Il en avait déjà vu. Hautains, méprisants, engoncés dans leur dogme et leurs idées préconçues. Si fascinant pourtant. Il les avait vus plier l’ordre et la matière à leur volonté, ordonner le chaos ou au contraire déchirer la trame de la vie. Armés de parole sainte, d’objets tous plus mystérieux et étrange les uns que les autres, ils pouvaient plier la marche de l’ordre à leur désir. Il avait assisté à cela. Et pourtant...
La tour se dresse devant lui. La clairière est parfaitement octogonale, l’herbe rase est, il le sait, exactement aligné avec Omyriia l’astre d’argent. Les nuages opalescents ont ce mouvement giratoire typiques des Tours d’Ascension, et la construction, moyeu central de cette curieuse rotation est d’une affligeante banalité. Environ trois cents pieds de pierres grises sans ornements, ni gracile ni massive. Aucune ouverture ne se distingue, le sommet est plat. Il se retourne, son tuteur est parti.
La magie, enfin. Il est l’un des Riiadanse, un appelé, un élu. Il peut toucher l’immatériel, il a appris à le forger à ses caprices. Son tutorat s’achève, une dernière ascension et il pourra lui aussi fouler le monde comme un dieu. Il la sent tout autour de lui, il peut la cajoler, la fouetter, la tordre, la caresser. Il saisit son bâton, récite les bonnes paroles et la paroi de la tour lui faisant face se déchire. Une ouverture en amande de deux fois sa taille se crée, l’invitant dans l’obscurité du bâtiment.
Ploc.
Il se retourne une nouvelle fois. Rien. Les limites de la clairière sont silencieuses, la frondaison murmure à peine dans une brise quasi inexistante.
Ploc.
Quelque chose ne va pas songe-t-il. S’agenouillant dans l’herbe, il tend l’oreille. Aucun bruit ne vient troubler la douce tranquillité du lieu. Il se fait silence, apaisant son cœur, sa respiration, ses pensées, s’ouvre à l’écoute et devient réceptacle pour le son.
Ploc.
Là ! Curieusement le son n’a pas franchi ses oreilles. Encore plus profondément, il s’enfonce dans l’écoute. Il franchi le seuil vibratoire de l’acoustique classique. Le murmure du vent se mue en une plainte sourde et grave faisant vibrer les dents. Il entend désormais la matière vivre et croître tout autour de lui. Mille craquements, grincements, petits cris et soupir. Plus bas encore il entend désormais le chant bouleversant de la magie, des millions de voix sur une seule harmonique qui s’entremêle, danse et virevolte.
Ploc.
Le bruit est fracassant. Une lame qui le balaye et le soulève. Brutalement ramené dans la réalité de sa chair, il vomit tripes et boyaux.
De lui, ça venait de lui. Quelque chose pleure. Il n’a lancé aucun sort et pourtant effleuré comme jamais la trame du réel.
Il se relève nauséeux, ramasse son bâton, s’écartant de la flaque de bile. Autour de lui, rien n’a changé. Il tend le bras, murmure les mots, aussitôt l’air entourant sa main devient épais comme de la gelée.
Souriant, il s’avance dans l’ouverture de la tour, en franchis le seuil, regarde une dernière fois derrière lui et referme la tour.
Pl...
Tes mots biens choisis et ta syntaxe agréable, soignée, m'ont tout de suite plu. Le rythme soutenu du récit a fait le reste. Je reste néanmoins sur ma faim. Alors, par curiosité, j’enchaîne sur la suite :-)
Je suis là après avoir lu ta présentation de profil. Je voulais voir ce qu'était un massacreur de mots 😅 Je ne vois aucun massacre lol
Bonne continuation !