Projet Gaïa

Par Arline
Notes de l’auteur : “Lorsque les étoiles sont hors de portée, nous forgeons nos propres mondes pour y naviguer. L'espoir de l'humanité ne se trouve plus sur la Terre, mais dans l'infini des cieux que nous apprenons à plier à notre volonté.”

[Époque: 2215 - L’Intelligence Artificielle Quantique Gaïa]
Suite à l’abandon du projet de terraformation de la surface terrestre, destiné à régénérer la biosphère détruite, en raison de ressources insuffisantes pour initier un tel processus à l'échelle planétaire, et du projet de modification du génome humain pour résister à l’environnement hostil de la surface, qui avait donné naissance à une créature déshumanisée incapable d’intelligence, de créativité ou d’interactions sociales, Omnitech n’avait plus qu’une seule alternative pour sauver ce qui restait de l’humanité : quitter la Terre et partir à la recherche d’un nouveau foyer parmi les étoiles.
Le 03 octobre 2215, Omnitech avait initié le Projet Gaïa. Un projet titanesque visant à construire un vaisseau générationnel qui allait transporter ce qui restait de l’humanité vers les étoiles. Le Projet Gaïa représentait le dernier espoir de l’espèce humaine. Cependant, le projet avait rapidement révélé des défis technologiques majeurs. Une grande partie des connaissances dans le domaine de l’aérospatiale avait été perdue durant l’Apocalypse, et celles encore disponibles n’avaient connu aucunes avancées depuis plus d’un siècle. Plus alarmant encore, les données recueillies par les stations de surveillance environnementale à la surface annonçaient l’imminence d’une nouvelle ère glaciaire.
Le temps leur manquait cruellement pour développer les technologies nécessaires à la réalisation du Projet Gaïa. Face à cette urgence, Norwenn et Serenya, usant de leurs autorités de président et vice-présidente d’Omnitech, avaient pris la décision de concevoir une super IA quantique baptisée Gaïa, malgré les craintes exprimées par le Conseil Global. Ils assumaient pleinement leur choix en soulignant que seule une intelligence artificielle d’une telle complexité pourrait leur permettre de surmonter les obstacles technologiques dans les délais imposés par la situation. Selon eux, l’avenir de l’humanité dépendait de la réussite de ce projet.
Ils avaient également insisté sur le fait que le développement des technologies nécessaires à un voyage spatial de longue durée – notamment les systèmes de propulsion, les générateurs d’énergie, les systèmes de support de vie, et les protections contre les radiations solaires et cosmiques – était tout simplement impossible sans un système capable de traiter et d’optimiser des données d’une telle complexité. Même avec leur domination technologique et leurs effectifs de scientifiques et d'ingénieurs le plus important au monde, un tel projet était tout simplement irréaliste avec le peu de temps qu'ils avaient, sans Gaïa.
Pour apaiser les craintes du Conseil Global, Norwenn et Serenya avaient précisé que Gaïa serait constamment sous supervision humaine, avec une équipe spécialisée chargée de s’assurer qu’elle ne dévierait pas de ses directives initiales. Ils avaient prévu également la mise en place de systèmes de sécurité et de redondance d’une sophistication sans précédent. Enfin, et surtout, Gaïa ne serait pas dotée de conscience propre. Ses algorithmes quantiques seraient strictement dépourvus de subjectivité. En somme, Gaïa ne serait qu’un outil conçu pour amplifier la créativité humaine, et non une entité autonome à laquelle ils confieraient leur destin.
En tant qu’experte mondiale des systèmes d’intelligence artificielle et des algorithmes quantiques, Serenya avait personnellement dirigé le développement de Gaïa. Il avait fallu quatre années pour concevoir un système stable et optimisé, structuré autour d’une architecture en réseau composée d’une dizaine de calculateurs quantiques. Lors de sa mise en service, Gaïa s’était immédiatement attelée à la conception d’un réacteur à fusion nucléaire compact et performant. Trois réacteurs avaient rapidement été construits pour alimenter les besoins énergétiques du projet Gaïa.
Parallèlement, ils avaient théorisé un matériau révolutionnaire : un cristal intelligent polymorphique nommé Nanonite. Ce matériau, constitué d’éléments synthétiques tels que le Xenium, le Tritanium et le Graphenium, possédait une matrice atomique superdense capable de modifier son état et ses propriétés en fonction des besoins opérationnels.
La nanonite s’était relevée indispensable en raison de sa polyvalence unique. Elle offrait des capacités avancées d’absorption, de conversion et de stockage énergétique. De plus, son réseau neural photonique intégré lui conférait une intelligence adaptative, rendant possible le traitement de données directement au sein de sa structure. Elle était utile aussi bien dans la construction de structures avancées que la production d’équipement technologique complexe.
Cependant, la complexité de la nanonite rendait sa production impossible avec les réplicateurs atomiques actuels. Pour y remédier, Omnitech avait développé le Module d’Assemblage Atomique Quantique industriel (MAAQi), conçu pour une production de nanonite en masse. Le prototype initial était une machine volumineuse et complexe, nécessitant une grande quantité d’énergie et de matériaux pour produire de faibles volumes de nanonite. De surcroît, les matériaux nécessaires à la synthèse des éléments de base (le Xenium, le Tritanium et le Graphenium) étaient rares et déjà utilisés pour d’autres technologies vitales d’Omnitech, telles que les réplicateurs atomiques, les matrices artificielles, les modules culinaire, et les Novabots.
Dans un premier temps, Omnitech avait concentré ses efforts sur le développement des Omnirobots, une nouvelle génération d’unités robotiques avancées. Les Omnibots, l’un des trois sous-catégories d’Omnirobots, destinées à la construction par l'impression de structure directement sur place et l’extraction minière, avaient été conçues pour travailler en synergie avec le MAAQi. Avec des tailles variant de quelques millimètres à plusieurs mètres, elles étaient capables de manipuler et de modeler la nanonite avec leur six pattes arachnéenne multifonctionnel, que ce soit dans l’espace ou sur des surfaces planétaires.
Avec les Omnibots de première génération et le prototype du MAAQi, Omnitech avait toutefois réussi à imprimer une version améliorée entièrement en nanonite, qui s’était révélé beaucoup plus efficace : il consommait moins de ressources et produisait cent fois plus de nanonite que son prédécesseur. À ce stade, Omnitech disposait des outils nécessaires pour accélérer la réalisation du Projet Gaïa.
Par la suite, Gaïa et les Divisions de Recherches d'Omnitech avaient rapidement développé une série de technologies avancées, établissant les fondations d'une nouvelle ère spatiale. L'une des avancées les plus importantes avait été la mise au point du réacteur à fusion exo-élémentaire par la Division de Recherches d'énergies exo-élémentaires, avec l'appui de la super IA quantique Gaïa. Ce réacteur, utilisant la fusion de l'hyperium, un nouveau type d'isotope d'hydrogène avec un état quantique altéré et des charges atomiques très élevées produit par une chambre magnétique annexe à la principale, était géré par des algorithmes quantiques semi-autonomes. Compact et extrêmement puissant, ce réacteur était devenu le socle technologique sur lequel reposaient toutes les innovations suivantes.
L’étape suivante avait été la mise au point des générateurs de gravité artificielle pour les déplacements à courte distance en remplacement des systèmes de propulsions chimiques et électriques traditionnel. Ces générateurs assuraient également une gravité constante dans les vaisseaux et installations spatiales, rendant la vie dans l’espace plus supportable. Peu après, les divisions d’Omnitech avaient développé les générateurs de champs de force, utilisés pour protéger les vaisseaux et les stations spatiales contre les impacts et les rayonnements, renforçant ainsi la sécurité des structures dans l’environnement hostile de l’espace.
Ces technologies avaient ensuite été mises en commun pour concevoir une nouvelle génération de réacteurs à fusion exo-élémentaire en nanonite, combinant les capacités des générateurs de gravité artificielle et de champs de force. Le nouveau réacteur permettait une production d’énergie phénoménale, comparé à la version précédente, devenant la principale source d’énergie des infrastructures spatiales et des vaisseaux.
La conception des cellules quantiques marquait une nouvelle étape décisive. Ces dispositifs permettaient de stocker et de confiner des quantités gigantesques d’énergie de manière sûre, ouvrant la voie à l’exploitation à grande échelle des ressources énergétiques. En parallèle, le développement d’un MAAQi amélioré, d’une capacité mille fois supérieure à celle des modèles précédents, avait permis une production massive de nanonite. Ce nouveau modèle exploitait une gamme beaucoup plus large de matières premières, tout en assurant leur raffinage après extraction jusqu'à la synthèse de masse des éléments de base de la nanonite.
Enfin, ces percées technologiques ,rendues possibles grâce à la super IA quantique Gaïa, culminent avec le développement d’un réacteur à distorsion quantique partielle, connu sous le nom de propulsion quantique. Sa première génération rendait possibles les voyages interplanétaires rapides, ouvrant la voie à une exploration plus poussée du système solaire.
La construction des trois vaisseaux de prospection représentait un tournant majeur pour le projet Gaïa. Entièrement conçus en nanonite, ces vaisseaux exploitaient la polyvalence exceptionnelle de ce matériau révolutionnaire. Les Omnibots, supervisés par Gaïa, avaient imprimé les vaisseaux avec une précision nanométrique. Chaque vaisseau avait pris forme par strates, leurs structures complexes se déployant dans un ballet parfaitement synchronisé.
Le cœur des vaisseaux, constitué de deux réacteurs à fusion exo-élémentaire, avait été intégré directement dans la structure grâce aux capacités polymorphiques de la nanonite. Les générateurs de gravité artificielle et de champs de force avaient, eux aussi, été façonnés en temps réel, éliminant les contraintes traditionnelles des modules préfabriqués. Cette fusion totale entre les systèmes et leur enveloppe structurelle garantissait une efficacité énergétique inégalée et une résistance accrue aux conditions extrêmes de l’espace.
La construction de ces trois vaisseaux avait mobilisé trois quart des ressources d’Omnitech. Le moindre gaspillage aurait compromis la viabilité du projet, et il n’était plus envisageable de produire un vaisseau supplémentaire sans risquer de compromettre la survie de la communauté. Ainsi, tous les espoirs reposaient sur la réussite de la mission de ces trois vaisseaux de prospection. Leur mission consistait à sonder les astéroïdes et collecter les matières premières nécessaires à la production de la nanonite afin de mener à bien le Projet Gaïa.


[Époque: 2223 - Vers les Étoiles]
Le 31 août 2223, sans annonce publique préalable, Omnitech avait envoyé ses trois vaisseaux de prospection, commandés par des sous-programmes de la super IA quantique Gaïa, dans la ceinture d'astéroïdes pour collecter des ressources destinées à la construction du vaisseau générationnel, l'Espérance. Ces vaisseaux en nanonite incorporaient les nouvelles technologies spatiales développées par Omnitech grâce à sa super-IA quantique Gaïa. Ils étaient équipés de la première génération de propulsion quantique, capable d’atteindre une vitesse de quinze pourcents de la vitesse de la lumière grâce à une distorsion quantique partielle. Chaque vaisseau était également doté de modules d’assemblage atomique quantique industriel (MAAQI).
La première phase de leur mission consistait à collecter des ressources sur les astéroïdes et à utiliser ces ressources pour se répliquer, afin de constituer une flotte d’une trentaine de vaisseaux prospecteurs. Pour ce faire, chaque vaisseau était équipé de cinq navettes de transport, chacune transportant vingt Omnibots et de deux Omnidrones d’exploration. Une fois arrivé dans une zone de prospection, le vaisseau déployait les navettes de transport vers les astéroïdes les plus proches puis déployait leurs Omnidrones d’exploration pour analyser la composition des astéroïdes. Si les éléments recherchés étaient présents, les navettes de transport déployaient les Omnibots, équipés de conteneurs externes vides, pour extraire les ressources.
Les Omnidrones, la deuxième sous-catégorie des Omnirobots, avaient été conçus en divers modèles pour une multitude d’environnements, du vide spatial aux milieux aquatiques, en passant par les surfaces planétaires et aériennes. Ils étaient déclinés en une large gamme de formes et de tailles spécifiquement adaptées à leurs diverses missions, qu’il s’agisse d’exploration, d’attaque, de défense ou encore de transport. Leur capacité à se déplacer dans des conditions extrêmes était rendue possible grâce à des générateurs de gravité artificielle, leur permettant d’opérer aussi bien en apesanteur qu’en haute atmosphère ou dans les grandes profondeurs marines.
Chaque unité intégrait un module d’immersion sensorielle intégrale, permettant à un opérateur humain de prendre le contrôle à distance pour les opérations nécessitant une intervention directe et précise. Polyvalents, les Omnidrones pouvaient agir de manière autonome ou en essaims coordonnés, ce qui les rendait indispensables dans de nombreux domaines. Sur le plan militaire, ils excellaient en reconnaissance, défense et combat, tandis que dans les missions d’exploration, ils cartographiaient et analysaient des environnements inaccessibles avec une grande efficacité. Dans les secteurs civil et domestique, ils assuraient des rôles variés, de la surveillance à la sécurité, en passant par le transport logistique et l’entretien domestique.
Lors des opérations de prospections, les Omnibots utilisaient leurs pattes pour réduire les roches en fragments qu’ils collectaient dans leurs conteneurs. Une fois un conteneur rempli, l’Omnibot le transférait jusqu’a la navette de transport, récupérait un conteneur vide et reprenait l’extraction. Lorsque le navette de transport était chargée, elle retournait au vaisseau de prospection, qui raffinait les ressources pour produire de la nanonite. Cette dernière était conditionnée dans des conteneurs standard, puis transportée par les navettes à un site de construction non loin du vaisseau, où les Omnibots débutaient l’impression d'un nouveau vaisseau de prospection.
Une fois que le palier de trente vaisseaux avait été atteint, seulement cinq continuaient à se répliquer. Les autres produisaient chacun trois vaisseaux de transport lourd équipés d’une propulsion quantique, avant de se consacrer exclusivement à la production de nanonite et d’Omnibots.
Les omnibots produits par les MAAQi de nouvelle génération étaient plus performants et polyvalents que les versions précédentes. Les modèles de trente centimètres et plus étaient dotés de générateurs de gravité artificielle miniatures, leur permettant de se déplacer aisément en apesanteur ou en microgravité. Ces Omnibots et la nanonite étaient ensuite chargés dans les vaisseaux de transport, qui les acheminaient jusqu’au point de Lagrange deux. À partir de ce point, les vaisseaux de transport déployaient leurs navettes transportant les conteneurs de nanonites et les Omnibots vers les sites de désignés pour construire les premières stations industrielles, équipées de MAAQi, destinées à imprimer le vaisseau générationnel. Les différentes opérations s’étaient déroulées jusque là sans problème que les sous-programmes de la super IA quantique Gaia n’avait pas su gérer.
Les vaisseaux de transport de la flotte convoyaient leurs chargements de nanonite et d’Omnibots vers un unique site de construction afin d’accélérer la mise en service de la première station industrielle avant de passer à la suivante et ainsi de suite jusqu'à finaliser les quatre premières stations. Chaque fois qu’une station était terminée, celle-ci allouait ses ressources pour la construction de la station suivante. Une fois leur construction achevée, l'ensemble de vaisseaux de prospection arrêtaient la production de nanonite pour se consacrer uniquement au raffinage des matières premières. Ces ressources, conditionnées en conteneurs, étaient acheminées vers les stations industrielles pour synthétiser les éléments de base de la nanonite et produire celle-ci à une échelle industrielle, plus rapidement et à des volumes plus importants que les vaisseaux de prospection.
Pour commencer, la nanonite et les Omnibots produits par les premières stations industrielles étaient utilisés pour imprimer davantage de stations industrielles ainsi que des stations d’habitation, destinées à accueillir le personnel du Projet Gaïa et à amorcer l’évacuation progressive des membres d’Omnitech et leurs familles. Cette stratégie était cruciale car l’ère glaciaire redoutée avait déjà commencé sur Terre, forçant Omnitech à mobiliser l’ensemble de son personnel et de ses ressources pour le Projet Gaïa. La super-IA quantique Gaïa jouait un rôle central dans la coordination et l’optimisation de ce projet monumental.
Le 5 novembre 2230, soit sept ans après le lancement des premiers vaisseaux de prospection, une cinquantaine de stations industrielles formaient une sphère d’un million de kilomètres de diamètre au point de Lagrange deux et ce nombre augmentait à un rythme vertigineux. En son centre, l’impression du vaisseau générationnel l'Espérance, débutée un an plus tôt, progressait à vue d’œil. Sous cette activité en pleine effervescence de navettes et d’omnibots, sa structure d’un blanc cristallin, entièrement constituée de nanonite, scintillait sous les rayons du soleil comme un diamant stellaire.
Si tout se déroulait comme prévu, les sections habitables de l'Espérance seraient opérationnelles dans cinq ans, à l’exception de la biosphère principale, prévue pour être fonctionnelle dans dix ans. Cela permettrait à Omnitech de débuter l'embarquement de ses membres pour accélérer l’évacuation de la Terre.
Pendant que la construction du vaisseau avançait sans encombre, la Division de Recherches en Génie Génétique avait réussi à mettre au point un traitement de rajeunissement basé sur la technologie des matrices artificielles de nouvelle génération. La matrice artificielle de deuxième génération permettait aux patients de retrouver leur jeunesse de dix-sept ans après un traitement de vingt-deux mois. Tout comme les enfants nés des anciennes matrices, les personnes rajeunies n’avaient pas de nombril.
Norwenn, sa femme Serenya, et les membres du Haut Conseil, qui avaient été parmi les premiers à être évacués vers une station habitable, avaient décidé de se faire rajeunir en attendant la mise en service de leurs quartiers à bord de l'Espérance. Pendant le traitement, il était possible de demander un effacement partiel des souvenirs, préalablement sauvegardés dans le Nexus, afin de prévenir une surcharge cognitive due à l’accumulation d’expériences.
De retour de leur traitement, Norwenn et Serenya arboraient le physique d’adolescents de dix-sept ans. Ils bénéficiaient également de la toute dernière interface neurale, composée d’un réseau de nanorobots polymorphique en nanonite, appelés Nanosyths, interfaçaient aux neurones du cerveau. Des nanosyths circulant dans le sang, renforçaient le système immunitaire et accéléraient la régénération cellulaire, prolongeant l’espérance de vie moyenne de cent cinquante ans.
Seules les personnes rajeunies ou nées des matrices artificielles de deuxième génération bénéficiaient de cette technologie. Les nanosyths faisaient partie intégrante de ces nouvelles matrices, entièrement imprimées en nanonite, dans leurs processus de développement cellulaire accéléré et de reprogrammation génétique.
L’une des nouvelles fonctionnalités majeures des matrices artificielles, rendue possible grâce aux Nanosyths, était la reconstruction corporelle structurelle. Cette technologie permettait de régénérer entièrement les parties endommagées du corps, y compris les membres perdus et les altérées cellulaire tel que les cancers ou les tumeurs. Pour ces dernières, une reconstruction neuronale était effectuée à partir des données génétiques et physiologiques du patient, stockées dans le Nexus. Pratiquement toutes les blessures mortelles et les maladies génétiques incurables pouvaient ainsi être soignées.
Parallèlement, des recherches étaient en cours pour développer une technologie de clonage humain à partir des données génétiques du Nexus. Norwenn consacrait beaucoup de temps à ces travaux, espérant qu’ils aboutiraient à un procédé de résurrection intégrale, capable d’offrir une forme  d’immortalité à l’humanité, et pour lui, la joie de revoir le sourire chaleureux de ses parents et grands-parents.


[Époque : 2238 - L'Aube de la Renaissance Spatiale]
Le 09 septembre 2238, alors qu'il ne restait plus que deux ans avant la fin de la construction de l'Espérance, Omnitech avait fait une déclaration historique, rendant publiques la matrice artificielle de deuxième génération, le traitement de rajeunissement et le chantier spatial de construction du vaisseau générationnel. Elle avait également annoncé son changement de statut, passant de corporation à un gouvernement indépendant sous le nom de l’Unité de Gaïa.
Dans sa communication, elle avait expliqué que le traitement de rajeunissement ne serait pas commercialisé, en raison des technologies avancées mises en œuvre lors du processus. De plus, les personnes traitées bénéficiaient d’améliorations majeures en plus du rajeunissement. Par conséquent, sa commercialisation à des personnes extérieures à l’Unité de Gaïa aurait impliqué une tarification astronomique, l’équivalent d’un mois de ressources d’une grande néoville comme Néo-Tokyo, pour chaque personne traitée. Sans compter que les traitements de rajeunissement et les interventions médicales régénératrices n’étaient possibles que dans les cliniques de l’Unité de Gaïa équipées de matrices artificielles de deuxième génération.
Pour bénéficier du traitement de rajeunissement, ainsi qu’une place à bord de l'Espérance, il fallait être un citoyen de l’Unité de Gaïa. Pour ce faire, chaque personne ou famille devait remplir un formulaire de demande de naturalisation sur la plateforme en ligne de l’Unité de Gaïa. Excepté les organisations familiales, telles que les Grandes Familles qui n’étaient pas considérées comme des familles à proprement parler. L’Unité de Gaïa rejetait la hiérarchie des lignées familiales et souhaitait que chacun, quelle que soit sa situation familiale, couple avec ou sans enfants, famille monoparentale ou célibataire , soit libre de décider de son avenir, sans l’influence néfaste des conseils de famille. Une politique qui avait signé le début de la dissolution des Grandes Familles et de leur influence.
Les Grandes Familles possédant une corporation, à l’image de la famille Alisthair avec Genesis, étaient considérées comme des entités commerciales par l’Unité de Gaïa. Les membres de ces familles pouvaient soumettre leurs demandes de naturalisation de manière indépendante, sans se conformer aux décisions de leur conseil familial. Si nécessaire, l’Unité de Gaïa pouvait déployer des unités d’Omnidrones de combat pour assurer leur protection durant leur rapatriement. Cette politique encourageait les membres de toutes les factions, des plus aisés aux plus précaires, à rejoindre l’Unité de Gaïa sans crainte de représailles. C’était un témoignage de la valeur accordée à chaque vie humaine par l’Unité de Gaïa.
Cette politique était perçue comme une menace par les élites et les factions radicales. Cependant, leurs moyens militaires étaient dérisoires en comparaison de ceux de l’Unité de Gaïa. De plus, leur survie dépendait des technologies commercialisées par celle-ci. Toute attaque directe contre l’Unité, ses citoyens ou les candidats à la naturalisation, pouvait entraîner une réponse militaire immédiate, suivie d’un démantèlement de la faction hostile et le rapatriement des nouveau citoyens vers des installations de l’Unité. Ceux qui n’avaient pas encore soumis de demande pouvaient alors le faire librement ou choisir de rester. Étant donné la dégradation climatique de la Terre, il était très peu probable qu'ils décident de rester.
Les Corporations pouvaient demander d’être intégrées aux divisions de l’Unité de Gaïa. Si une division exerçant une activité similaire existait déjà, le personnel consentant et les technologies de la corporation étaient absorbés par cette division. Dans le cas contraire, une nouvelle division était créée, avec une réorganisation hiérarchique favorisant les compétences plutôt que le statut. Son directeur était choisi parmi les employés les plus talentueux et siégeait au Conseil Global, disposant ainsi d’une voix dans les décisions de l’Unité de Gaïa.
Pour protéger ses citoyens encore présents sur Terre et subvenir à leurs besoins, l’Unité de Gaïa avait déployé des moyens colossaux pour renforcer ses installations terrestres en attendant leur évacuation.
Chaque candidat à la naturalisation, âgé de plus de dix-huit ans, devait accepter les conditions de Charte de Citoyenneté et prendre connaissance de la Constitution de l’Unité de Gaïa. La première condition stipulait que le signataire renonçait à son statut dans son entité affiliée et à l’intégralité de ses avoirs, de son plein gré, après avoir pris connaissance la Constitution. Dès la signature de ce document, il était officiellement reconnu citoyen de l’Unité de Gaïa, sans délai.
La Constitution garantissait à chaque citoyen tout le nécessaire pour une vie confortable et décente, sans contrepartie. Cela incluait un logement adapté à la situation familiale, un module culinaire et un réplicateur atomique domestique de dernière génération, une éducation personnalisée pour enfants et adultes, un suivi médical comprenant un traitement de rajeunissement, une interface neurale, un espace de stockage réservé dans le Nexus, et un accès libre aux différents moyens de transport.
Tous les citoyens recevaient un montant fixe de crédits chaque semaine, sans obligation d’activité professionnelle. À cela s’ajoutait une rémunération définie selon l’activité exercée et une prime exceptionnelle en fonction de leur contribution au développement social, culturel, technologique ou scientifique de l’Unité de Gaïa. Chaque logement pouvait être doté d’un espace de travail privé, équipé selon l’activité exercée. Pour les équipements sophistiqués ou volumineux, des centres de recherche communautaires étaient accessibles et très bien équipés.
Les crédits étaient principalement utilisés pour réguler l’usage des ressources non vitales et les échanges entre citoyens. Par exemple, ils pouvaient servir à réaménager un logement, échanger des créations artisanales ou acquérir un espace de vie plus spacieux.


[Époque : 2242 - Embarquement et préparatifs de l’exode]
Le 06 septembre 2241, soit un an après la fin de la construction du vaisseau générationnel, tous les membres des conseils de l’Unité de Gaïa ainsi qu’un quart des citoyens étaient déjà installés dans leurs quartiers réservés à bord. Ceux-ci avaient été embarqués progressivement depuis les stations habitables vers l'Espérance, au fur et à mesure de l’avancement de sa construction. Cette logistique avait permis d’éviter d’attendre la fin complète des travaux avant d'amorcer un déplacement massif de populations de la Terre vers les stations spatiales, ce qui aurait demandé beaucoup de temps et nécessité la mobilisation de ressources considérables pour la construction d’une grande quantité de navettes.
Le vaisseau générationnel avait la forme d'un ellipsoïde blanc allongé et aplati, dont la moitié supérieure était transparente et l’autre moitié entièrement opaque. Avec une longueur totale avoisinant les trois mille cinq cent quatre-vingt-quatorze kilomètres, un diamètre maximal de mille cent quatre-vingt-dix-huit kilomètres et une hauteur réduite à trois cent cinquante-neuf kilomètres, il semblait presque surnaturel par son ampleur. La moitié supérieure, entièrement transparente, révélait un spectacle à couper le souffle.
En réalité, cette partie du vaisseau était un immense dôme à l'intérieur duquel on distinguait clairement une immense île s’étendant sur cinq cent mille kilomètres carrés, véritable continent miniature entouré d’une eau turquoise qui s’étendait sur deux cents kilomètres jusqu’aux parois de nanonite. Huit îles d’une superficie de trois cents kilomètres carrés étaient réparties autour de l’île principale, à mi-chemin entre celle-ci et les parois transparentes. L’intérieur du dôme abritait une biosphère terrestre minutieusement recréée, illustrant la biodiversité sur Terre avant le début des catastrophes écologiques et des guerres de ressources. De nombreuses villes de tailles diverses y étaient visibles. Les îles étaient principalement destinées à des activités touristiques et de loisirs, tandis que des bateaux de plaisance et des navires de croisières naviguaient sur le vaste océan artificiel, qui abritait notamment des écosystèmes marins très riches. La transparence du dôme en nanonite s’ajustait pour simuler un cycle jour nuit à bord, calqué sur le temps universel coordonné terrestre. Lors du cycle diurne, le dôme devenait entièrement opaque et affichait la projection du soleil de Sol sur sa surface avec un ciel bleu. La transparence du dôme et le teint du ciel qu’il projeté évoluaient avec le parcours du soleil, du levé au couché de celui-ci. Lorsque le soleil se couchait à l’horizon, le dôme devenait parfaitement transparent, offrant une vue imprenable sur le champ d'étoiles.
Sous la moitié inférieure opaque du vaisseau s'étendait des sections d’habitation supplémentaires, aménagées sur deux niveaux. Bien qu’elles étaient dépourvues de véritables biosphères, ces espaces restaient accueillants. Des parcs verdoyants y avaient été soigneusement créés à différents emplacements stratégiques, offrant aux habitants des îlots de nature où les parois de nanonite projetaient des paysages terrestres d’une beauté saisissante : ciels azurés, horizons boisés, montagnes lointaines baignées dans une lumière douce.
Plus en profondeur, les niveaux inférieurs abritaient les soutes, les hangars et les systèmes vitaux du vaisseau. C’était là qu'étaient entreposés les modules de stase, conçus en nombre important pour accueillir un milliard d’individus.
De par sa taille intimidante, le vaisseau générationnel avait la capacité d'accueillir une population active de trois milliards d'individus. En totalité, l'Espérance pouvait accueillir quatre milliards d'êtres humains en comptant les modules de stase. Pour organiser et encadrer une population aussi importante, l’Unité de Gaïa avait mis en place une structure sociale et technologique unique à bord.
Afin de maintenir cet écosystème artificiel en parfait équilibre, l’Unité de Gaïa avait intégré des nanosyths dans les cellules de l’ensemble des êtres vivants de la biosphère — plantes, insectes, animaux marins et terrestres — lors de leurs conceptions dans les matrices génétiques. Le but premier restait la survie et la stabilité absolue. Les nanosyths avaient permis un contrôle écologique total. La super-IA Gaïa, intégré au système central du vaisseau, analysait en temps réel l’état de chaque espèce, prévenait l’apparition de pathogènes, ajustait le rapport prédateurs-proies, optimisait la pollinisation et garantissait le maintien d’un cycle biologique parfait. Ainsi, le moindre dysfonctionnement était anticipé et corrigé avant de devenir une menace. Cette maîtrise toute entière orientée vers l’harmonie du système, était indispensable dans un tel contexte de survie interstellaire.
La vie des citoyens était régie par un ensemble de systèmes d’Intelligence Sémantique (IS), chacun conçu pour exceller dans un domaine particulier. Ces systèmes, bien plus avancés et stable que les IA traditionnelles, comprenaient Hermès pour la gestion de l'attribution des crédits et du contrôle des échanges entres les citoyens pour prévenir tout abus, Thémis pour la justice sociale, Hadès pour la gestion carcérale, Athéna pour l’administration publique, Prométhée pour la supervision de la recherche scientifique, Hygie pour le bien-être social, et Asclépios pour le système médical. Chacun possédait une spécialisation unique, basée sur des bases de données sémantiques et des algorithmes d’apprentissage contextuel sophistiqués, leur permettant de comprendre et d’anticiper les besoins des citoyens avec une finesse inégalée.
Ces systèmes ne fonctionnaient pas en isolation. La super-IA Gaïa supervisait leurs interactions et traitait les données les plus complexes, garantissant qu’ils respectaient les principes éthiques et sociaux définis par l’Unité de Gaïa. Ainsi, chaque IS contribuait à l’harmonie collective : Hermès veillait à une répartition équitable des ressources et des crédits ; Thémis administrait une justice rapide et impartiale ; Hadès s’assurait que la réhabilitation prévalait sur la punition ; Athéna rédigeait et ajustait les lois avec transparence ; Prométhée orchestrait les avancées scientifiques ; Hygie promouvait la santé mentale et sociale ; et Asclépios optimisait le suivi médical et la prévention.
L’efficacité de ces systèmes était amplifiée par leur synergie. Athéna, par exemple, travaillait de concert avec Thémis et Hadès pour garantir une cohérence entre les lois, leur application, et la réhabilitation des citoyens. Hermès collaborait avec Athéna pour aligner les régulations économiques sur les politiques publiques. De même, Hygie et Asclépios harmonisaient leurs efforts pour surveiller et améliorer le bien-être général. Cette interconnexion, orchestrée par la super IA quantique Gaïa, plaçait les Systèmes d’Intelligence Sémantique au cœur d’une société où l’équité, la transparence et l’innovation étaient les fondements de la prospérité collective.
Alors que les opérations d'embarquement des citoyens se poursuivaient, l'Espérance finalisait son approvisionnement en ressources. Les vastes stations industrielles, qui flottaient encore autour du vaisseau, avaient accompli leur mission de construction titanesque. Plutôt que de les abandonner, l'Unité de Gaïa avait décidé de les démanteler méthodiquement. La nanonite récupérée était directement intégrée aux réserves de vaisseau générationnelle.
Simultanément, les flottes de vaisseaux de prospection fouillaient les astéroïdes et les lunes du système, comme Ganymède et Callisto, pour extraire les derniers gisements de métaux précieux, d'eau gelée et d'isotopes rares nécessaires au long voyage interstellaire. Ces ressources étaient acheminées vers l'Espérance à un rythme soutenu, tandis que les vaisseaux de prospection eux-mêmes étaient progressivement désassemblés pour récupérer leur nanonite après leur ultime retour à bord du vaisseau générationnel.
Malgré ces avancées logistiques, des tensions majeures persistaient sur Terre. Les citoyens des Néovilles, gouvernés par des Cercles Gouvernants totalitaires, continuaient de se heurter à des restrictions sévères concernant leur départ. Ces régimes autoritaires, voyant dans l’exode une menace à leur pouvoir déjà fragilisé, refusaient catégoriquement de laisser partir leurs populations, même après que ces dernières avaient signé la Charte de Citoyenneté de l'Unité de Gaïa. Les négociations diplomatiques, menées par des représentants de l’Unité de Gaïa, avaient échoué face à l’intransigeance des dirigeants, qui allaient jusqu’à emprisonner ou exécuter ceux qui tentaient de fuir.
L’Unité de Gaïa, fidèle à sa politique, avait décidé d’agir avec fermeté. Les forces armées d’Omnidrones de combat avaient été mobilisées pour des opérations d’extraction dans ces Néovilles. Ces unités de combat, équipés de systèmes d’armements avancés et de générateurs de gravité artificielle, avaient pénétré dans les complexes souterrains et neutralisaient les forces paramilitaires locales avec une précision chirurgicale. Les citoyens captifs avaient été évacués en urgence vers les stations spatiales, où ils avaient été placés en quarantaine avant de passer par les protocoles habituels d’intégration et de contrôle sanitaire.
Cependant, l’Unité de Gaïa respectait sa philosophie de liberté individuelle : ceux qui souhaitaient rester sur Terre, malgré les dangers, étaient libres de leur choix. Mais pour les dirigeants des Cercles Gouvernants ayant ordonné des massacres ou retenu des citoyens contre leur volonté, la sentence avait été sans appel. Ces individus s'étaient vu refuser toute possibilité de citoyenneté future au sein de l’Unité de Gaïa, alors même que la nouvelle ère glaciaire avait déjà recouvert plus de la moitié de la planète.
Ces démonstrations de force, bien que sévères, avaient envoyé un message clair aux factions restantes sur Terre. Face à la perspective de perdre tout espoir de survie et de protection dans l’exode, les Cercles Gouvernants et les Grandes Familles réticentes avaient cessé leurs actions obstructives. Ils permettaient enfin à leurs membres souhaitant rejoindre l’Unité de Gaïa de partir sans entrave.
Le processus d’embarquement était très bien encadré, et les nouveaux citoyens étaient accompagnés tout au long de leur transition, de leur ancienne vie jusqu’à leur intégration au sein de l’Unité de Gaïa. Sur Terre, ces nouveaux arrivants étaient rapatriés dans les installations de l’Unité, où ils étaient pris en charge par les agents de la Division des Relations Publiques et Politiques. On leur fournissait un logement, des soins médicaux et tout le nécessaire pour vivre dans l’attente de leur évacuation vers les stations spatiales. Sur place, ils recevaient une nouvelle Interface Neurale Active en nanonite. Celle-ci prenait la forme d’une seule pièce en demi-croissant, placée derrière l’oreille, à la différence de l’ancienne version qui consistait en une paire de capteurs neuraux également situés derrière l’oreille, interfacés par connexion sans fil à une unité de traitement en forme de bracelet.
Cette version en nanonite n’avait plus besoin d’une unité de traitement séparée. Grâce aux propriétés exceptionnelles de la nanonite, elle intégrait à la fois des capteurs neuraux extrêmement sensibles et un réseau neural photonique très dense, assurant ainsi le traitement direct des données. Son système accueillait un IS (Intelligence Sémantique) Personnel d’Assistance et d’Interaction Sociale, nommé Eiréné. L’interface neurale de chaque citoyen de l’Unité de Gaïa hébergeait ainsi sa propre Eiréné, qui l’accompagnait au quotidien. Elle gérait l’emploi du temps de l’utilisateur, facilitait la communication, les relations sociales, proposait des activités adaptées aux centres d’intérêt et offrait une assistance santé basique, en lien avec l’IS Hygie, afin d’appliquer les recommandations de bien-être.
Eiréné informait et guidait chaque citoyen, l’aidant à s’intégrer au mieux dans ce nouveau mode de vie. Elle les assistait également dans les procédures d’évacuation et d’embarquement, aussi bien pour les démarches administratives que pour l’organisation de leur passage à bord des navettes vers les stations spatiales. Une fois sur les stations, les nouveaux citoyens étaient placés en quarantaine afin de procéder à des contrôles administratifs et médicaux plus poussés. Il était impératif de vérifier leur identité pour prévenir toute infiltration, de confirmer leur état de santé pour éviter les épidémies et leur apporter les soins nécessaires en cas de maladie ou de blessure non traitées sur Terre, ainsi que de s’assurer qu’aucun objet dangereux, arme ou substance illicite n’était introduit à bord des stations ou de l'Espérance.
Les personnes nécessitant des interventions médicales prolongées dans les matrices artificielles étaient immédiatement placées en stase et embarquées à bord de l'Espérance afin d’entamer leur traitement le plus rapidement possible.


[Époque : 2245 - Le Grand Départ vers Alpha du Centaure]
Le 15 octobre 2245, l’Espérance s’était élancée hors de l’orbite terrestre, entamant le plus grand voyage de l’histoire humaine. Les immenses chantiers d’assemblage au point de Lagrange deux, les stations industrielles et les vaisseaux de prospection qui avaient servi à la construction du vaisseau générationnel n’existaient plus. L’Unité de Gaïa avait pris soin de ne laisser aucune trace de nanonite dans le Système solaire. Chaque station, chaque navire auxiliaire, chaque robot impliqué dans le projet avait été intégralement démantelé. La nanonite, soigneusement récupérée, était désormais fondue dans les gigantesques réserves de l’Espérance, assurant que nulle technologie sensible ne demeurait à la portée de ceux restés en arrière. Le vaisseau générationnel, désormais complet, poursuivait sa route libre de toute attache.
Sa propulsion quantique de dernière génération, capable d’atteindre une vélocité remarquable de quarante-trois pourcents la vitesse de la lumière, avait été activée. Cette prouesse technologique, avait permis de réduire la durée du voyage vers Alpha du Centaure à une dizaine d’années, un délai autrefois inimaginable. Tandis que le vaisseau s’éloignait du Soleil, les systèmes de navigation et de correction de trajectoire, contrôlés par la super-IA Gaïa, ajustaient les champs de distorsion quantique afin de maintenir un cap stable et sûr.
À bord, une ambiance solennelle enveloppait les habitants. Alors que la propulsion accélérait, projetant le vaisseau au-delà des planètes internes, les regards s’étaient tournés une dernière fois vers la Terre. Ce point bleu pâle, de plus en plus distant, représentait le berceau de l’humanité, son histoire, ses espoirs et ses tragédies. Beaucoup ressentaient un profond chagrin à l’idée de quitter définitivement le Système solaire, laissant derrière eux un monde qui, malgré ses ravages écologiques et ses conflits, avait été leur foyer pendant des millénaires.
Des cérémonies d’hommage s’étaient spontanément organisées dans les différents quartiers de l’Espérance. Sous le dôme transparent, des foules s’étaient rassemblées pour observer la Terre, encore visible à l’œil nu, et lui adresser des messages d’adieu. Norwenn et Serenya, main dans la main, avaient participé à une veillée dans leur section. Des hologrammes projetés par les surfaces en nanonite montraient des images d’une Terre prospère et verdoyante, un rappel poignant de ce que l’humanité avait perdu. Des poèmes avaient été récités, des chants entonnés, et les enfants, avec leurs yeux curieux et émerveillés, écoutaient attentivement les histoires de l’ancien monde que leurs parents leur racontaient.
Dans l’obscurité du dôme nocturne, alors que les étoiles devenaient de plus en plus lumineuses, le porte paroles de la Division des Relations Publiques et Politiques avait transmis le message officiel du Haut Conseil. À travers une projection holographique, il avait rappelé l’importance de ce départ : non pas une fuite, mais une renaissance. Il avait évoqué la promesse de l’humanité de préserver la mémoire de la Terre et de trouver, à Alpha du Centaure, un nouveau foyer capable de porter la vie humaine et de rétablir un équilibre perdu.
Les perspectives d’avenir étaient empreintes d’espoir, mais l’incertitude pesait lourdement. Alpha du Centaure, l’étoile la plus proche de Sol, située à quatre virgule trente-sept années-lumière, représentait un pari audacieux. Les analyses préliminaires du système, recueillies depuis plusieurs décennies, suggéraient qu’une planète située dans la zone habitable – nommée Proxima b – pourrait abriter la vie. Pourtant, aucune certitude ne venait confirmer que ce monde était réellement hospitalier ou prêt à accueillir l’humanité. Ce voyage relevait autant d’un acte de foi que d’un projet scientifique.
À bord du vaisseau, la vie commençait lentement à reprendre son cours. Les citoyens, fraîchement installés dans leurs quartiers, découvraient peu à peu leur nouveau cadre de vie. Les habitations, réparties entre les niveaux inférieurs et ceux sous le dôme, disposaient d’une modularité impressionnante : parois en nanonite reconfigurables, éclairages adaptatifs, et une atmosphère contrôlée avec soin. Les membres de chaque foyer trouvaient, en plus de l’assistante domestique Hestia et de l’assistante personnelle Eiréné, de nouveaux appareils intégrés.
Au cœur de chaque logement se trouvaient deux modules fondamentaux : un Module Culinaire de nouvelle génération et un Réplicateur Atomique Domestique, tous deux entièrement conçus en nanonite et intégrés à la structure du logement. Le Module Culinaire, plus perfectionné que jamais, dépassait les capacités des anciennes cuisines terrestres. Il était capable de synthétiser des ingrédients d’une qualité supérieure à tout ce que l’on pouvait produire naturellement, et de préparer des plats raffinés ou d’en fournir les composants bruts. Les habitants pouvaient choisir de cuisiner eux-mêmes, guidés par leurs propres goûts. Hestia ou Eiréné pouvaient piloter l’Omnidroïde pour préparer un repas, ou encore laisser le Module Culinaire synthétiser directement un mets prêt à déguster. De même, le Réplicateur Atomique Domestique, d’une précision extrême, permettait de créer vêtements, outils, objets du quotidien, en quelques instants, ajustant chaque détail selon les préférences de la famille.
Les Omnidroïdes, à la présence bienveillante, avaient accueilli les nouveaux citoyens dans leurs habitats. Grâce à leur peau biomimétique en Nanosyths, indiscernable de celle des humains, et à leur capacité à imiter parfaitement les comportements humains, ils offraient un visage rassurant et familier à la haute technologie. Ces compagnons humanoïdes, entièrement personnalisables, intégraient une structure interne sophistiquée composée de nanonite polymorphique, imitant fidèlement les os, les muscles et les organes humains. Leurs poumons artificiels convertissaient les éléments de l'air ambiant en énergie, tandis que leur estomac artificiel transformait intégralement les aliments et l'eau, sans générer de déchets.
Dépourvus de cœur, leur système énergétique reposait sur une optimisation avancée, et leur cerveau, un amas de nanonite à haute densité de réseaux neuraux photoniques, assurait un contrôle fluide et précis de toutes leurs fonctions physiques et sensorielles. Leur version neutre, sans caractéristiques physiques ni faciales, se voyait personnalisée lors de la première utilisation via l’IS personnelle Eiréné, qui déterminait leur genre, leur taille, leurs traits du visage et d’autres paramètres esthétiques selon les préférences de l’utilisateur.
Les Omnidroïdes étaient dotés d’une capacité exceptionnelle à s’intégrer dans le quotidien des citoyens. Pilotés par Hestia pour les tâches domestiques ou par Eiréné pour des interactions sociales et émotionnelles, ils devenaient des partenaires essentiels dans la découverte et l’adaptation au nouvel environnement. Grâce à leur module d’immersion sensorielle intégrale, ils servaient de corps artificiels prêts à être contrôlés par une IS ou un opérateur humain, retransmettant toutes les sensations et mouvements avec une parfaite authenticité.
Cette symbiose technologique permettait aux Omnidroïdes d’offrir des interactions sociales enrichies, des gestes humains réalistes, et une capacité unique à anticiper les besoins émotionnels et physiques de leurs utilisateurs. En tant que maillons essentiels de l’écosystème social et technologique, les Omnidroïdes facilitaient non seulement l’intégration des citoyens dans leurs nouveaux habitats, mais renforçaient aussi le lien affectif entre eux et leurs IS personnelles.
Durant ces premiers jours, Norwenn et Serenya, savouraient leur installation dans leurs nouveaux quartiers. Ils disposaient d’un espace confortable, modulé selon leurs envies, et pouvaient enfin profiter de leur nouvelle jeunesse tranquillement avec une vitalité et une longévité considérablement accrues par les nanosyths. Serenya s’amusait à réagencer la décoration de leur salon, tandis que Norwenn étudiait les données scientifiques de la Division de Recherches en Génie Génétique, planifiant la suite de ses travaux sur le projet de reconstruction corporelle intégrale. Pendant ce temps, Eiréné, intégrée à leur interface neurale active, anticipait leurs besoins, suggérait des activités, des loisirs, ou l’exploration des ressources culturelles du vaisseau.
Finalement, au terme de plusieurs semaines de navigation accélérée, l'Espérance avait franchi la frontière du Système solaire. Le Soleil, désormais un simple point lumineux parmi d’autres, semblait presque dire adieu à l’humanité. Les senseurs du vaisseau avaient signalé l’entrée dans l’espace interstellaire, marquant le début d’une nouvelle ère. Lancée vers Alpha du Centaure, l'Espérance et ses trois milliards d’âmes s’étaient engagées résolument dans une odyssée dont l’issue marquerait à jamais le destin de l’humanité.
 

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