). HUMHUM.
« Chères petites Administratrices,
Quoi enlever le « petites » ? Et pourquoi donc ? Laissez-moi continuer au lieu de m’interrompre dès les salutations….
Comme vous l’avez certainement constaté avec joie et révérence, je vous ai fait l’honneur de choisir votre plateforme entre toutes pour publier mes aventures sur le Divan, recueil passionnant d’histoires vraies, cocasses et érotiques de qualité.
Pas mal comme début, non ? Je continue.
Le seul point sur lequel je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, c’est votre politique sur l’IA dont je suis l’initiateur principal et que je ne me prive pas de détourner à mes fins diaboliques.
Et je ne suis pas le seul vous savez, par exemple les ados... Oh, vous avez raison, ne nous laissons pas distraire par l'IA et continuons.
Mais je suis beau joueur, d’autant plus que côté écriture je me débrouille aussi très bien tout seul. On ne m’appelle pas le Démon de l’écriture pour rien.
Qu’en pensez-vous ? J’avoue. Je suis assez fier de moi.
Vous comprendrez donc que c’est avec consternation que j’ai appris la nouvelle de la fermeture de votre site après 18 ans de dur labeur.
Je vous comprends. Les gens n’ont plus aucun respect de nos jours. La critique est facile mais l’art est difficile. Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne risquent rien. Croyez-moi, les obstacles que vous rencontrez sont le fruit de votre courage et non de votre incompétence.
Je suis sûre qu’elles vont apprécier mes proverbes empreints de sagesse.
Ce dont vous avez besoin plutôt que de baisser les bras, c’est d’un partenaire de confiance à vos côtés. Aussi ai-je une proposition business à vous faire et vous proposer de racheter votre site pour la coquette somme de (DING DONG). OH ! Pourquoi est-ce que vos affreux patients ne sont-ils pas en week-end comme tout le monde ?
Colissimo pour le voisin ? Comme quoi personne n’est à l’abri. Revenons à nos moutons. Vous pensez qu’elles vont mordre à l’hameçon ?
C’est vrai que c’est une jolie somme. Qui veut la fin veut les moyens. Mais attendez, j’ai gardé le meilleur pour la fin.
J’en profiterais pour changer le nom de votre plateforme en Plume d’Or plutôt que Plume d’Argent que je trouve plus adapté pour qualifier ma plume.
En vous remerciant d’avance de l’attention que vous ne manquerez pas de porter à ma demande - n’hésitez pas à me dire en commentaires ce que vous en pensez - je vous adresse mes plus infernales salutations.
Votre beau Diable »
J’ai rajouté beau même si c’est un pléonasme. Pas mal comme proposition, n'est-ce point ?
Le Rebranding. C’est ça la solution.
Si vous pouvez vous permettre une petite question ? Demandé comme ça… Je vous l’accorde.
Si MOI j’ai donné sur le Patreon ? Bien sûr que non et quel rapport ? Patreon c’est pour les pigeons qui aiment payer ce qu’ils pourraient avoir gratuitement et… quel Patreon d’abord?
Ah bon, elles ont un Patreon maintenant ? C’est plutôt un patron qu’il leur faudrait. Un bon patron bien droit et bien sévère comme on en faisait au bon vieux temps. Je me propose de prendre le poste à la place de leur Patreon et je…hein?
Sur mon honneur je n’avais pas vu. Enfin peut-être maintenant que vous le dites. En fait je n’ai pas encore donné, mais j’allais le faire, parole de Diable. Quand j’aurais gagné le concours et publié mon manuscrit grâce à la victoire mais à cause de cette nouvelle supercherie, les dés étaient doublement pipés, je n’avais absolument aucune chance sous le soleil et je… AH ! Ça me donne une autre idée. Brillante par ailleurs comme le soleil et comme toutes mes idées.
Héhé.
Je vais faire un appel de fond Patreon. Comme une cagnotte Litchi en mieux.
Les calculs sont vite faits. Huit mille membres. Si chaque membre donne un euro ça fait huit mille euros, dix euro quatre-vingt-mille et cent euros huit-cent-mille. Un petit million, voilà qui devrait largement les récompenser de leur peine et me fera économiser sur la somme que je pensais leur offrir. On ne pourra plus dire que je suis le mal incarné mais plutôt le bienfaiteur de l’humanité et l’avenir de l’écriture en ligne. Et ceux qui ne payeront pas et qui auront profité et râler sans donner aurons affaire à moi. À bon entendeur salut !
Pour montrer l’exemple car je suis un partisan du lead by example comme vous le savez, je vais faire mon don en direct… voyons voir, www… (il pianote sur son i-phone).
Ça devrait couvrir les frais de rebranding et la cure ayurvédique au Sri Lanka pour évacuer le stress dont elles ont fait l’objet. Et il restera du rab pour des trucs de filles qui préfèrent faire du shopping et boire du matcha latte plutôt que de gérer les aléas bien normaux d’une platefor… OH BEN ÇA ALORS ? Elles ont enlevé le lien ! Comment vais-je lancer ma cagnotte moi ?
Comment ça tout simplement respecter leur choix ? Mais enfin, c’est paradoxal de respecter un mauvais choix ! Il faut savoir se battre !
Quoi manque de respect et de reconnaissance ?
Et MOI ? Et MOI ? Et MOI ? Où vais-je pouvoir perpétuer mes méfaits à présent ? Je suis bien malheureux…. Je vais devoir aller sur Ouate-Pad ou sur une de ces affreuses plateformes carrousel où tout le monde se gratte le dos sur le modèle du marketing pyramidal où seuls les premiers sont gagnants et je… QUOI ?
Ah, ça ? (Il jette un triste coup d’oeil à la pile de feuillet qu’il était en train d’agiter furieusement) C’est la suite de l’histoire que je ne finirai donc jamais de publier ici. Pauvre de moi. Pauvre de vous. Tenez, je vous la laisse.
Le Diable s’en va tout malheureux chercher un autre endroit où perpétuer ses méfaits.