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11 octobre – L’été est mort
L’été est mort de froid par une nuit d’octobre
Puis il est mort deux fois en s’étalant au sol
Qu’il couvre de feuilles puis recouvre d’opprobre
Et c’est vers ce cercueil que ploient les tournesols
Celui que l’on nommait roi des quatre saisons
S’éclipse en un fumet que dissipe la bise
L’automne reçoit sa couronne de rayons
Mais il reste en deçà de sa douce expertise
Sa couronne a terni, son peuple se désole
Lui qui s’était verni au bord de parasols
L’été goûtait la vie, Automne est bien plus sobre
Écharpes en laine remplissent les valises
De rares spécimens que le mauvais temps grise
À moins que ces gens-là n’aient gardé la raison ?
12 octobre – Celtique
Cacahuète
Ellipse
Littérature
Tramway
Imagination
Quiche
Ursule
Espadon
J’étais pas INSPIRÉ, OK ?
13 octobre – Cave
— Bon, tu te brosses les dents ou tu prends ton p’tit déj’, toi ? Pas de brosse à dents à table !
— J’arrive pas à rester dans la salle de bains quand je me brosse les dents, j’aime bien me balader.
— Mais tu imagines, si tout le monde faisait comme toi ? … Remarque, ça serait comique.
— Faire la vaisselle dans le grenier…
— Prendre sa douche dans le salon…
— Faire pipi dans l’escalier…
— Dormir dans le lavabo…
— Jardiner dans les toilettes…
— Regarder la télé sur le toit…
— Prendre le repas dans la cave…
— Séquestrer des gens dans le jardin…
— …
— …
— :D
— :D
14 octobre – Chauve-souris
— Il serait pas temps de le couper, le vieux chêne au fond du jardin ? Il est creux et complètement mort.
— Le couper ? Surtout pas ! Il y a une petite colonie de chauve-souris qui y vit ! Des murins je crois.
— Des CHAUVE-SOURIS ?! Mais on va l’abattre tout de suite cet arbre !!
— Euh… tu sais, des chauve-souris, on en a aussi dans la cave. Et le grenier. Va falloir abattre la maison aussi.
— Mais… ET TOI TU RESTES LÀ, À RIEN FAIRE ?!
— Tu sais à quel point c’est difficile pour les chauve-souris, à notre époque, de trouver des coins aussi accueillants ? Les bâtiments modernes laissent peu ou pas de place sous les toits pour elles, et on coupe l’accès aux clochers, combles et autres caves. C’est le paradis pour elles, ici !
— Ce n’est pas une auberge pour autant ! Je ne voudrais pas me faire mordre ou qu’elles attaquent le chat !
— Elles sont complètement inoffensives : elles se nourrissent principalement d’insectes. D’ailleurs, avec l’agriculture intensive et les pesticides, tous les insectes dont elles se nourrissent se raréfient. En revanche, beaucoup d’insectes ravageurs se développent du fait de l’abaissement du nombre de chauve-souris dans les zones habitées ou agricoles.
— Attends. Des insectes ? Mais… ça se nourrit pas aussi de sang, ces bêtes-là ?
— Pas dans notre hémisphère. Ce sont plutôt elles qui se font sucer le sang, par des tiques ou des puces : ce sont elles leurs « prédateurs ». Après viennent les chats – donc t’inquiète pour Sushi –, puis plus rarement les hiboux et les rapaces.
— Donc en gros tu veux les garder ?
— Elles ne gênent personne ! Et je ne t’ai pas parlé de la pollution lumineuse qui nuit au développement de leurs bébés. C’est même un DEVOIR que l’on a, de les préserver.
15 octobre – Sous la mer
Littoraux
pollués, submergés
verdissent, s’érodent, s’urbanisent
sardines, calmars, baudroies, chimères
se chassent, s’obscurcissent, effraient
impénétrables, inexplorées
Abysses
16 octobre – Parking à boulets
TW: blessure grave qui fait mal
— Je prends la prochaine sortie, tiens bon.
— Viiite… ou je te jure que je pisse par la fenêtre.
— Je serais presque curieuse de voir comment tu te débrouilles.
Un kilomètre plus loin, Léa mit le clignotant à droite. En cinq minutes – les plus longues que Julien eut vécu – la voiture trouva un parking désert où l’homme pu, à l’ombre de minuit, faire son affaire.
— J’te vois plus ! T’es où ?
— Juste là ! J’te vois moi.
— Facile, je suis juste sous le lampadaire. Mais j’vois rien à plus de quatre mètres tellement il est éblouissant.
— C’est précisément pour ça que je suis allé pisser à cinq mètres de distance… AAAAH !
— Quoiquoiquoi ?!
— Rien, rien, j’ai senti un truc sur ma joue mais c’est juste une branche du sapin. Je crois. Je vois pas grand-chose en fait.
— OK… de mon côté j’ai vu un jet d’eau faire un arc de cercle dans cette direction lorsque tu as crié, donc je vois à peu près où tu es maintenant.
— …
— Julien ? T’as fini ?
— …
— Julien ! Tu m’entends ?
Une énorme masse sombre s’abattit soudainement contre la vitre de Léa. Elle poussa un cri de surprise.
— Ha ha ! Coucou chérie, c’est le monstre du parking.
— Espèce de…
— T’as même pas vu que j’avais fait le tour de la caisse ! ‘Fait vraiment noir en même temps. Allez, allons-y, je fais le tour j’arrive.
— Et me fais pas le coup deux fois, ou tu rentres à pattes !
La voiture fût alors violemment secouée.
— … Bon, Julien, là tu saoules.
La tête de Julien traversa la vitre arrière, écrasée sous le poids d’un boulet rattaché à une chaîne. Léa sursauta puis hurla d’horreur. Un deuxième boulet s’abattit sur le capot avant. Puis la vitre conducteur se brisa à son tour.
17 octobre – Mauvais œil
Après deux ans sans prendre de nouvelles, Guy et Xavier se retrouvent à la terrasse d’un bar. Xavier a depuis lors malheureusement perdu la vue.
GUY, tendant la main pour serrer celle de Xavier — Xavier ! Qu’est-ce que je suis content de te revoir !
XAVIER, ne pouvant remarquer la main tendue de Guy — Haha, j’aimerais en dire autant.
GUY, se recoiffant inutilement avec la main droite — Ah oui, oups.
XAVIER — T’inquiètes, j’ai l’habitude de ce genre de maladresses. Tu te portes comment ?
GUY — Avec mes deux jambes, comme tu peux le voir, haha !
XAVIER — Comme je peux le… ?
GUY — Voir.
XAVIER — Le « voir », tu dis ?
GUY — Ah oui, merde. Pardon, je vais faire attention. En même temps c’est fou le nombre d’expressions françaises liées à la vue ! On en voit partout.
XAVIER, souriant — Bon, on entre commander peut-être ?
GUY — Nan… j’attends exprès depuis tout à l’heure : il y a un mec au comptoir… je te jure, j’peux pas le voir.
XAVIER — Beh moi non plus. Je le connais ?
GUY — Nan nan t’inquiètes, t’as rien à voir là-dedans.
XAVIER — Moi j’ai jamais rien à voir, de toute façon.
GUY — Raaah oui. Désolé, sincèrement. C’est… de la pure maladresse. Ça me ferait chier d’être mal vu à cause de ça.
XAVIER — Trop tard, moi je te vois déjà très mal.
GUY — … OK, je suis un boulet.
XAVIER — Mais non… après tout ça doit être quelque chose pour toi de me retrouver aujourd’hui avec une canne blanche. C’est perturbant.
GUY — Ouais, ou alors je suis maudit. J’ai le mauvais œil.
XAVIER — T’inquiète, moi j’en ai deux, de mauvais œils. Bon, on cherche un autre bar, alors ? Y’en a dans l’autre rue ?
GUY — Ouais, on peut aller jeter un… euh… Allons-y.
18 octobre – Microcosme
Microcosme® est une marque de produits cosmétiques à contre-courant, issue d’un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération de bouche à oreille d’ouvrier d’usine. Engagée contre les firmes dont la communication marketing repose entièrement sur la revendication de produits soi-disant « artisanaux » ou « 100% naturels », Microcosme® a fait le choix délibéré de ne proposer, a contrario, que des produits issus de chimie de synthèse, à des prix microscopiques !
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19 octobre – Bestiaire
— Monsieur, je suis fier de vous annoncer que mon équipe et moi avons enfin fait le recensement de l’entièreté des espèces animales présentes sur Terre !
— Toutes mes félicitations. Vous êtes donc arrivé à un nombre précis ?
— Très précis, même : trois.
— Trois, très bien. Attendez. Trois ?! Euh… vous êtes certain d’avoir bien tout compté ?
— Oui, je peux même vous donner le détail, et par ordre alphabétique : chèvre, dauphin, hippopotame.
— Mais ce n’est pas possible, il en manque forcément. Tenez, celui qui a quatre pattes, là… Vous voyez duquel je parle ?
— L’hippopotame ?
— Non, non, plus petit ! Poilu, et qui peut être de plein de couleurs différentes : brun, blanc, noir, tacheté…
— Bon ben la chèvre, alors ?
— Ah bah oui c’est la chèvre.
— Eh bien voilà, le compte est bon.
— Chouette alors !
— C’est quoi, ça, une chouette ?
20 octobre – Un bonbon ou un sort ?
Un soir d’Halloween, dans le petit bourg de Sainte-Anne, quelques groupes d’enfants faisaient comme chaque année la tournée des maisons du village pour récolter des bonbons. Pour Clarence, Clément, Nico et Samarah, Ce soir-là était particulier car il s’agissait du premier Halloween qu’ils passaient à eux quatre, sans être accompagnés d’un adulte pour aller frapper aux portes. Mieux encore : les parents de Clarence ne devaient rentrer que tard dans la nuit, ce qui laissait le temps aux quatre compères de se gaver de sucreries devant le film d’horreur de leur choix.
Les quatre amis venaient de quitter le pallier de la douzième maison lorsqu’ils décidèrent de faire l’inventaire de leurs sachets respectifs. Nico en avait moins que les autres, et comptait bien rééquilibrer la balance en étant le premier servi à la prochaine porte. Il partit donc en tête en direction de la rue voisine, celle qui bordait le cimetière. C’était la plus effrayante à traverser, chaque année. Elle s’enfonçait peu à peu dans la campagne et était bien moins éclairée comme la distance entre chaque maison s’étirait progressivement. Généralement les enfants et leurs parents ne s’y engageaient pas, d’abord parce que peu de maisons semblaient participer aux festivités – par opposition à la place de l’église qui était entièrement décorée –, puis parce qu’il fallait beaucoup marcher, pour souvent se retrouver face à des portes restant closes.
Cinq maisons et 200 mètres plus tard, aucune porte ne s’était ouverte. Nico souhaitant à tout prix continuer, les quatre amis décidèrent qu’ils feraient demi-tour uniquement après que quelqu’un leur ait ouvert la porte…
***
— … Et alors ? qu’est-ce qu’il leur est arrivé ?
— On raconte qu’ils ont continué à marcher indéfiniment. Et on ne les a jamais retrouvés. Donc on n’ira pas dans cette rue-là mon chéri : c’est des gros radins.