Premier Fragment

Notes de l’auteur : Bonjour ! Pour cause de fatigue extrême et d'emploi du temps chamboulé, je n'ai pas pu publier ce fragment plus tôt comme je l'avais prévu, et je ne pourrais pas mettre en ligne le chapitre 18 tout de suite (ce sera dans la semaine si tout va bien, sinon partez du principe que je fais la sieste).

J’avais envie d’expérimenter avec le concept d’interlude, mais comme ceux-ci sont situés en contre-temps des grands arcs et non comme séparation, il fallait que je leur trouve un autre nom ! Je ne sais pas si je garderais «fragment» pour la version finale mais pour le moment, ça reste pertinent ^^ Bonne lecture !

Le sable se soulevait, vague après vague, comme poussé par le souffle paisible d’un géant endormi. 

Tsisco força ses yeux fatigués à scruter l’horizon, par la petite lucarne de son alcôve d’isolation. Il l'avait déjà fait, il y a longtemps maintenant, et n'aurait jamais cru avoir à recommencer dans de telles circonstances. Derrière lui, le clang des verrous et de l’armure d’une Gardienne résonnèrent, et il prépara son plus beau sourire pour affronter les tourments qui l’attendaient sûrement. 

— Que me vaut l’honneur de cette visite ?

Il se tourna vers la porte, et déglutit presque lorsqu’il constata que c’était la Doyenne en personne qui était entrée - seule, mais ça n’en était pas moins inquiétant.

— J’ai une question pour toi, Tsisco T’Sanssa.

Il acquiesça, avec un air entendu et un sourire compatissant.

— Je sais ce que vous vous demandez. Et, oui, je m’en veux de tous vous priver de ceci. » Il pointa son visage enjoué, et accentua son sourire. « Mais que voulez-vous, un crime est un crime. Vous devez m’exiler.

La Doyenne, totalement insensible à ses charmes, pinça les narines, et glissa jusqu’à lui pour s’installer à ses côtés, dans la douce lumière de la lucarne.

— Nous n’avons pas le pouvoir d’exiler qui que ce soit, et personne ne l’a été depuis des générations. Nous sommes des protectrices, rien de plus.

— Flippantes, aussi, grommela-t-il.

Assez fort pour qu’elle l’entende, mais pas assez pour que cela mérite de rentrer dans la conversation. Elle observa pendant quelques instants les vagues de sable au dehors, puis se tourna de nouveau vers lui, ses yeux jaunes nimbés de gris.

— As-tu eu des nouvelles de ton fils ? demanda-t-elle finalement.

Il était surpris qu’elle lui pose la question si directement, mais pas par son contenu. Les Gardiennes le cherchaient toujours, après tout.

— … Non, admit-il.

Il aurait aimé pouvoir lui mentir, mais c’était malheureusement la vérité. Il n’avait vu aucune des deux petites pattes de son bébé lézard depuis la nuit où ils avaient tentés de fuir tous les deux. Tsisco était terrifié pour lui, et il devait résister à l’envie de se jeter en larmes devant la Doyenne pour lui demander de le laisser sortir de cette stupide alcôve et retrouver son fils.

— Et, euh, de votre côté ? demanda-t-il le plus dignement possible.

— Quatre Gardiennes ont suivi sa trace, répondit la doyenne. Elle s’arrête auprès d’un Sussiri, et des débris du bateau que vous avez volé.

Ce n’était évidement pas une bonne nouvelle. Les Sussiri étaient de redoutables créatures, même si la plupart des Kèvriens pouvaient les semer en serpentant à pleine vitesse. Pour Sehar, en revanche, et sans bateau…

— Tsisco.» La Doyenne secoua la tête. « Le pouvoir de Sehar… Nous ne le sentons plus.

— C’est… qu’est-ce que ça veut dire ?

— Qu’il est trop loin de nous. Ou qu’il n’est plus… 

Elle ne termina pas sa phrase, mais Tsisco n’en eut pas besoin pour deviner le reste. Son coeur se serra, comme si la Doyenne avait refermé sa main dessus pour le lui arracher.

— Je suis désolé, Tsisco. Nous allons le chercher une dernière fois, mais ensuite… il faudra inscrire son nom dans les archives.

— Il est juste trop loin, c’est tout. Il n’est pas… A quelle distance vous pouvez vous sentir, au juste ?

Elle le fixa, son regard indéchiffrable - puis inspira, et ferma les yeux.

— Je sens mes soeurs qui se tiennent aux comptoirs, de chaque côté du désert, répondit-elle, les paupières toujours closes. Je peux toutes les sentir, mais pas lui. Et… il ne peut pas être allé aussi loin. Pas sur deux jambes.

Tsisco grimaça, secoua la tête, et retint un rire nerveux qui l’étrangla à demi.

— Vous ne le savez pas, ça, parvint-il à couiner.

— J’en sais assez.

Il se tourna vers elle, avec un regard assassin, et cette fois-ci, sa voix resta stable.

— Vous saviez que les Gardiennes ne pouvaient être que des femmes, et pourtant, mon fils est là, il existe, et quel que soit le truc qui vous donne ce pouvoir, ce truc a l’air de s’en foutre, de ce que vous savez. Alors n’essayez pas de me faire croire que vous savez ce dont il est capable. Sehar est vivant. 

Le regard qu’elle lui renvoya le figea sur place. C’était ce mélange de peine, presque d’affection, qui le déstabilisa - et l’impression qu’elle pouvait fouiller son âme jusque dans les recoins sales et mal rangés, et il y en avait en quantité. Pourtant, malgré ce qu’elle semblait voir, ce qu’elle pouvait saisir de lui, il n’y avait aucun dégoût, aucune pitié. Juste sa présence.

— Comment le sais-tu ? demanda-t-elle enfin. Peux-tu le sentir ?

Elle posa une main sur le coeur de Tsisco, et il s’en fallut de peu pour qu’il fonde en larmes.

— O-oui, parvint-il à répondre malgré le poids qui écrasait sa gorge. Ça vous en bouche en coin, hein ?

La Doyenne retira sa main, et sourit doucement, avant de se tourner de nouveau vers le désert. Tsisco sentit aussitôt sa présence diminuer, et un léger froid qui hérissa ses écailles prit sa place. 

— S’il est vivant… il est peut-être trop loin pour retrouver seul son chemin. 

Tsisco n’était pas certain de ce qu’elle voulait dire par là, mais elle s’éloigna avant qu’il n’ait trouvé le courage de le lui demander. Elle s’arrêta au bord de l’alcove, juste avant d’en sortir, les yeux tournés vers un ailleurs qu’il ne pouvait voir.

— Nous le chercherons, une dernière fois… et s’il est vivant, où qu’il soit…

De nouveau, elle ne termina pas sa phrase, mais il la compléta seul alors que la porte se refermait derrière elle.

On va te retrouver, petit lézard. Promis.

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Nanouchka
Posté le 31/01/2022
Salut Anatole,
Je ne m'attendais pas du tout à ce fragment, mais il m'a fait du bien. Il est fluide, et il nous ramène à des enjeux qu'on ne veut pas perdre de vue. Les deux personnages fonctionnent. Tsisco est hyper attachant.
AnatoleJ
Posté le 04/02/2022
Salut Nanouchka :D
Je suis toujours content quand quelqu’un trouve Tsisco attachant, c’est le meilleur papa (c’est pour ça que Sehar est si gentil, il a eu un bon exemple à suivre)
Merci pour ton commentaire :)
Mathilde Blue
Posté le 26/07/2021
Coucou :D

Avec un peu de retard, me revoilà ^^ J’espère que depuis la publication de ce fragment (joli nom d’ailleurs, même si j’avoue qu’avec ce nom j’imaginais totalement autre chose xD) tu as pu te reposer et recharger tes batteries !

D’ailleurs, je suis un peu à l’ouest, quand j’ai lu le nom de Tsisco j’ai d’abord pensé au cheval x) Bref, ne fais pas attention, je te promets que je suis parfaitement réveillée en écrivant ce commentaire ^^

Sinon j’ai beaucoup aimé ce petit détour par le désert ! Ça m’a fait très plaisir de retrouver Tsisco (même si maintenant je suis en pls T_T), et c’était chouette de voir ce qu’il se passe en dehors du groupe !

Mes notes :

« Le sable se soulevait, vague après vague, comme poussé par le souffle paisible d’un géant endormi. »
Je voulais juste dire que cette phrase est trop jolie T_T

« et il prépara son plus beau sourire pour affronter les tourments qui l’attendaient sûrement. »
Deux paragraphes et j’ai déjà envie de pleurer T_T

« Je sais ce que vous vous demandez. Et, oui, je m’en veux de tous vous priver de ceci. »
Au moins il n’a pas perdu son humour xD

« Tsisco était terrifié pour lui, et il devait résister à l’envie de se jeter en larmes devant la Doyenne pour lui demander de le laisser sortir de cette stupide alcôve et retrouver son fils. »
C’est bon, je pleure T_T

« Il se tourna vers elle, avec un regard assassin »
Je trouve qu’ici la virgule casse un peu le rythme, à mon avis tu peux t’en passer !

« et il s’en fallut de peu pour qu’il fonde en larmes. »
Moi c’est fait, t’es cruel T_T

Voilà voilà ! J’essaie de commenter les chapitres suivants rapidement ! :D
AnatoleJ
Posté le 28/07/2021
Coucou :D

Non, mes batteries sont toujours à plats, c’est pour ça que je réponds si tard et que je reprends du retard sur mes lectures (et l’écriture aussi, en prime), j’ai que trois neurones qui fonctionnent c’est la galère T_T (bon après j’ai l’habitude, j’arrive à avancer quand même haha)

« quand j’ai lu le nom de Tsisco j’ai d’abord pensé au cheval x) »
Haha non, Tsari le traître de cheval pie ne fera son grand retour épique que bien plus tard !

Désolé pour les larmes et la pls, mais pour être honnête tous les fragments sont dans la même veine, il y en a pas un pour rattraper l’autre T_T (j’avais déjà dit que j’aimais pleurer non ?)

« Je voulais juste dire que cette phrase est trop jolie T_T »
Aaaah merci ! ! ! En plus j’y ais pas mal réfléchi, je voulais que les premiers mots de Sehar et Tsisco pour parler de leur maison soient proches (jusqu’à « vague » c’est exactement la même première phrase que celle du chapitre 1) mais avec un twist qui colle plus à Tsisco et son énergie tranquille héhé

« Au moins il n’a pas perdu son humour xD »
Si j’avais ramené Tsisco et qu’il y avait eu zéro blagues ça aurait été du gâchis, je m’en serais voulu xD

« Je trouve qu’ici la virgule casse un peu le rythme, à mon avis tu peux t’en passer ! »
Tu as raison, je sais pas pourquoi j’en ai mise une là x)
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