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1er octobre – Écharpe
Châle, mouchoir, serviette, couverture... ton écharpe m'aura servi à tout sauf peut-être essuyer la vaisselle. C'est fou que tu n'aies pas voulu la récupérer ! Elle t'allait bien pourtant. Elle avait encore ton parfum. Bon, ça fait deux ans maintenant, il était sûrement temps de la laver. Parfois je retrouvais des morceaux de trucs dedans. Mais ç'aurait été si dur de m'en séparer, même un seul jour ! Avec elle je pouvais remonter ma couverture sur mon nez même en pleine rue. C'était mon doudou, mon fourre-tout, mon réchauffe-genoux... j'en ai même fait un haïku. Alors si jamais tu en as une deuxième, la même là en crochet d'un beige douteux, bah je veux bien la récupérer. J'ai de l'argent. Ça ne se trouve pas en magasin, des écharpes comme ça.
2 octobre – Courge
COURGE n. f. (lat. cucurbita). 1. Objet non contondant mais qui fait mal lorsqu'il est lancé fort. Ah, ça c'est une belle bosse de courge ! 2. Type de légume entrant dans la composition de certaines soupes et tiramisus, mais dans l'un des deux cas ça n'est pas bon. 3. Femelle du potiron. A donné l'expression familière être roulé comme une courge. 4. HLM pour asticots. 5. Thème du 2 octobre à l'occasion des PAtobers. 6. Déplacement d'un objet dans l'espace. Ah non ça c'est la course.
3 octobre – Tuile
Il restait UN Pringle. D'habitude personne ne veut le dernier, car tout le monde sait que c'est moi qui le prend. Je ne suis pas du genre à m'énerver pour des détails, mais là on est le 3 octobre, c'est mon anniversaire, et quelqu'un a mangé la dernière tuile du ramequin pendant que je déballais mon rouge à lèvres. On est 7 dans la pièce, moins moi ça fait donc 6 coupables potentiels. Maman. Tu as des miettes dans la moustache, fais voir. Mmmh… OK, c'est des miettes de toasts, tu es excusée. Papa, ouvre la bouche. D'accord, alors ça c'est de la pistache, et ça… des restes de rillettes. Prends donc un cure-dent. Mamie, QU'EST-CE QUE TU MÂCHES ?! C'est ça oui, file-le-moi alors ton dentier. Bon, il est clean. Frangin, fais voir tes mains. Mmmh… Elles sont sacrément salées au bout des doigts, comment expliques-tu ça ? Les cacahuètes ? Souffle-moi au visage pour voir, allez. ALLEZ ! … Bien, tu peux aller te brosser les dents à présent. Où est le chien ? Fripouille !! J'ai vu ton museau sur la table tout à l'heure. Donne la patte. Bien. Aboie. Bien. Crache le Pringle. Beurk, ça c'est pas du Pringle. Il ne reste donc plus qu'un suspect à qui faire cracher le morceau… Monsieur Pringle ! Toi et moi sommes les seuls à manger des Pringles dans cette famille, il ne peut donc s'agir que de toi, avoue immédiatement. Hein ? Tu m'accuses MOI d'avoir mangé le dernier Pringle du paquet ? Prouve-le. Ah. Ah oui. C'est vrai qu'il y en a plein mon nouveau rouge à lèvres. Haha. Allez, oublions ça. Et si on en ouvrait un autre ?
4 octobre – Grenouille
Alors moi quand j'étais jeune j'étais une grenouille. Si, si, je vous assure, c'est sur mon livret de famille : mon père s'appelle Xavier Ducroa et ma mère Delphine Croazig. Vers mes 12 ans, je rentrais d'une petite balade en forêt solo, et alors que je longeais une route de campagne tout à fait banale, une toute petite fille humaine vient vers moi (« Guenouille, guenouille ! »). Et alors elle m'attrape, comme ça, avant que j'ai pu faire un seul bond de plus. Puis elle retourne en braillant dans la cour d'une ferme bordant la route, probablement celle de ses parents. La maison en soi ne devait pas être bien grande, mais du point de vue d'une grenouille, c'était un palais royal. Et devinez quoi ? Même pas le temps de recoiffer mes pustules que cette jeune princesse de boue et de bottes m'embrasse ! Là tout devient noir. Aucun souvenir. À mon réveil, la petite était à l'autre bout de la cour dans les jupons de sa mère, et le père me donnait des coups dans les côtes avec le manche d'un râteau : « Déguerpis de là le mioche ! Et trouves-toi des fringues nom de… de… ». De Dieu de merde. C'est ça qu'il avait dit à la fin je me souviens maintenant. Bref, je vous passe les années qui ont suivi, si vous avez lu Tom Sawyer vous vous en ferez une idée vague. Mais tout ça c'était il y a plus de 10 ans ! Ce qui compte à présent, c'est ce qu'il se passe entre vous et moi : j'ai besoin d'un travail, n'importe quoi qui me permette de manger autre chose que des mouches ou des pâtes au beurre. Et puis si ça peut mettre en valeur mes compétences, ça serait un plus : je sais sauter relativement haut, toucher mon nez avec ma langue, et gonfler la gorge comme ça, regardez. Ah bah vous êtes la troisième personne qui me reçoit qui tombe à la renverse à cette étape de l'histoire, c'est ma bave qui rend le sol glissant ?
5 octobre – Feuilles mortes
J'ai découvert Miles Davis avec sa version du standard de jazz « Autumn Leaves », que lui et Cannonball Adderley ont immortalisé en 1958 sur l'album Somethin' Else. C'est aussi le premier morceau de jazz que j'ai joué à la basse, puis oublié, puis ré-appris, puis improvisé lors de mes premières jams en compagnie de musiciens plus aguerris. Basé sur un poème de Jacques Prévert adapté en anglais, accompagné par une musique de Joseph Kosma, c'est probablement l'un des morceaux les plus universellement connus, joués, et repris autant par de vrais jazzeux que par des musiciens plus amateurs. L'histoire d'amour achevée qu'elle conte est comme toujours universelle, ainsi que cet amour des feuilles qui tombent à la même heure chaque année. Je ne peux que conseiller l'écoute d'une des premières versions françaises, celle interprétée par Yves Montand (la version de 3 minutes 6 précisément, les autres me touchent moins). C'est une chanson qu'il faut selon moi avoir écouté au moins une fois dans sa vie ! C'est une chanson qui nous ressemble, comme elle le dit si bien.
6 octobre – Nappe
Le mariage de Fred et Suzie a vraiment été une réussite. Mon avis, hein. Et tu vois, je crois que tout tient à un détail : les nappes. Les nappes en papier qu'il y avait à chaque table. Bon, tu renverse un truc dessus et elles sont fichues, et puis avec les plis ça finit par faire une grosse bouillie, ça se déchire, et plus rien ne ressemble à rien. Mais je te jure que sans ça, l'ambiance aurait été complètement différente. Pas de bataille de sarbacanes entre la famille du marié et celle de la mariée sans les boulettes de papier mâché. Pas de cache-cache sous les tables pour les enfants. Pas de baisers en cachette pour Romuald et Aline. Pas de petits mots laissés à même la nappe par tous les invités, mots que le couple a finalement découpés pour les coller dans leur livre d'or. Rien pour remplacer les serviettes jetables qui n'avaient pas été livrées. Et puis qu'est-ce que c'était pratique ! Une fois la fête finie et les couverts retirés, ne restait qu'à rassembler les 4 coins, en faire une grosse boule, et hop poubelle. Nan, franchement, les tables nues pour ton mariage je te jure que c'était la pire idée, c'était vraiment nul.
7 octobre – Barbe
Sa mère ne voulait pas qu'il se laisse pousser la barbe. Son père n'était pas spécialement pour non plus – sans le dire ni se l'avouer, il ne voulait pas que son fils paraisse plus viril que lui. Sa grand-mère trouvait que ça lui donnait un air négligé. Son grand-père lui n'en pensait rien ; il avait toujours été rasé de près. Son grand frère était jaloux, et tous ses amis l'enviaient. Ses camarades de classe, eux, ne le regardaient plus du même œil. Certains n'osaient plus l'approcher, l'observaient de loin ou par-dessus leur épaule. Les autres le traitaient avec respect sans autre explication. Quant aux passants, ils écarquillaient les yeux bien souvent, lorsqu'ils ne prenaient pas carrément des photos. Bref, entre les poils, la famille, les amis et le regard interloqué du reste du monde, ça faisait beaucoup à endurer pour un petit boutchou de 5 ans.
8 octobre – Plaids et coussins
Bonjour,
J’ai passé commande chez vous il y a 8 jours, et ai été livrée dans un délai ma foi très raisonnable, je vous en remercie.
La raison pour laquelle je vous contacte est la suivante : il me semblait avoir commandé 3 coussins de couleurs et formes différentes, ainsi que 2 plaids, un moyen et un grand (respectivement 110x150cm et 180x220cm). L’ennui est que pour les coussins, je n’avais pas fait attention mais il s’agissait pour chacun d’entre eux d’un lot de 10 ! Déjà, qui achète 10 coussins d’un coup ? Il vous faudrait peut-être revoir la taille de vos lots… Quant aux plaids, je les avais mis 2 fois dans mon panier. Les erreurs arrivent. Le prix m’avait alors paru légèrement exorbitant lors du paiement en ligne, mais je me disais que c’était le prix à payer pour du 100% naturel et écoresponsable. C’est à cette étape que ça se corse : je me suis alors trompée une première fois en rentrant mes coordonnées bancaires, puis une deuxième et une troisième (les erreurs arrivent), avant de finalement comprendre comment copier-coller un numéro de carte, ce qui évite les fautes de frappe. Mais ce que j’ai compris bien après, c’est que les paiements avaient tous été pris en compte, et la commande passée donc quatre fois.
Je vous laisse donc faire le compte : 3x10 coussins + 2x2 plaids, le tout x4. Ça fait, si j’ai bien compté, 120 coussins et 16 plaids livrés ce matin par un 19 tonnes. Sauf que vous avez visiblement préféré arrondir à 200 pour les coussins. Bref, on n’a pas eu assez de mon 20m carrés d’étudiante pour tout stocker, le livreur en a gardé pour chez lui. Ma question est donc la suivante : est-ce que vous voudriez en récupérer vous aussi ? Là ça déborde par les fenêtres.
9 octobre – Carrot cake
Aujourd’hui, on va apprendre ensemble la recette du carrot cake à la bretonne. C’est comme le kouign-amann, mais avec des carottes. Tout le monde sait ce que signifie kouign-amann en breton ? … Non, ça c’est la traduction de Tri martolod, rien à voir. Alors non, ce n’est pas non plus le nom d’un super héros. Ah ! Enfin quelqu’un de cultivé ! En effet, kouign-amann signifie en breton « gâteau au beurre ». Donc ce qu’on va faire, c’est prendre la recette du kouign-amann, et remplacer le beurre par des carottes ! Pas compliqué, hein ? Allez, au travail. La recette indique : 1kg de beurre, et 250g de pâte à gâteau. Euh… Bon, j’imagine que celui qui a écrit ça considérait que tout le monde savait faire une pâte. Bref, on a donc 1 kilo de carottes à éplucher, c’est parti ! … Voilà, maintenant que c’est fait, jetons un œil à la préparation. On va bien évidemment remplacer dans l’énoncé « beurre » par « carottes » :
« Sortez les carottes du réfrigérateur pour qu’elles ramollissent. Après avoir fait votre pâte dans un saladier avec des ingrédients à pâte, aplatissez-la bien sur le plan de travail. Tartinez-la ensuite généreusement de carottes. Laissez reposer. Ajoutez une fine couche de carottes, et laissez imprégner. Redonnez ensuite une bonne grosse couche de carottes, puis encore une, puis une autre, allez ! Faut que ça prenne de l’épaisseur tout ça ! Et voilà, une fois que vous avez 4 ou 5 bons centimètres de carottes, vous pouvez découper tout ça en petits ronds, saupoudrer de sucre, et enfourner (35 minutes à 210 degrés) après avoir ajouté une dernière noisette de carotte pour la gourmandise. Une fois sortis du four, n’hésitez pas à redorer vos petits gâteaux d’une bonne couche de carotte. Bon appétit ! »
10 octobre – Village
J’ai connu un garçon qui s’appelait Vilage. Avec un seul « L ». On a fait le collège ensemble, mais nous ne nous fréquentions pas. Je ne connaissais en fait presque rien de lui hormis comment on l’appelait. — On pourrait s’attendre à ce qu’un prénom comme celui-ci attire beaucoup de moqueries de la part d’autres enfants, mais étonnamment non. Des sourires s’esquissaient et des sourcils se fronçaient lorsqu’un professeur l’interpellait, les premiers temps, mais je ne me souviens pas avoir entendu une seule blague ou jeu de mots à son encontre. J’en ai rapidement déduit que le degré de méchanceté des enfants n’avait d’horizon que leur imagination ; elle était visiblement limitée quant au terme et au concept de « village ». Il faut avouer qu’il n’y a pas grand-chose à en faire. Passée la phase d’étonnement, c’était comme s’il s’était appelé Pierre ou Matthieu. Quoique pour un Pierre il aurait quand même été plus aisé de faire des calembours. Je me souviens simplement que durant les premières semaines de sixième, de temps en temps, des camarades ou même d’autres élèves qu’il n’avait jamais croisés venaient lui demander « Pourquoi tes parents t’ont appelé Vilage ? » Et à chaque fois il répondait par la même phrase toute préparée, et sans aucune arrière-pensée : « Parce qu’ils trouvaient ça joli. »
Une vrai gourmandise pour qui aime les histoires de grenouille !
A bientôt
Merci pour ton (re)passage, j'aime avoir des chemises bien droites !
J'adore le concept, je trouve ça très sympa.
En ne voyant que 3 chapitres postés, j'ai eu peur que tu te sois arrêté au trois octobre, ravie de voir que non.
Et j'adhère complètement !
(J'ai bugué sur le Tiramisu de courge... rassurée par le "c'est pas bon dans un des deux cas" ha ha)
Je lirai la suite avec plaisir.