Chapitre 1
Aïko s’avança d’un pas et la neige crissa sous ses bottes fourrées. Elle se tenait entre ciel et terre, perchée sur une arrête rocheuse, seule parmi les nuages cotonneux et les rudes caresses du vent. En plein hiver, la montagne sacrée se parait de givre étincelant et les toriis rouges brillaient comme des joyaux. La jeune femme savoura les flocons qui caressaient son visage et ses lèvres esquissèrent un pâle sourire, le premier de cette interminable journée.
Elle sortit sa flûte de son étui, en joua quelques notes puis s’interrompit, foudroyée en plein élan.
— Que faites-vous ici ? Je trouve la maison vide en rentrant et le diner n’est pas prêt.
Aïko s’approcha du bord pour fuir les reproches de son mari. Il gâchait tout. N’était-il pas sensible à la beauté du paysage, à la pureté de l’air, au doux silence de l’hiver ? En harmonie avec les éléments, elle se sentait moins prisonnière des conventions et de ce mariage décevant.
— Bonsoir Makoto, répondit-elle sans se retourner. Pourquoi ne pas vous adresser aux servantes ?
— La présence de ma femme, est-ce trop demander ?
— J’étais fatiguée d’attendre.
La voix plaintive de la jeune femme sonna comme celle d’une enfant capricieuse à ses propres oreilles. Elle se sentait seule et Tomoe lui manquait depuis son départ à la capitale. Aïko aurait sans doute trouvé le courage de quitter son perchoir pour elle, ou pour Shizuka, mais son amie guide ne rentrerait pas avant trois ou quatre jours. Aïko crut l’entendre bougonner gentiment : « Ton mari n’est pas si terrible. C’est un grand maladroit, il ne sait pas s’y prendre avec les femmes, mais tu l’apprivoiseras avec le temps. »
L’apprivoiser… Aïko se tourna enfin vers la silhouette masculine qui s’impatientait derrière elle. Le froid rougissait le beau visage de son mari et son menton pointait sous l’effet de la contrariété, pourtant il ne manquait pas de prestance. « Un si beau couple, s’extasiait souvent sa mère, si bien assorti ! » L’amertume brûla la jeune femme de l’intérieur. Ce Noble Prêtre n’accordait d’attention qu’au service des divinités ; près de lui, elle se sentait mourir à petit feu. Depuis le mariage, ils donnaient le change, souriaient en public pour mieux se quereller en privé. Par les huit mille kamis, comme elle haïssait cette vie !
— Je vous ordonne de rentrer immédiatement ! gronda-t-il.
La colère de son époux la repoussa à l’extrémité du promontoire, à la merci de la moindre bourrasque, et seules de minces feuilles de roche verglacée la séparaient de l’abîme. Ses sandales glissèrent et elle se rattrapa de justesse.
— Aïko, soyez raisonnable !
La jeune femme décela une nouvelle peur dans sa voix et cette crainte lui donna chaud au cœur. Makoto tenait donc un peu à elle ? Elle éprouvait des émotions contradictoires, indécise et déroutée par un avenir sans joie. L’espoir lui-même n’apportait que des déceptions. Elle regarda en bas, tentée par cette promesse de repos éternel, et un coup de vent la déséquilibra.
Son mari se précipita vers elle pour la sauver mais, au moment de la rejoindre, la pierre et le gel craquèrent sous son poids. Aïko sentit la roche friable se désagréger sous ses pieds. Quand l’arrête fragile s’écroula, un petit cri de surprise lui échappa. Au cours de sa chute, elle vit son époux heurter le sol, son corps tachant l’immensité blanche tel un insecte écrasé. La jeune fille ferma les yeux et son hurlement d’effroi résonna entre les pics glacés.
avant tout, j'ai une affection particulière pour la période féodale du Japon. Je suis donc très bien disposée par-rapport à ton histoire, d'autant plus parce que je trouve ton style très évocateur. On a l'impression d'être plongé dans une estampe délicate et, en plus, au milieu d'une intrigue fouillée (chic, une guerre de clans ^^)
Par-contre, et en cela je vais sans doute beaucoup rejoindre les réflexions d'Isapass, je suis du coup frustrée de prendre l'histoire en cours de route.
Sinon, j'ai eu du mal à distiguer certains personnages entre eux (dans le chapitre "Aiko se réveille", je ne sais pas pourquoi, je me suis mélangée les pinceaux au debut entre la Grande Prétresse et Shizuka...)
J'ai aussi un peu pédalé dans la semoule concernant l'apparition d'Aiko chez Tomoe. Pour moi, il n'était pas du tout clair qu'elle ait volé jusque là.
Pour finir, j'ai été un peu gênée concernant certaines réactions de Chihiro :
- d'abord, je trouve que sa première intuition par-rapport au fait qu'Aiko est le Phénix arrive un peu brutalement.
- ensuite, lorsqu'il rembarre la Grande Prêtresse, j'ai trouvé ça un peu brutal et irrespectueux. C'est la Grande Prêtresse, quoi! :D
- et enfin, dans le chapitre "un chemin périlleux", je trouve normal que Shizuka fasse des réflexions sur le mariage d'Aiko, mais Chihiro? Son avis se baserait sur quoi, vu qu'il ne l'a jamais rencontrée?
En tout cas, malgré mes petits pinaillages, j'attends la suite avec impatience!
J'ai bien conscience que ce n'est pas facile de plonger dans le tome 2 sans avoir lu le tome 1. Le truc, c'est que le tome 1 est déjà bien avancé dans les corrections, j'ai déjà fait plusieurs passages dessus, du coup je préfère l'envoyer d'un coup aux personnes intéressées par mail plutôt que le publier chapitre par chapitre.
Je note bien tes remarques pour la suite. Pour l'instant, je suis en mode "finir le premier jet sans regarder en arrière", mais je reviendrai sur tout cela pendant les corrections.
J'adore vraiment l'ambiance et ce qu'on devine des personnages...
Petite note : c'est Torii avec deux i :)
Heureusement, que la fonction rechercher existe.
Alors première impression : ta plume est à la fois très maîtrisée et très évocatrice. C'est recherché tout en restant très fluide, les phrase sont harmonieuses et chantantes (j'y suis très sensible). Bref, j'aime beaucoup !
Sur le fond : dès ce prologue on a un bon équilibre entre descriptions, introspection et action, et évidemment, il nous laisse en haleine.
Je suis restée juste un tout petit peu perplexe sur ce que tu voulais faire passer sur les émotions de Aïko envers son mari. Ce que j'ai perçu, c'est d'abord une indifférence agacée, ensuite je me suis dit que finalement, elle tenait à lui et avait un petit espoir qu'il soit attaché à elle, et enfin de la colère par rapport à sa situation et à lui.
Est-ce que tu voulais vraiment faire passer tout ça ? Si c'est le cas, pourquoi pas (c'est un cocktail subtile qui peut tout à fait cohabiter chez quelqu'un), mais ça m'a laissé l'impression qu'Aïko était un peu "perdue" entre toutes ses émotions mêlées. Ce qui est peut-être ton but.
Si tu voulais plutôt que ce soit la colère qui ressorte et que cette première image d'Aïko soit celle d'une jeune femme résolue et forte, je pense qu'il faudrait pondérer la phrase de son amie (" Ton mari n’est pas si terrible. C’est un grand maladroit, il ne sait pas s’y prendre avec les femmes, mais tu l’apprivoiseras avec le temps.") en disant qu'elle-même n'y adhère pas. Et il y a aussi "Makoto tenait donc un peu à elle ?" qui peut être juste de la surprise, mais que moi j'ai interprété comme un espoir.
Je ne sais pas si je suis claire. Sinon, dis le moi.
A+
Merci beaucoup pour ton retour. J'ai construit mon style par élimination (en supprimmant les lourdeurs du type qui/que - les participes présents - les adjectifs en ement / les verbes faibles...) du coup il m'a fallu du temps pour retrouver du contenu et des phrases un peu plus complexes que sujet-verbe -complément. J'ai l'impression de me lâcher dans Porcelâme, c'est très agréable.
En ce qui concerne les émotions d'Aïko, je suis très satisfaite, car elle ressent effectivement tout cela en même temps. Elle est perdue, pleine de doutes et indécises. Ce n'est pas une femme forte et il va lui falloir tout un roman pour trouver sa voie et prendre son envol.
Elle et moi, nous avons un long chemin à parcourir ensemble, hi hi hi !
Je passe te relire, parce qu'il me semble que tu avais déjà posté ces chapitres - mais peut-être que c'était une ancienne version?
Sur le fond:
J'ai beaucoup ton premier chapitre, avec la chute d'Aïko: très poétique et surtout cette entrée en matière donne immédiatement l'envie d'en lire plus.
J'avoue avoir eu du mal à m'y retrouver dans le deuxième chapitre, entre les noms des personnages et les rapports entre les clans, cela fait beaucoup d'informations à assimiler. Je pense que le flou sur l'univers politique n'est pas problématique (on se doute qu'on finira bien par comprendre), en revanche il faudrait peut-être insister plus sur les descriptions des personnages afin qu'on ait davantage le temps de les identifier. L'origine japonaise des noms ajoute évidemment à la difficulté pour la lectrice européenne que je suis!
Et je plussoie AxelleC pour le dernier chapitre, il faudrait sans doute insister sur le fait que Chihiro n'a que quatre sens, cela permettrait de mieux comprendre pourquoi le porcelâme n'est pas décrit :)
Sur la forme:
Comme toujours, je ne suis pas très forte pour relever les problèmes de forme, donc je te signale juste ce petit déjà-vu, dans le deuxième chapitre:
Une étincelle jaillit dans l’esprit de Chihiro.
— Parlez-moi d’elle, exigea-t-il.
— En cette saison, où pourrait-elle aller ? Nous avons beau fouiller les moindres recoins du Temple et creuser la neige au pied de la montagne, elle s’est volatilisée !
Une étincelle jaillit dans l’esprit de Chihiro.
— Parlez-moi d’elle, exigea-t-il.
J'ai hâte de lire la suite, je suis contente que tu aies décidé de poster Porcelâme!
A bientôt,
<br />Zéno
En tout cas, je note bien ta remarque et je te remercie pour ton retour.
En voilà un petit prologue alléchant ^^ J'aime bien l'ambiance qui se dégage de ton écriture.
J'ai quelques petites suggestions à te faire sur des extraits de ton texte :
- «En harmonie avec les événements», ne voulais-tu pas dire «avec les éléments» ?
Il y a parfois quelques erreurs de temps ou de concordance de temps :
- Quand Aiko répond «je suis fatiguée d'attendre», je crois qu'il faut plutôt l'accorder au passé «J'étais fatiguée d'attendre» puisque je suppose qu'elle justifie sa présence là.
- «un si beau couple, s'extasiait sa mère», même chose c'est le passé du passé donc je dirais plutôt «s'était extasiée sa mère».
- un peu plus loin, j'aurais fait 2 phrases avec «Ce noble prêtre n'accordait d'attention qu'au service des dieux. Près de lui, elle se sentait...» ou un point-virgule à la place du point.
- «une crainte qui lui donnait chaud au coeur», j'aurais dit «donna» puisque c'est sur le moment même.
Et enfin, «son corps tachait l'immensité blanche» ; soit tu fais 2 phrases, soit tu dis «tachant». Parce que tu as 2 sujets et 2 verbes séparés par une virgule, ce qui n'est pas correct d'après moi.
Voilà, j'espère que ça te sera utile. Libre à toi d'en tenir compte évidemment ;)
Je suivrais la suite avec plaisir ! :D
Merci beaucoup pour ton retour et tes encouragements. Je n'ai pas encore trouvé le temps de corriger mon premier jet suite à tes remarques, mais je n'y manquerai pas.
Je vais mettre le premier chapitre en ligne de ce pas, en espérant qu'il te plaira également.
Ca part au quart de tour, cette histoire ! tu poses bien le décor, tes descriptions nous mettent dans l'ambiance de cette nature d'hiver au diapason de l'état d'esprit de cette jeune femme insatisfaite. Beau début, ça donne envie d'aller voir la suite.
J'ai eu un peu de mal avec la scène de la fin : il se précipite vers elle pour la sauver, mais on n'avait pas l'impression qu'elle était si en danger que ça. Au bord, oui, mais pas en déséquilibre. Peut-être faut-il revoir un peu l'enchainement des actions dans cette scène pour qu'on suive mieux cette chute des deux protagonistes.
Bonne continuation Elikya !
Merci pour ton passage par ici, je suis contente que l'ambiance te plaise et te donne envie de lire la suite. Je voulais, comme tu le dis, mélanger un aspect contemplatif, introspectif, puis finir sur cette chute pour partir au quart de tour.
J'avoue que je galère un peu sur la description du moment qui précède la chute. Suite à tes conseils, je vais essayer d'accentuer l'impression de désequilibre, donner davantage l'impression de danger pour mieux expliquer le fait que son mari se précipite vers elle pour la retenir.