De tous les métiers du monde, Roxane avait le choix. Élève brillante et studieuse depuis son plus jeune âge, elle aurait pu devenir qui elle voulait et une belle carrière se serait offerte à elle.
Son père avait même fondé de grands projets pour son avenir. Avocat de renom, il avait toujours espéré que sa petite chérie marche dans ses pas, fasse de longues études et reprenne la suite du cabinet. Il avait tout prévu. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle annonça qu'elle souhaitait passer les concours d'entrée à l'école d'infirmière. Au début, il crut à une blague. Comment sa fille pouvait-elle renoncer ainsi à de grandes études ? Un talent pareil, ce serait idiot de le gâcher dans de banales études d'infirmières. Elle aurait au moins pu tenter médecine, cela aurait été un choix plus respectable et qui offrait une qualité de vie supérieure.
Bien sûr, de nombreux indices auraient pu le mettre sur la piste. Roxane se passionnait pour les sciences du corps et le bien-être des personnes. Elle avait toujours eu une bonté d'âme sans égale, ce qui faisait la plus grande fierté de son père. Elle était à l'écoute de la moindre personne un peu triste ou isolée et n'hésitait pas à porter aide ou secours à qui lui demandait. Peut-être était-ce la perte prématurée de sa mère, emportée par un cancer, qui l'avait incitée à être si douce et généreuse envers autrui. Ou alors, son absence à lui, voyageant souvent pour ses affaires, qui l'avait fait mûrir et devenir si tenace dans ses choix. Peu importait la raison, Roxane ne semblait pas vouloir en démordre.
Les semaines et les mois passèrent. Les concours approchaient à grandes enjambées et rien ne semblait ébranler la volonté de sa fille. Son choix était donc fait. Pourtant, il ne baissa pas les bras. Il trouva toutes les occasions pour traîner sa fille au bureau. Il chercha à lui apprendre les ficelles du métier, lui demanda des tas de recherches sur des textes de loi utiles pour ses différentes affaires. Il espérait secrètement que ce temps passé pour l'aider, empêcherait sa fille de mener à bien son projet et que lorsqu'elle se retrouverait sans école, elle reprendrait ses esprits et recouvrerait la raison.
Le jour fatidique arriva, ces lettres qui rayèrent une bonne fois pour toutes, tous les projets qu'il avait pour elle. Elle était acceptée dans non pas une, mais trois écoles. Un choix allait s'imposer à elle, mais pas celui qu'il aurait voulu. Elle allait devoir trancher entre faire ses études à proximité, ou tout quitter. Il en tremblait d'avance d'imaginer la décision que pourrait prendre sa fille. Jamais il n'aurait pensé la voir partir si tôt. Résigné et aimant, il ne lui restait plus qu'à se réjouir pour elle et l'épauler du mieux qu'il pourrait, car il le savait, ce métier aussi ingrat et noble soit-il, pouvait aussi se montrer destructeur. Il les connaissait, ces affaires où les soignants, par épuisement, tentaient de mettre fin à leurs jours, et bien sûr, il ferait tout pour éviter qu'une telle catastrophe arrive à celle qu'il considère comme la prunelle de ses yeux. Il lui avait fallu du temps, mais il finit par changer son fusil d'épaule. À présent, il serait son pilier, celui qui lui éviterait la chute et qui lui permettrait d'affronter tous les obstacles.