Le manteau bleu
Le jour n’avait pas fini de mourir, mais les dernières lueurs s’arrêtaient à la lisière de la forêt. Sous le couvert des arbres, l’obscurité s’épaississait. Craignant de ne plus distinguer suffisamment les alentours pour se repérer, le cavalier pressa sa monture à travers les buissons et ferma son long manteau bleu contre la fraîcheur de la nuit.
Il reconnut le rocher à deux pointes évoqué dans la lettre et prit vers le nord. S’il en croyait les indications, il touchait au but. Tant mieux. Il ne cessait de sursauter comme un enfant au moindre craquement ; les cris des bêtes nocturnes dans le sous-bois lui hérissaient le poil comme autant de menaces.
Dans quoi s’était-il embarqué ? Il sortit pour la centième fois le parchemin de son manteau de voyage. La vue du sceau mystérieux — un livre et une tour, surmontés de trois étoiles d’or — provoqua la même bouffée de peur mêlée d’impatience qu’à sa première lecture. Reçue une lune auparavant, la missive lui faisait miroiter un avenir grandiose. D’abord méfiant, il avait senti croître en lui la curiosité, puis l’envie. Il avait résolu d’honorer la mystérieuse invitation.
Une lueur apparut à travers les taillis. Elle s’intensifia à mesure qu’il avançait. Lorsqu’il franchit le dernier rideau d’arbres, il déboucha sur une petite clairière, face au mur d’un castel en fort mauvais état. Les dépendances et l’une des tours s’étaient écroulées depuis assez longtemps pour que la végétation s’y installe. Une lanterne pendait sur un pieu, probablement à son intention, créant sur les pierres brunes des ombres étirées et mouvantes. Au-delà de la bâtisse, la forêt s’élevait de nouveau. L’absence de chemin, la construction délabrée enchâssée au cœur d’un bois, tout confirmait la clandestinité.
Il mit pied à terre puis contourna le castel à pas lents, le cœur battant à tout rompre. Il ne savait même pas qui il allait rencontrer, ni pourquoi. Peut-être que les promesses d’une ascension fulgurante étaient vraies, mais quel en serait le prix à payer ? Il était encore temps de renoncer à cette folie.
Il était pourtant venu jusqu’ici, poussé par le désir de savoir. La curiosité l’emportant sur la peur, il continua d’avancer.
Devant la grande porte vermoulue aux ferrures rouillées, une sentinelle montait la garde, armée d’une lance. L’homme au manteau bleu ne put retenir un frisson lorsqu’il s’en approcha : le guetteur n’avait pas de visage. Sous son casque rutilant, il arborait un masque d’entrelacs métalliques qui le dissimulait tout en lui permettant de voir. Il était bardé de cuir vert foncé, depuis la broigne aux clous étincelants jusqu’à ses bottes équipées d’éperons. Sans un mot, le garde désigna l’entrée. Repoussant son capuchon, le visiteur s’engagea dans le hall, puis s’arrêta sur le seuil de la grande salle. Alignées derrière une longue table poussiéreuse, trois silhouettes vêtues elles aussi de vert sombre, la figure couverte de grilles, s’inclinèrent brièvement. Ses hôtes portaient à la ceinture de courts glaives qui n’avaient rien d’armes d’apparat. Sur leurs poitrines, il reconnut le blason : le livre et la tour.
L’un d’eux lui fit signe de s’asseoir tandis que les hommes prenaient place en face de lui. Trois masques de métal le dévisagèrent en silence à la lueur ténue des bougies. Une sueur froide coula dans son dos.
– Qui êtes-vous ? interrogea-t-il d’une voix qu’il voulait ferme, mais qui monta dans les aigus.
– Les représentants d’un nouveau pouvoir.
Il sentit qu’il serait vain d’exiger des précisions. Trop tôt. Il devrait faire ses preuves.
– Pourquoi m’avez-vous demandé de venir ?
– Parce que nous avons besoin de vous.
– Quels sont vos desseins ?
– Nous étendre. Faire régner l’ordre et le savoir.
La voix avait résonné contre les murs de pierre comme un glas. Il ignorait lequel des hommes avait parlé, mais cela importait peu. Les autres auraient probablement répondu la même chose. Il frissonna de nouveau, mais cette fois, la peur se mêla d’excitation. À l’assurance froide de cette proclamation, il sut que ce n’était pas une utopie. Avec ou sans lui, ce pouvoir allait se répandre.
– Il faut des moyens pour une pareille entreprise, argua-t-il.
– Nous les avons, répondit une des voix. Ils sont illimités.
Le projet possédait donc une telle ampleur ?
– Jusqu’où voulez-vous aller ?
– Nous allons conquérir le royaume.
Son cœur accéléra sous l’effet de l’exaltation. Une profonde mutation était déjà en marche, il le sentait. Il lui suffisait de la suivre. Il brûlait maintenant d’en savoir plus.
– Et moi, qu’est-ce que j’y gagne ?
– Si vous êtes patient et dévoué, vous obtiendrez le trône de Cazalyne.
Un torrent de lave se déversa dans ses veines. Sa vie durant, il avait étouffé toute ambition de s’élever au-delà de sa condition actuelle. Et voici qu’on lui offrait bien plus que ses rêves les plus fous. Oubliés, la peur et le doute : la force de son désir le surprit lui-même, l’espoir venait de libérer dans la moindre parcelle de son être une avidité sans limites qui ne laissait de place pour aucun autre sentiment.
Il se vit gravir les rues de Terce triomphant. Toutes les âmes de la capitale parée d’étendards à ses armes l’acclamaient d’une seule voix. En haut de la colline, appuyé sur la falaise du Mont de Cordelle, se dressait le château des Cimiantes. Son château.
Oh oui, il serait infiniment patient et dévoué, tant qu’au bout du chemin, on lui garantissait de régner.
Forcément, après avoir découvert le début de Walter Cobb qui m'a fait bonne impression, j'avais envie de jeter un œil à tes autres œuvres. Mon goût pour la fantasy et le fait que ce soit ton roman "principal" m'a évidemment poussé vers les Princes Liés, et me voilà.
Ce prologue me fait l'effet d'un début assez classique mais efficace et bien amené. Un personnage mystérieux qui ambitionne de conquérir le trône, une mystérieuse organisation qui le manipule pour arriver à ses fins, on sent venir les complots et les intrigues, c'est tout ce qu'on aime dans ce genre de récit.
Je continue ma lecture :)
Tu as raison, c'est assez classique. Il faut dire que ce tome est presque mon premier roman, et je voulais déjà voir si j'étais capable de me lancer et de terminer un projet de cette ampleur avant de chercher à innover. Et puis tout compte fait, j'ai un faible pour les standards, alors j'y suis allée plein pot, en essayant de ne pas tomber dans les clichés non plus (mais il doit y en avoir quand même).
Je préfère te prévenir : je compte réécrire toute la première moitié de ce tome. Certains passages sont un peu tarte (ça se n'est pas difficile à corriger, mais encore faut-il le faire) et l'histoire met un peu de temps à se mettre en place. Ce n'est pas pour tout de suite cependant (je veux d'abord terminer Walter Cobb), donc tu peux lire sans craindre que je chamboule tout. En tout cas, n'hésite pas à me faire toutes les remarques qui te viennent, ça me sera probablement très utile.
Bienvenue ! Je suis toujours ravie et flattée d'avoir de nouvelles lectures sur cette saga. C'est un peu mon oeuvre chérie, ou quelque chose comme ça. J'ai terminé le premier jet du tome 2 il y a maintenant 2 ans et je crois que je n'arrive toujours pas à m'en remettre complètement, comme une sorte de baby blues...
Plus sérieusement, je compte retravailler ce projet (pour la énième fois), donc n'hésite pas à me faire part de tous tes retours. Ne me ménage pas !
Contente que ce premier aperçu de l'histoire et de ce personnage au manteau bleu te plaise, en tout cas. J'espère que la suite te convaincra aussi et te fera passer un bon moment !
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
Le titre et le résumé m'ont convaincu : je me lance dans les princes liés..
Pour l'impression générale elle est très bonne, ça remplit bien le rôle de prologue avec une bonne dose de mystère.
(question qui n'a aucun rapport : avec 1089 commentaires es-tu la recordman du site ?^^ je ne crois pas avoir vu plus xD)
"Sur leurs poitrines, il reconnut le blason : le livre et la tour." deux signes à priori peu conformes...
La discussion où on lui propose un trône me paraît bien louche et j'ai envie d'en savoir plus.
Ce protagoniste dont on sait assez peu me plaît bien dans sa manière de réagir, j'espère qu'on ne va pas trop tarder à le retrouver (=
Bien à toi !
Pour te donner le contexte, ce diptyque est le projet sur lequel j'ai passé le plus de temps (genre 3 ans) et l'histoire et les personnages comptent beaucoup pour moi. J'ai même fait une espèce de baby blues après avoir posé le point final du tome 2. Je l'ai proposé à plusieurs maisons d'édition et j'ai eu plusieurs retours du type "nous avons beaucoup hésité... mais non". Ce qui laisse un goût un peu amer ! Avec du recul, je sais comment je devrais le retravailler, mais c'est un travail conséquent. Quoi qu'il en soit, n'hésite pas à être critique si tu continues à lire ;)
En effet, le personnage du "manteau bleu" et ce prologue avaient pour but de poser d'entrée de jeu une ambiance de mystère. Contente de voir que ça marche. On va retrouver le manteau bleu régulièrement et son identité est un des enjeux majeurs de la saga. Tu verras vite qu'il y a aussi beaucoup (trop ?) d'autres points de vue.
Je n'ai pas le plus grand nombre de commentaires à mon actif. Je crois que notre championne est Fannie qui doit en avoir 1300. En plus, ses commentaires sont chirurgicaux XD
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
A bientôt !
La lecture de ton commentaire me donne vraiment envie de lire la suite. On sent que c'est un projet auquel tu t'es énormément attaché et ça se sent !
"Tu verras vite qu'il y a aussi beaucoup (trop ?) d'autres points de vue." Impeccable pour moi, je suis fan. Le roman que j'ai écrit l'an dernier avait originellement 10 narrateurs xD
"Je l'ai proposé à plusieurs maisons d'édition et j'ai eu plusieurs retours du type "nous avons beaucoup hésité... mais non". Ce qui laisse un goût un peu amer !"
Oui je te comprends parfaitement et si un jour j'arrive au bout d'une histoire et que j'ai le courage de l'envoyer à des maisons je me préparerai à ça. C'est très dur d'être édité pour un premier roman, surtout que d'après ce que je lis çà et là beaucoup de maisons d'édition ont eu des soucis financiers.
Si je peux aider à ce "re-travaill" ça me ferait super plaisir, n'hésite pas à me demander si tu te poses des questions sur tel ou tel personnage.
PS : (Fannie n'a que 1040 commentaires à son actif xD)
Au plaisir !
Je suis repassé sur ce prologue que j'avais un peu oublié. (dans la quête d'un indice pour le manteau bleu^^) C'était très intéressant de se rappeler ses motivations. Malheureusement, ça ne m'a pas trop avancé ahah !
A bientôt !
J'ai trouvé intéressant ce prologue qui semble s'ouvrir que une scène connue et déjà vue (chevauché nocturne d'un cavalier solitaire) mais qui prend rapidement un tour plus concrètement mystérieux et exaltant. Je ne sais pas exactement à quel public qui pense t'adresser avec ce roman, mais j'ai l'impression que le dialogue avec les trois masques gagnerait à être légèrement plus orienter vers le mystère ou la puissance.
Je dis ça ma si j'y réfléchis autrement, je dirai que le petit truc qui me semble manquer sur ce prologue c'est le rythme. Pas le rythme de l'action qui est fluide et accompagne bien l'avancée du personnage, mais le rythme des tes phrases et du phrasé de tes dialogues. Il est correct, mais il n'est pas toujours dynamique vis à vis de la fébrilité du personnage. Cela vaut surtout pour le début et le dialogue, car les trois derniers paragraphes sont très en phase avec l’enflement démesuré de la pensée et du désir du personnage au manteau bleu. D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé que ce point de détail soit le titre de ton prologue.
On s'interroge évidemment pas mal sur lui (le porteur du manteau plus que le manteau lui-même, encore que) : est-il d'une noble ou haute ascendance mais écarté du pouvoir ? Ce que pourrait indiquer le bleu, le fait qu'il sache lire, possède un cheval et soit repéré comme le pantin qui pourrait faire office de roi (car j'ai l'impression qu'il s'agit davantage de s'assoir sur le trône que de régner explicitement). Mais sa pensée laisse entendre qu'il est plus bas que cela, ou plus loin encore de cette espérance avide.
Je poursuis ma lecture et te dis à bientôt pour la suite !
*« L’absence de chemin, la construction délabrée enchâssée au cœur d’un bois, tout confirmait la clandestinité. » : peut-être dynamiser un peu la ponctuation ici avec deux points ?
*« mais quel en serait le prix à payer ? » : quel serait le prix à payer ou quel en serait le prix.
Le début de ce tome date donc un peu et j'y vois moi-même des erreurs que je ne commettrais plus aujourd'hui. Mais j'avoue que je ne me suis pas encore attaquer aux corrections du second tome, alors je ne me vois pas encore refaire une énième passe sur celui-ci :) Ceci dit, je note scrupuleusement tes remarques ! En plus, sur le rythme du dialogue et de la rencontre, je suis assez d'accord avec toi : c'est perfectible. Tout le long du roman, j'ai été obsédée par le fait de ménager le suspense (en dire trop ou pas assez), jusqu'à ce que je m'aperçoive que tous les lecteurs ne saisissaient pas les indices de la même manière ! Du coup, j'en ai peut-être un peu négligé certains autres aspects. Mais j'apprends ! J'ai commencé à écrire très tard, alors je suis débutante, finalement.
Tu vas rapidement voir que "Le manteau bleu" n'est pas à proprement parlé le titre du prologue, mais j'ai pris le parti de commencer tous mes points de vue par le nom du personnage pour plus de clarté, car je dois avoir à peu près douze à quinze points de vue différents (un des reproches que m'a faits Gallimard, d'ailleurs). Et tu verras aussi que comme tu le soupçonnes, l'identité de ce manteau bleu est un des enjeux majeurs du diptyque. Au début, il n'était pas identifié, je mettais juste "il" dans ses pov, mais je me suis aperçue que ça portait parfois à confusion. Si jamais le projet séduit (enfin) un éditeur, je compte sur lui pour me dire si c'est pertinent ou non de garder les noms des persos en tête des pov.
Pour répondre à ta question, je pense que la saga s'adresse à des grand ados ou des jeunes adultes (ou moins jeunes, d'ailleurs : j'adore ce genre-là et je suis loin d'être une jeune adulte avec mes 44 ans XD).
En tout cas, merci beaucoup pour ta lecture et pour ton commentaire. J'espère que la suite te plaira si tu continues.
J'ai vite compris en effet qu'il s'agissait finalement du nom indiquant les pov en feuilletant hier le chapitre 1. Mais je trouverai ça cool du coup que, dans le texte, tu puisses nommer ce personnage comme ça "le manteau bleu". Cela lui donnerai un mystérieux charisme !
Sur ce, j'embarque pour la suite ~
Je viens de lire ton petit prologue :)
Déjà, félicitation ! C'est propre, c'est fluide. Pas de lourdeur, il y a du vocabulaire riche sans tomber dans le toomuch. Le rythme marche bien, tu ne perds pas ton temps à trop donner de détails. Le lecteur est dans le flou, comme le personnage, et du coup, on veut aussi en savoir plus ^^
Je n'ai pas grand chose à dire. je pense que ce projet à déjà été bien travaillé et bien relu. Je crois que tu l'as proposé à un éditeur, même ?
Je sais qu'il y a un tome 2 que tu viens de finir; Y aura-t-il un tome 3 ou bien est-ce fini ?
Bref, pas beaucoup à t'apporter pour le moment. Je continue la lecture avec plaisir ;)
C'est gentil de venir lire mon pavé :) La bête fait 114k mots, et le second tome en fait... 145k (va falloir que je taille en correction, pour le T2 !). Mais pour te répondre, il n'y a que deux tomes : si tu as envie de continuer, au moins tu es sûre d'avoir l'histoire complète ;)
Ce tome-ci a effectivement fait l'objet de plusieurs beta-lectures et autant de vagues de correction, dont certaines assez drastiques. La dernière visait à dynamiser la seconde partie qui, il est vrai, était un peu molle (j'ai peur qu'elle le soit toujours, mais moins quand même, heureusement !). Du coup, j'ai pris le contrepied pour le tome 2 où il y a beaucoup, beaucoup d'action XD.
J'ai soumis ce tome à une bonne vingtaine d'éditeurs et même si je n'ai pas tous les retours, j'ai eu 4 ou 5 retours détaillés enthousiastes... mais négatifs (y compris par de grandes ME). Et dernièrement Scrineo, qui l'a refusé après 6 mois d'hésitation en seconde lecture de leur comité, parce qu'ils préfèrent privilégier les oneshots... Bref, j'ai l'impression que ce roman est juste, juste en dessous du niveau éditorial et c'est un peu frustrant, bien sûr !
Contente que tu aies apprécié ce prologue, en tout cas.
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
Ne te décourage pas. Il y a peut être des éditeurs aussi que tu ne connais pas encore et qui serait plus accessible avec une duologie ^^
Après une éternité, me revoici ! J’avais commenté le prologue et le premier chapitre de la première version. (J’ai encore ces commentaires dans mes fichiers.) À l’époque, le protagoniste ne me semblait pas avoir la carrure d’un dirigeant et on aurait dit qu’il était destiné à être un souverain fantoche. Avec cette nouvelle version, j’ai l’impression d’avoir affaire à un personnage ambitieux, qui a des rêves de grandeur. Il a peur (et il y a de quoi), mais il se maîtrise bien.
Il reste mystérieux, tout comme ses interlocuteurs, et je me demande s’il a raison de leur faire confiance ou si c’est de la naïveté de sa part. S'ils ont fait appel à lui, c'est qu'ils le connaissent. Ils sont organisés alors qu'il est seul. Je crains qu'il prenne beaucoup plus de risques qu'eux.
Même si je ne me souviens pas précisément de l’ancienne version, je crois que ton texte a bien évolué.
Quelques remarques :
— mais quel en serait le prix à payer ? [Je dirais « quel en serait le prix » (le prix de ces promesses) ou « quel serait le prix à payer » (sous-entendu « pour ces promesses ») ; si tu mets « en » et « à payer », c’est comme si tu disais « le prix à payer de ces promesses ». Je ne sais pas si mon explication est claire...]
— Il sentit qu’il serait vain d’exiger des précisions. Trop tôt. Il devrait faire ses preuves. [Les phrases courtes font leur effet dans ce contexte, mais je mettrais quand même « C’était trop tôt. ». À mon humble avis, la phrase « Trop tôt. » détonne dans le style ambiant.]
— mais cette fois, la peur se mêla d’excitation. [Je dirais « se mêla à de l’excitation » ou « se mêla à l’excitation » ; « se mêler de » n’a pas le même sens que « se mêler à ».]
— tant qu’au bout du chemin, on lui garantissait de régner. [Il me semble que la formulation « on lui garantissait de régner » ne fonctionne pas bien ; si ces hommes lui disaient « Nous vous garantissons de régner », ce serait ambigu. Je propose « on lui garantissait qu’il régnerait ».]
Il faut bien que je pinaille, non ? ;-)
Tu as tout à fait raison : j'avais retravaillé ce prologue justement pour montrer que cet homme mystérieux réagissait très fortement (peut-être même plus que ce à quoi il s'attendait lui-même) à la proposition qui lui était faite. Et qu'il avait de l'envergure : quel que soit le rôle que ses interlocuteurs veulent lui donner, ils devront compter avec lui. Du coup, c'est parfait si tu as senti la différence.
Quant à tes remarques sur la forme, comme d'habitude elles sont tout à fait pertinentes ! En te lisant, je me demande même comment j'ai pu écrire "quel en serait le prix à payer" sans jamais remarquer que c'était moche XD.
Je note aussi pour le "Trop tôt". C'est vrai que ça fait drôle, pourtant je ne suis pas complètement convaincue non plus par "C'était trop tôt", il faudrait trouver une autre tournure.
En revanche, "on lui garantissait" + infinitif, je dois dire que ça ne me choque pas.
Mais oui, pinaille, pinaille, je t'en prie !
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
— les intrigues, les rancœurs, les alliances que génère la fascination du pouvoir [qu’engendre ; voir ici : https://www.dictionnaire-academie.fr/article/DNP0115]
Je précise que je viens d'arriver sur Plume d'Argent et ceci sera mon tout premier commentaire : soyez indulgents, s'il vous plait ;)
J'ai été amené sur Les Princes Liés par la Radio PA grâce à une très bonne lecture qui m'a donné envie de jeter un coup d’œil.
Je dois avouer que je n'ai pas été déçu ! J'ai vraiment beaucoup aimé ce prologue.
Tout d'abord, j'apprécie vraiment ta façon d'écrire, on est très vite projeté dans le contexte de l'histoire et tes descriptions m'ont semblé très visuelle ( je veux dire par là que je me suis vraiment senti au cœur de cette forêt par un sombre début de nuit ;) ).
Ensuite tu mets en place des vrais classiques de la fantasy. Je pense notamment aux Hommes masqués (qui "n'avait pas de visages") et à la rencontre obscure et comploteuse qui a lieu au sein d'une vieille bâtisse par une sombre nuit. Cela dépend de chacun mais j'ai toujours trouvé que ce genre de "classiques" étaient géniaux ! C'est le genre de chose qui me réjouit quand je lis de la fantasy, voire même qui me font frissonner ;p. Pour ma part, je trouve même qu'ils peuvent être des atouts car ils permettent de vraiment inscrire le récit dans son genre.
Selon mon avis, la plus grande originalité de ce prologue est ce personnage central. On ne sait certes pas grand chose sur lui mais je trouve que tu amènes déjà une certaine profondeur, notamment par ses doutes et le fait qu'il semble davantage poussé par la curiosité et l'envie que par une réelle pulsion froide et manipulatrice de pouvoir. Et je crois que, bien qu'il ne semble clairement pas se trouver du "bon" côté de l'histoire, je l'apprécie même déjà un peu.
Enfin bref, ce prologue était, à mon goût, vraiment bon ! En tout cas, il m'a donné envie de lire la suite ;).
Oh je suis très flattée que ma fiction fasse l'objet de ton tout premier commentaire ! Et d'autant plus si ça t'a plu et donné envie de continuer.
Oui, Aranck m'avait fait un très beau cadeau en lisant les deux premiers chapitres des Princes liés ! J'adore sa lecture. Tu retrouveras le texte au prochain chapitre, d'ailleurs, si tu reviens lire. Il a subi des modifications car la lecture sur radio PA date de la toute première version de ce tome (qui doit en être à la 5 ou 6ème, après une réécriture et plusieurs vagues de correction). Ce prologue n'existait pas d'ailleurs. Pour compléter l'historique : le tome 1 a fait l'objet d'envois à des éditeurs, sans succès pour l'instant malgré plusieurs retours détaillés encourageants, mais j'attends encore des réponses. Le tome 2 (le dernier) est en cours d'écriture. Il ne manque que 4 chapitres pour que le premier jet soit fini, mais la fin me donne un peu de mal.
Tes réflexions sont intéressantes : c'est mon premier gros projet, et je crois qu'inconsciemment, j'ai effectivement voulu m'appuyer sur les standards du genre. Je ne suis pas une créatrice d'univers, et ça m'intéresse plus de consacrer de l'énergie aux personnages, à leurs relations et à l'intrigue. Du coup, en utilisant des standards, on peut se dédouaner d'une présentation de contexte puisqu'on fait appel à des mécanismes plus ou moins éprouvés. Tout ça était inconscient quand j'ai commencé, hein, mais avec le recul, je pense que c'est ce que j'ai fait intuitivement.
En tout cas, je suis ravie de t'avoir fait passer un bon moment !
Ton commentaire est très bien, pas d'inquiétude ;) Clair et argumenté, impec !
Est-ce que tu t'es aussi inscrit sur le forum ? (Desolee si c'est le cas et que j'ai loupé ta présentation : il y a beaucoup de nouvelles plumes en ce moment). Si ce n'est pas le cas, je te le conseille : c'est une communauté très sympa et il y a des discussions très intéressantes. Et si tu écris et que tu publies sur FPA, tu as plus de chances d'avoir des retours si tu fréquentes le forum.
Merci pour ta lecture et ton commentaire ! Si tu as envie de continuer ta lecture, j'espère que la suite te plaira !
Tout d’abord, je suis navrée d’avoir laissé ta très gentille réponse sans le moindre retour et te présente donc mes excuses.
Néanmoins, après deux ans d’absence sur PA (oui, oui, autant dire que mon premier passage était de courte durée…), la première chose que j’ai voulu faire fut de retrouver les Princes Liés. En effet, cette histoire ne m’avait jamais vraiment quitté l’esprit et j’avais très envie d’enfin pouvoir la lire comme elle se doit.
En reprenant ce prologue, je dois bien dire qu’il me laisse une toujours aussi belle impression. Ce personnage au manteau bleu m’intrigue et j’ai envie de comprendre qui il est. Je crois toujours qu’il ne s’agit pas de quelqu’un de profondément mauvais (du moins, c’est ainsi que je le ressens) mais qu’il pourrait facilement être emmené vers ce côté si on lui en promet assez.
Tes descriptions, elles-aussi, m’ont marqué, je les trouve visuelles et très fluides. D’ailleurs, j’aime beaucoup les images que tu emploies et notamment le « torrent de lave » qui se déverse dans ses veines. Cela me donne l’impression de sentir moi-même mon sang bouillir, et je crois que c’est ce qui contribue à me sentir proche de ce personnage pourtant si énigmatique.
Sinon, je maintiens le reste de mon précédent commentaire. La vieille bâtisse dans l’obscurité, les soldats sans visage et les trois hommes assis qui ne parlent que d’une voix : quel décor pour planter ton histoire !
En tout cas, je suis très heureuse d’avoir enfin pu reprendre cette lecture et cette fois-ci je compte aller au bout. D’ailleurs je m’en vais dès maintenant vers le prochain chapitre 😉.
P.S : Je te remercie, j’ai suivi avec un peu de retard tes conseils et me suis inscrite au forum lorsque je suis revenue sur PA. Au plaisir, de pouvoir peut-être de nouveau échanger avec toi au fil de ma lecture ou au sein de la plumauté.
Désolée pour le délai de réponse à ce commentaire. En tout cas, je suis très touchée qu'après tout ce temps, tu aies tenu à revenir sur cette histoire. Depuis, les deux tomes sont terminés. Je pense en faire une réécriture, mais quoi qu'il en soit, si la suite te plaît, tu auras l'histoire en entier.
J'ai vu passer ton inscription sur le forum et je te souhaite donc encore une fois la bienvenue !
Merci encore pour ta lecture et pour ce second commentaire. A bientôt !
Je ne sais plus si ton histoire m'a été recommandée sur le forum ou par les suggestions de l'IA, mais le résumé donne vraiment très envie !
Ce prologue ne dévoile aucune identité, met l'accent sur le mystère et les enjeux. J'adore comment son scepticisme est balayé par l'opportunité de réaliser son rêve. Comme quoi, ceux à la tête de cette organisation l'ont bien cerné !
Sur ce, je vais poursuivre ma lecture ^^
J'espère que la suite te plaira.
J'ai beaucoup aimé ce prologue qui nous met direct dans l'ambiance.
Je me suis projetée très facilement dans ton univers, tellement même que je me suis fait la réflexion qu'à la place de ton perso je me serai perdue 20 fois en route. Les courses d'orientation n'ont jamais été mon fort !
Je me presse de lire la suite et j'y vais de ce pas !
Contente que cette petite mise en ambiance te plaise :)
T'inquiète, moi aussi je me serais perdue, ou alors j'aurais ouvert Waze, mais le cheval n'a pas l'option GPS, ici XD
Je vais répondre à ton autre comm !
Je sais que tu es déjà au tome 2 mais j'aime bien mettre des commentaires assez souvent, donner mes impressions et échanger avec l'auteur.
Alors tout d'abord, tu écris merveilleusement bien. C'est très bon, en un prologue on est plongé dans le décor, dans l'ambition et l'état d'esprit du personnage. C'est simple, percutant et efficace.
Tu nous dis pourtant pas grand chose de ton perso, à vrai dire. Pas de description physique, à peine mentale, juste son état d'esprit sur ce qu'il vit. Ton personnage nous offre pourtant déjà de belles nuances de gris. Tu nous le dis ni méchant, ni gentil, ni extraordinaire mais on voit déjà qu'il veut s'élever de sa condition et qu'il est ambitieux. Il reste très mystérieux mise à part cela, tu le nommes pas, on ne sait pas si c'est l'un des princes du résumé ou quelqu'un d'autres mais on l'imagine déjà. Il n'est pas méchant mais on sent que son ambition peut être un trait noir de sa personnalité. J'ai adoré ta dernière phrase : "Oh oui, il serait infiniment patient et dévoué, tant qu’au bout du chemin, on lui garantissait de régner."
L'univers se dessine petit à petit sans trop de description, les sans visages (visages métalliques) n'ont pas non plus de valeur moral attribuée. Ils n'ont pas l'air trop sympas par leur apparats mais il n'y a aucun jugement sur leur fond en réalité.
BOn ils reprennent cependant les archétypes des méchants, bien organisés, mystérieux, peu enclin à la parole et tout simplement flippant ! ahah.
Sinon pour l'écriture, c'est simple et fluide. Tu ne te répètes pas, tu es assez évocatrice sans pourtant trop descriptive.
J'ai hâte de continuer =).
Et je suis flattée par ce que tu dis sur mes remarques et commentaires, parce que c'est un exercice que je m'efforce de faire le mieux possible (et j'y prends beaucoup de plaisir, en plus). J'ai eu des retours tellement enrichissants sur les Princes liés et sur d'autres histoires, que je me fais un devoir de rendre la pareille. Je n'aurais jamais progressé aussi vite sans les commentaires des plumes ! (Je n'écris que depuis deux ou trois ans). Voilà pour mon intro à moi :)
Je ne pensais pas qu'on pouvait dire autant de choses sur ce petit prologue ! En tout cas, ce que tu as perçu me rassure parce que c'était exactement ce que je voulais faire passer.
Eh non, je ne dis rien de ce personnage, mais on le reverra, ainsi que les hommes au visage masqué.
Je n'aime pas trop les personnages manichéens, comme tu le verras si tu continues, j'aime les personnages complexes, un peu tordus.
Quant à mon écriture... je suis toute rouge. Tes compliments me vont droit au cœur !
En tout cas je suis ravie que ce prologue t'ait donné envie de continuer. J'espère que la suite te plaira.
Merci pour ta lecture et ton commentaire !
Franchement, c'était sincère. J'adore lire les commentaires et les tiens encore plus. Je les trouve très juste, je suis souvent d'accord et tu peux relever des choses que je n'avais pas vu au premier coup d’œil et en y réfléchissant une seconde fois, voir que tu as raison. (Exemple, moi aussi j'ai eu du mal à comprendre, dans la prophétie des Lucioles , quand on explique les intentions d'Akiya pour enlever Michael et que ça ne s'est pas déroulé comme prévu. Sur le coup, pour moi aussi c'était flou mais je n'ai pas pensé à le redire en commentaire ahaha. J'étais donc ravie de voir que tu y avais pensé. Mais bref, je ne suis pas là pour parler de la Renarde. lol
Je suis habituée à lire et j'adore décortiquer les personnages, les indices etc ^^.
J'adore ce style de perso, je m'évertue à en mettre pas mal dans mon histoire mais ce n'est pas toujours simple. Alors, lire beaucoup d'histoire qui en contiennent m'aide beaucoup à écrire.
Promis, je continue bientôt !
J'adore le point de vue que tu prends, c'est rare qu'on se retrouve dans la tête d'un tel personnage, d'habitude c'est plutôt les gentils qui sont introduits, ou alors les grands grands méchants qui font des trucs méchants toussa toussa, là c'est un intermédiaire, et qui reste très mystérieux qui plus est ! (On a même pas son nom ! Et en même tps tu amènes très bien l'onomastique de ton histoire avec le royaume, la colline, tout ça ^^)
Les méchants ont l'air troooop cool (les grilles devant le visage ? Je valide à fond fond fond !!)
Ils ont l'air bien organisés, pas de blabla et paroles inutiles, de révélations qui n'ont pas lieu d'être, ça fait plaisir !
L'écriture en elle-même est très fluide, évocatrice, pas répétitive, bravo aussi pour ça :)
A très bientôt !
Je suis ravie que le début te plaise et que tu aimes ce point de vue. Tu verras qu'il reviendra régulièrement, ce "manteau bleu". D'ailleurs, dans le premier jet, je ne lui avais pas donné de nom, c'était juste "il". Mais ça prêtait pas mal à confusion, du coup j'ai ajouté ce surnom du "manteau bleu", et surtout, j'ai ajouté le nom du pov à chaque changement. Je pense que c'est plus clair comme ça.
Les gars en uniformes verts avec les grilles aussi, ils vont revenir ;)
Quant à l'écriture, ton retour fait plaisir à lire : j'y ai porté une attention particulière dès le premier jet. Il m'arrive de passer 10 ou 15 minutes sur une phrase :D
Merci pour ta lecture et ton commentaire.
Ça y est je m’attaque aux Princes Liés, j’espère que tu ne trembles pas trop des genoux XD avant de te donner mes retours, je tenais à te mettre en garde les concernant : je ne lis quasiment pas de fantasy qui ne soit pas très YA (c’est à dire que j’abandonne mes lectures dès qu’il s’agit de GoT, Seigneur des Anneaux, j’ai même du mal avec l’Épée de Vérité et le Clan des Otori alors que c’est pas si difficile à lire que ça XD). Je crois que je suis pas du tout dans le lectorat que tu vises, j’espère que tu m’en voudras pas d’être relou du coup et tu as le droit de me donner des coups de bâtons, tout ça !
(Ah et j’en profite pour te dire que je me force pas à te lire, ça fait un bon moment que je veux commencer les Princes à fond, et surtout je veux pouvoir en discuter avec toi et Tac et d’autres plumes quand on se verra !)
Je commence les retours sur ce prologue (je sais pas si on peut appeler ça retours XD) :
J’aime bien l’idée du prologue pour intriguer le lecteur, je trouve que ça marche ici notamment parce qu’on se demande si ce personnage va effectivement être sur le trône dans les prochains chapitres, ou alors peut-être que nous allons voir sa quête pour y parvenir, ou alors on verra sa chute ! Impossible de savoir !
Là où je trouve que c’est un peu étrange, c’est que sans rien savoir de l’ordre qu’il a en face de lui (ni de sa capacité à tenir ses promesses), l’homme au manteau bleu semble leur faire confiance et il se dit déjà qu’il va régner. Bon, le truc qui sauve, c’est qu’on ne sait rien de ce mec, si ça se trouve il a rêvé de ça toute sa vie, il a fait quatre coups d’état qui ont foiré, ou c’est le bras droit du roi actuel et il veut le destituer...
Mais qu’il se dise « ouais, ces types ont raison, je serai roi », ça a de suite sonné un peu faux pour moi. Perso, jamais je les aurais cru ces mecs !! Ils ont des casques bizarres !
À de suite pour le premier chapitre <3
Je ne suis pas sûre d'avoir compris ce que tu lis ou ne lis pas, comme fantasy. Tu n'aimes pas quand c'est violent, c'est ça ? Alors je te rassure, j'ai un peu lâché mon côté barbare sur quelques scènes, mais franchement, on est trèèèèèès loin de GoT et même du Clan des Otori ! Et après avoir lu ton premier chapitre, je peux affirmer que tu supporteras sans problème.
J'ai beaucoup hésité à faire un prologue, je trouvais ça un peu racoleur. Mais d'un autre côté, tout le monde m'a dit que commencer par le chapitre suivant (l'accouchement tout merdique et la souffrance de la reine) ça risquait de refroidir tout de suite certains lecteurs, du coup j'ai fini par me laisser aller à la facilité.
Intéressante, ta remarque sur le fait qu'il adhère trop vite au plan ! Tu es la première à me l'avoir dit. En fait, je comptais sur le fait qu'on ne sait pas exactement ce qu'il y a dans la lettre (on peut donc imaginer qu'il y a déjà des détails convaincants) et aussi, comme tu le dis, que la proposition résonne particulièrement en lui : ils ont choisi quelqu'un qui avait tout pour se laisser convaincre.
Quant à leurs casques/masques je sais pas ce qui m'a pris avec ça mais c'est pas super facile à gérer :D
C’est vraiment une préférence pour un genre littéraire, c’est pour ça que je te disais de pas toujours tenir compte de mes retours s’ils concernent la forme (quoique je pense honnêtement que j’en ferai pas beaucoup, jusqu’ici à part quelques mots que je ne connaissais pas, ça me convient très bien !)
Pour le prologue, ah oui je vois très bien l’intérêt perso ! Je pense que tu as bien fait de le mettre, il fonctionne. Le seul retour que j’avais je te l’ai dis, c’était juste sur sa tendance à dire oui très vite, après il y a effectivement beaucoup de flou autour de cet homme au manteau bleu, donc je peux pas dire que c’est impossible non plus :p
Nous nous sommes croisés sur le forum, mais je me présente une nouvelle fois : je m’appelle Isiniel et j’écris des commentaires qui s’appuient plus ou prou sur le sens ou la sonorité.
Voici l’extrait que je critiquerai :
Le jour n’avait pas fini de mourir, mais les dernières lueurs s’arrêtaient à la lisière de la forêt. Sous le couvert des arbres, l’obscurité s’épaississait. Craignant de ne plus distinguer suffisamment les alentours pour se repérer, le cavalier pressa sa monture à travers les buissons et ferma son long manteau bleu contre la fraîcheur de la nuit.
Il reconnut le rocher à deux pointes évoqué dans la lettre et prit vers le nord. S’il en croyait les indications, il touchait au but. Tant mieux. Il ne cessait de sursauter comme un enfant au moindre craquement ; les cris des bêtes nocturnes dans le sous-bois lui hérissaient le poil comme autant de menaces.
Dans quoi s’était-il embarqué ? Il sortit pour la centième fois le parchemin de son manteau de voyage. La vue du sceau mystérieux — un livre et une tour, surmontés de trois étoiles d’or — provoqua la même bouffée de peur mêlée d’impatience qu’à sa première lecture. Reçue une lune auparavant, la missive lui faisait miroiter un avenir grandiose. D’abord méfiant, il avait senti croître en lui la curiosité, puis l’envie. Il avait résolu d’honorer la mystérieuse invitation.
Dans le texte présenté, le héros du prologue s’aventure dans une forêt au crépuscule.
Préambule :
« manteau bleu » ; « manteau de voyage » : répétition.
« Sceau mystérieux » ; « mystérieuse invitation » : répétition.
Toutefois, une interrogation : « Le jour n’avait pas fini de mourir » est la première phrase qui ouvre ton récit. Cependant, ce récit est raconté dans le point de vue interne au héros de ce prologue. En ce sens, la narration est un reflet de la pensée du personnage. Or, la première métaphore transporte une image assez forte qui ne se retrouve pas dans le comportement du personnage, ni sa justification dans la suite du récit. Quoique belle, cette figure de style apparaît marginale car elle ne souligne par elle-même les traits (la nuit, la forêt, le trésor, et autre thématique) que j’ai cru distinguer du récit. La seconde proposition m’apparaît aussi étrange en ce sens : tu as utilisé le verbe d’action « arrêter » pour décrire le jeu de lumière. A mon sens, tu crées une rupture dans la continuité de l’Action. Je m’explique. Tout se passe comme si l’histoire de ton univers ne débutait que maintenant : auquel cas, si le soleil se projette à ce moment, effectivement, elles s’arrêteraient à la lisière. Toutefois, l’astre a illuminé la forêt avant de faiblir, rougir. In fine, reculer pour n’éclairer que la lisière ? En d’autres termes, le verbe « arrêter » suggère un mouvement d’arrière en avant mais elle tronque l’idée que la lumière ait pu illuminer la forêt avant de reculer, a fortiori que tu émets à la phrase suivante : « l’obscurité s’épaississait ».
Aparté :
« Le jour n’avait pas fini de mourir » versus « contre la fraîcheur de la nuit. ». L’indication temporelle « nuit » intervient probablement trop tôt dans le texte en ce qu’elle apparaît dans la même phrase que l’appréhension du héros pour s’orienter dans la feorêt tandis que le jour se meurt.
Si tu poses en entrée de jeu, un antagonisme de décor, la suite du texte aplanit ce sentiment. En effet, dans le paragraphe suivant : « Il reconnut le rocher à deux pointes évoqué dans la lettre et prit vers le nord. […] les cris des bêtes nocturnes dans le sous-bois lui hérissaient le poil comme autant de menaces. », tous les écueils de la traversée sont représentés dans ce terme « prit ». Pour autant, d’une part, le verbe « prendre » ne prolonge pas la difficulté que tu as émises plus haut du voyage sinueux de la forêt, du fait de sa valeur neutre. Pour appuyer mes propos, une courte analyse sonore met en exergue son caractère monosyllabique qui rend brève la durée de son déplacement. Le lecteur le prononce rapidement et, à le prononcer à haute voix, n’entraîne pas d’effort supplémentaire car il s’accompagne de mots monosyllabique (« et prit vers le nord »). Ce faisant, tu affaiblis les embûches (liées à la lumière, l’étroitesse de la forêt, etc.) que tu as patiemment mise au paragraphe précédent.
Pour terminer une analyse de rythme : c’est davantage une lubie qu’une véritable point d’expérimentation, en vérité. Tu peux y passer outre (rire).
« D’abord méfiant, il avait senti croître en lui la curiosité, puis l’envie » : la phrase citée souligne la croissance d’un sentiment. Cependant, la forme du texte ne participe pas au fond du texte. Je m’explique. Pour décrire l’expansion d’une chose, les Anciens utilisaient la cadence majeure (ou, pour l’inverse, la cadence mineure), où les propositions croissent en proportion. Ici, « D’abord méfiant » (4 syllabes), « il avait senti croître en lui la curiosité » (13 syllabes), « puis l’envie » (3 syllabes), tu casses par la dernière proposition, plus petite que la première, la cadence majeure. Une question se pose alors : cette disruption du rythme, quel plus-value par rapport à une cadence majeure qui associerait fond et forme ?
Qu'en penses-tu ?
Alors je vais répondre surtout à ta dernière question : qu'en penses-tu ?
Je vais être tout à fait franche : j'ai lu ton commentaire comme j'aurais lu un article sur un sujet qui ne me passionne pas, mais qui éveille vaguement ma curiosité au fur et à mesure que je le parcours. Désolée si c'est un peu sec, mais je vais développer ;). Je me suis revue en classe de première quand on faisait du "commentaire composé" (je ne sais pas si ça s'appelle encore comme ça maintenant : pour moi ça date un peu). Ma réaction d'alors était "mais quelle horreur de disséquer ce magnifique poème, laissez-le donc tranquille !"
Voilà, en gros je suis ce qu'on appelle intuitive et pas du tout analytique. Un texte "fonctionne" sur moi ou pas : il provoque ou non des émotions, des images, de la curiosité... mais je ne veux pas savoir pourquoi, surtout pas sur la forme, sinon j'ai juste l'impression que ça me gâche le plaisir. De la même manière que quand je regarde les étoiles et que je les trouve belles, ça m'indiffère totalement de savoir quel pourcentage de quel gaz les compose.
J'ai trouvé ton analyse intéressante parce que la plupart de tes remarques sont tout à fait fondées et instructives (en particulier ton explication sur les cadences mineures ou majeures), mais je n'ai pas du tout un niveau d'écriture qui me permet d'appliquer instinctivement tes recommandations. Si je voulais le faire, ça impliquerait que j'analyse mon texte de la même manière que toi, et je m'y refuse parce que je sais que l'exercice serait un véritable pensum pour moi.
Or, j'écris 1) parce que c'est un plaisir pour moi, 2) en espérant à ma petite échelle procurer du plaisir à ceux qui me lisent. C'est plutôt ça, mon échelle : si le plaisir est là c'est une réussite, sinon c'est à revoir.
Du coup, je t'avoue que je suis plus sensible à des commentaires qui me disent "j'ai eu du plaisir à lire pour telle et telle raison" ou "je n'en ai pas eu à cause de cet élément ou de celui-ci".
Pour moi, les commentaires idéaux sont ceux des plumes qui parviennent à la fois à lire en lecteur.trice.s ET en relecteur.trice.s ; qui vont me dire ce qu'elles ont ressenti en lisant le chapitre, formuler des hypothèses sur les persos ou les intrigues (ça montre qu'elles sont DANS l'histoire), puis me signaler un manque de clarté ou une maladresse sur la forme ou encore me suggérer un moyen de mieux faire passer ce qu'elles pressentent que j'ai voulu dire.
Ton retour est purement analytique. J'aurais bien aimé savoir si tu avais ou non passé un bon moment, finalement. Est-ce que tu te poses la question ou est-ce que tu es trop pris (oui décidément je l'aime trop ce verbe prendre ;) ) par l'analyse pour te faire une opinion subjective ?
Enfin, je dois te dire que je n'ai pas tout compris à ta première remarque sur la continuité de l'action. Il n'y a pas de continuité parce que c'est la première "image" de l'histoire, comme si le film commençait. Or, si un film s'ouvre sur un coucher de soleil, ça n'empêche pas d'imaginer que le soleil a été plus haut avant, si ? Ou alors, je n'ai pas saisi.
Quoi qu'il en soit je te remercie pour ce commentaire qui me laisse à voir ce que devrait être vraiment la prose, et que j'espère naïvement atteindre un jour ;)
A+
(rire) Nos réactions sont effectivement différentes face à cet exercice : quand d'autres jugeaient le commentaire inutile, je le pensais nécessaire. (nostalgique) Aimer sans comprendre la raison de cet amour m'a toujours paru comme un désespoir dans le domaine de l'art. Lorsque j'entendais mes camarades dire que l'auteur jetait de l'aléatoire sur le papier et que le commentaire de texte n'était qu'une hypocrisie, je ne pouvais accepter que des émotions provoquées aussi puissamment ressenties ne puissent être que le résultat d'un heureux hasard.
De mon côté, l'intuition et l'analyse ne me paraissent pas aussi disjointes. Sand écrivait dans sa préface pour "François le Champi" (un excellent roman que je conseille) qu'au début de l'écriture, il y a l'Emotion. On ressent quelque chose de notre milieu que l'on couche sur le papier. Et entre ces deux, il y a un traducteur, un moyen : l'Art. Cet art a pour principal injustice qu'elle restera obscur pour l'écrivain : Gide, dans les "Faux-monnayeurs" (le seul roman potable, chez cet auteur, que j'ai lu pour le moment), parle de "transcendance divine" pour décrire l'inspiration. Cela en dit long de cette dépossession de ses propres capacités, mais aussi l'inaccessible de sa propre compréhension. Comprendre la manière, les procédures, c'est ce rôle que se donne la critique (et l'auto-critique), avec plus ou prou de succès.
Si l'on interfère avec le phénomène, on le comprendra. Si on le comprends, on le contrôlera. (La critique est un moyen me forcer à me rendre conscient ces phénomènes divins.)
Discuter des choix d'écritures, forcer l'auteur à opérer un retour en arrière, comme dans une autobiographie, pour expliquer pour quelle raison, il a opté ce mot plutôt qu'un autre est aussi une manière pour moi d'apprendre.
Mon retour est certes purement analytique, je ne le nie pas ; mais elle s'appuie sur la mise en exergue d'un axe de lecture qui est inhérent à l'écriture.
Je n'aime pas donner mon avis, généralement, sur un texte : cela influe la réception et la réponse, couramment. Et à te l'avouer, ce n'est pas ce point que je recherche à améliorer actuellement dans mon style. Je n'ignore pas que la discussion en serait tout aussi intéressant : mais je ne saurais quoi faire des précieuses informations et procédés que tu me donneras. Je ne souhaite pas te faire perdre du temps...
Si tu souhaites absolument obtenir mon avis personnel, j'ai apprécié la lecture, même si je ne lis plus de fantastique depuis belle lurette.
Dans l'absolu, non. Mais le terme "arrêter" crée un bug dans la lecture, et je l'ai ressenti (ainsi que les autres points que j'ai souligné plus haut). La principale raison est que ce terme agit comme si le soleil avait "popper" dans le ciel, et qu'à ce titre seulement le verbe apparaît concevable.