Pourquoi aime-t-on ces histoires horribles ?

Par Ewen

Bien bonne question, merci de la poser.

M’est avis qu’on aime les histoires qui font peur, car elles sont en fait conçues comme des contes pour enfants. Si, si, je vous assure. Regardez plutôt :

- Pour commencer, une situation initiale simple, et vite expédiée ;

- Des personnages antagonistes qui inspirent la peur (et donc des « héros » inspirant la pitié) ;

- Et puis une sorte de morale à l’histoire, plus ou moins implicite.

 

Même le but de ces deux types d’histoires est le même : faire peur aux âmes sensibles, qu’elles apprennent qu’elles ne sont jamais parfaitement en sécurité. Car c’est ça la « grande morale », si on devait en trouver une pour toutes les légendes urbaines que j’ai cité précédemment. Souvenez-vous du Petit Chaperon Rouge de Perrault : il n’y a pas de chasseur pour la sauver dans la version originale ! On peut d’ailleurs se demander s’il ne s’est pas perdu en forêt pour tomber sur une cabane bizarre, du coup…

Ainsi, selon moi, si nous aimons autant ces horribles petits contes, c’est qu’ils nous font pendant quelques instants, quelques minutes, nous retrouver dans notre lit d’enfant, aux côtés de notre bon papa qui raconte si bien les histoires. Elles nous font sortir un moment de notre quotidien compliqué, car elles, elles ne le sont pas, et on aime leur situation initiale, où tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il y a d’ailleurs tout à fait moyen de faire le lien avec bon nombre de films d’horreur, dont la situation initiale nous présente bien souvent des personnages très simples, ayant une vie normale, et qu’on envie d’une manière ou d’une autre.

Enfin, comme tout bon conte, ces histoires à faire peur matérialisent nos craintes, par exemple en leur donnant la forme d’un personnage mystérieux et effrayant, comme un tueur. Une légende urbaine, réaliste, enclos donc nos peurs en elle. Ces peurs ne sont alors plus aussi vagues que celles de nourrissons, qui ne peuvent pas imaginer de loup ou de sorcière. Elles ont une forme, parfois un nom, et nous pouvons les « contrôler », décider de les faire ressurgir en choisissant de lire, ou de se faire raconter l’histoire. De cette manière on joue avec nos peurs : on les utilise pour se divertir.

 

Finalement, ce sont de bêtes contes pour ados et adultes.

 

Donc nous aimons les histoires qui font peur, car pour les maîtriser – nos peurs –, il ne faut plus qu’elles nous soient inconnues. Il faut les vivre, les ressentir, puis si besoin les exprimer, les partager, pour qu’elles n’aient plus le même effet sur nous. (Le fait de raconter ces histoires est donc plutôt thérapeutique, pour moi !)

 

N’empêche, on se demande quand même pourquoi de simples petites histoires arrivent à nous effrayer ainsi. On s’étonne qu’elles provoquent en nous ce sentiment, fassent monter le stress pour finir par nous surprendre. Et c’est pour ça qu’on les écoute, qu’on les lit : on attend le jour – le soir, plutôt, c’est mieux le soir – où l’on comprendra les mécanismes de ces légendes. En attendant, on se convainc que c’est juste le contexte dans lequel on nous les a racontées qui nous empêche de dormir…

 

C’est donc aussi la peur elle-même qui nous fascine, dans ces histoires.

Car même si ce qui nous effraie n’est qu’imagination,

La peur, elle, est bien réelle.

 

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